Publié le jeudi 12 décembre, 2002
En Côte d'Ivoire, dans un contexte d'instrumentalisation de la xénophobie (« l'ivoirité »), sur fond de crise économique provoquée par un pillage multiforme (interne et externe), une rébellion armée a précipité la radicalisation des stratégies politiques. Cette radicalisation mise sur des clivages Nord-Sud et/ou Islam-Christianisme, qu'elle provoque puis avive. Les Ivoiriens sont sommés de s'enrôler dans un camp ethnique ou religieux. Les "tièdes" sont soupçonnés de trahison. À Abidjan, les faucons du régime, appa-remment en position dominante, fourbissent une arme aux effets incalculables, "expérimentée" à grande échelle en 1994 au Rwanda : cultiver l'hystérie par les médias de la haine, enrôler la jeunesse dans des mouvements susceptibles de se muer en milices d'"autodéfense", avec l'appoint d'"escadrons de la mort". Dans le Nord, des informations crédibles ont fait état d'exécutions extrajudiciaires de fonctionnaires "loyalistes". Les extrémistes de chaque faction rêvent d'imposer militairement leur suprématie, rompant une trêve fragile dès lors que faiblirait la volonté d'interposition de la communauté internationale - représentée principalement, de facto, par les pays ouest-africains et la France.
Le monde se souvient, ou devrait davantage se souvenir, de
l'horreur de 1994 au Rwanda, quand un mélange de haine, de peur et de
contrainte a enrôlé plus d'un million de personnes dans le massacre d'environ
800 000 autres, leurs voisins. Il n'est pas possible que l'humanité accepte ce
risque pour la Côte d'Ivoire, même à une échelle moindre. Un embrasement de
la guerre civile ferait courir le risque d'in-nombrables pogromes, et d'un
engrenage mimétique des atrocités. Les organisations et les personnalités
soussignées décident de coaliser leurs volontés pour tenter d'épargner le
pire. Elles demandent que le Conseil de sécurité des Nations unies soit saisi
au plus tôt, par les Etats qui en ont le pouvoir, pour :
condamner
avec la plus grande fermeté toute tentative de relance des hostilités, la
crise actuelle n'ayant d'issue possible que politique, en particulier sur les
questions de citoyenneté, de démocratie et de justice ;
décréter
un embargo sur les livraisons d'armes, interdire l'emploi de mercenaires,
condamner le recrutement d'enfants-soldats, lancer une enquête sur le
financement et l'armement des rébellions ;
exiger
la fermeture immédiate des médias de la haine ;
menacer
de déférer les propagandistes de l'ethnisme, les recruteurs de milices, les
commanditaires d'escadrons de la mort et les autorités qui les tolèrent devant
la Cour pénale internationale. La France, par l'étroitesse de ses relations
avec la Côte d'Ivoire, a une responsabilité toute particulière. Elle dispose
de nombreux moyens, y compris la saisine du Conseil de sécurité, pour enrayer
l'engrenage mortifère. C'est une question de volonté et de priorité
politiques. Se trouvant de fait au cœur du processus d'interposition, elle ne
peut le déserter tant que n'est pas mis en place un dispositif suffisant pour
empêcher un drame qui peut encore être évité. Elle ne peut rééditer le départ
précipité des troupes de son opération Amaryllis, en avril 1994 au Rwanda -
contribuant alors à abandonner toute une population au déferlement génocidaire.
Les organisations et personnalités soussignées s'engagent et invitent à soutenir toutes les expressions d'un langage de paix, de citoyenneté et de dialogue en Côte d'Ivoire. Elles encouragent les Ivoiriens à propager un message de résistance à la logique du clivage ethnique et religieux, à l'enrôlement des civils dans une guerre fratricide (certains le font déjà, avec beaucoup de courage, sans recevoir un écho suffisant). Elles invitent à la diffusion d'un slogan du genre : « La haine ne passera pas par moi ». Chaque Ivoirien, personnellement et dans ses multiples formes de relations sociales, peut contribuer à désamorcer cette arme, à l'exemple des responsables des différentes communautés de Bouaké qui ont brisé le cycle de représailles en instaurant des groupes de vigilance conjointe.
Afrique Verte, Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme, Agir ici, Aircrige, Antenne Foi et Justice Afrique-Europe de Paris, ATTAC, CADTM-France, CCFD, Cedetim, Cimade, Centre de Recherche et d'Information pour le Développement (CRID), Coordination Sud, Fédération Artisans du Monde, FIDH, Frères des Hommes, Ligue des Droits de l'Homme, MRAP, Oxfam-Solidarité (Belgique), Prévention Génocides, Ritimo, Scouts de France, Survie, Terre des Hommes France, Association pour la Défense de la Démocratie et de la Liberté (ADDL), Association pour le respect des droits de l'Homme à Djibouti (ARDHD), Biens Publics à l'échelle mondiale (BPEM), Centre Rennais d'Information pour le Développement et la Solidarité entre les Peuples (CRIDEV), Chimères (revue), COFANZO (Collectif de France Affaire Norbert Zongo), Collectif des Ivoiriens de France pour la Démocratie (CIFD), MBDHP-SF (Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples-Section France), Pain et Liberté, Peuples Solidaires (groupe de Quimper), Réseau Assemblée Européenne de Citoyens de Saint-Étienne, Sherpa, SOS-esclaves Mauritanie, Tourisme et Développement Solidaires…
Au sein de la CFDT : notamment le syndicat CFDT du MAE et le SGEN-CFDT de l'étranger.
Meredyth Ailloud (Initiatives de développement stratégique), Frédéric Ampe (chercheur), Jean-Yves Barrère (membre du Cedetim), Pierre Bigras (OBSAC), Odile Biyidi, Jean-Marc Ben (maire-adjoint de Calais), Alain Brossat (Université de Paris VIII), Pascal Boubat (maître de conférences, Université de Provence), Pierre Cantrelle (directeur de recherche H-IRD), Emmanuel Charles (président de Ritimo), Blandine Cheyroux (INA Paris-Grignon), Hubert Cochet (INA Paris-Grignon), Catherine Coquio (Université de Paris I), Sharon Courtoux (déléguée du président de Survie), Jean-Pierre Chrétien (Université de Paris I), Jean-Pierre Deschamps (professeur Université H Poincaré, Nancy I), Jacqueline Dérens, Adama Diomande (Association pour la défense de la démocratie et de la liberté), Georges Dloussky (Université Aix-Marseille I), Henri Dubois (médecin inspecteur de Santé Publique), Bernard Dréano (président du Cedetim), Eugène Ebodé (écrivain), Serge Fabre (professeur Honoraire des Universités), Dominique Franche (géographe), Boris Gobille (Paris I), Jean-Paul Hébert (EHESS), Philippe Hugon (Paris X-Nanterre), Marie-France Jarret (maître de conférence en sciences économiques), Marcel Kabanda (historien), Christiane Kayser (Pole Institut), Jean Kergrist (comédien), Anne Larue (Paris XIII), François Lille (président de BPEM), François Régis Mahieu (Professeur de sciences économiques), Noël Mamère, Gustave Massiah (président du CRID), Georges Molinié (président de Paris IV-Sorbonne), Véronique Nahoum-Grappe (chercheur en sciences sociales), Didier Ouedraogo (président du MBDHP-SF), Denys Piningre (cinéaste), Henri Rouillé d'Orfeuil (président de Coordination Sud), Françoise Ruellan, Jean-Loup Schaal (président de l'ARDHD), Benoît Scheuer (Prévention Génocides), Thomas Shucker (Université de Provence), Gérard Sireau (président d'Antenne Foi et Justice Afrique-Europe de Paris), Ardiouma Sirima (président du Cofanzo), Marie-Thérèse Taupin (Rennes II), Daniel Tollet (secrétaire général du Centre d'Etudes Juives de Paris IV), Sayouba Traoré (journaliste), Françoise Vanni (directrice d'Agir ici), François-Xavier Verschave (président de Survie), Claude Veuille (journaliste), Anne-Marie Vignès (conseiller technique, Niamey Niger), Jacques Vigoureux (scénariste-réalisateur), Annie Vinokur (Paris X-Nanterre), Robert Vion (Université de Provence), Pierre Vuarin (co-fondateur du réseau APM mondial Terre citoyenne), Adhourahman a. Waberi (écrivain), Andras Zampléni (directeur de recherche au CNRS), Rafik Abbassi, Meredyth Ailloud, Sonia Amberg, Eléonore Bassop, Jean-Christophe Bove, Stéphane Brossard, Pascal Brouillet, Xavier Boucher, Jean-Prosper Boulada, Nathalie Buisson Lamaute, Jacques Caplat, Emmanuel Cattier, Jean-Claude Djeni, Geneviève Deschamps, Pierre Desplanques, Benjamin Dubois, Bamba Falick, Marie Lorraine Friderich, Safiatou Gnanou, François-Xavier Guisnet, Abdellali Hajjat, Françoise Hoffet, Abdallah Hormatallah, Reynald Jumel, Clo Lamouré, Sandrine Léger, Jean Lempérière, Clotilde Lenhardt, Cyril Leroy, Dwaikat Marouf, Françoise et Michel Marquis, Jean Merckaert, Alain Mobele, Sidi Mouatadiri, Josué N'Doninga, Nicolas Popovic, Maxime Quint, Jeannine et Michel Rachet, Clo Ramouré, Fred Rerolle, Alain J. Roisin, Mathurin Yao…
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