Discours de M. de Villepin lors de la session plénière des journées du réseau
français de coopération et d'action culturelle à l'étranger
(Paris, 16 juillet 2003)
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M. de Villepin lors de son discours (CNIT, 16/07/2003)
Photo : © F.
de la Mure/MAE
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Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui. Cette journée, qui nous permet
chaque année de revenir ensemble sur nos missions, nous invite aussi à
ancrer notre travail dans la durée. Avec moi, plusieurs collègues membres du
gouvernement ont accepté de venir exposer les grandes lignes de leur action,
et je les en remercie.
Tout d'abord, je souhaite rendre hommage à votre travail dans un contexte
budgétaire difficile mais incontournable et remercier Bruno Delaye pour la tâche
accomplie tout au long de ces années. Je voudrais profiter de ce moment
privilégié pour vous dire pourquoi votre mission est à mes yeux plus
essentielle que jamais.
Aujourd'hui, notre monde tourne de plus en plus vite sur lui-même. De
nouvelles forces centrifuges l'écartèlent : entre riches et pauvres, hautes
technologies et dénuement absolu, grandes mégalopoles attirant comme des
aimants des populations en quête de travail et campagnes désertées sans
lendemain. Oui, le monde se perd entre une modernité ivre d'elle-même et des
identités blessées se réfugiant dans des réflexes archaïques : la peur,
le repli sur soi, l'agressivité.
Nous tous, rassemblés ici, constatons l'aggravation de cette logique de
division. Face à un monde incertain, en perte de repères, nous devons réagir.
Comment recréer un élan d'unité, dans un temps qui est celui de l'éparpillement,
du morcellement, voire de la fracture ? Comment rassembler les éléments épars
de l'avenir ?
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Dans ce monde en quête d'identité, les cultures constituent le nouvel élément
clé de notre destin. La violence internationale a changé de nature : elle se
réclame peut-être davantage aujourd'hui de valeurs culturelles, historiques
et religieuses que des idéologies qui ont prévalu pendant l'ère des grands
blocs. Les enjeux identitaires refont surface avec une brutalité dont les
attentats du 11 septembre ont illustré l'effroyable noirceur.
Alors que les événements s'enchaînent, les rapports de causalité
deviennent plus difficiles à cerner. Les menaces qui hantent notre monde, du
terrorisme à la prolifération des armes de destruction massive, de la
criminalité organisée à la dégradation de l'environnement ou à
l'extension de la grande pauvreté, n'émanent plus d'acteurs ou d'entités
clairement identifiables. Plus diffuses, elles sont aussi plus inquiétantes.
Les tensions nouvelles se nourrissent d'incompréhensions dont nous ne
mesurons pas toujours la profondeur. Les peuples se raidissent et ressentent
la tentation d'ériger de nouvelles forteresses ou de donner des armes à leur
peur. Quand il n'y a pas de place pour les convictions différentes, quand la
culture de l'autre est niée ou dévalorisée, les fossés se creusent et le
repli sur soi se mue en agressivité.
Le chemin de la paix passe par la reconnaissance des identités et le dialogue
entre les cultures. Plus que jamais nous sommes dans l'obligation de combler
les écarts, de rapprocher les esprits, de rétablir la confiance entre les
peuples. Dans ce vertige du monde, la culture devient ce cap que René Char
nous invite à retrouver : "Quand s'ébranla le barrage de l'homme, aspiré
par la faille géante de l'abandon du divin, des mots dans le lointain, des
mots qui ne voulaient pas se perdre, tentèrent de résister à l'exorbitante
poussée." Cette foi dans la parole et dans la pensée, il nous faut la
faire vibrer ensemble. C'est pourquoi votre mission, à vous qui avez en
charge le lien entre la culture française et le monde, est essentielle.
***
Car dans ce monde qui se cherche, la France fait le choix du droit, de la
morale, de la culture. Elle a vocation à être à l'avant-garde de ce combat
pour le rapprochement des peuples, elle dont la pensée a été traversée, au
fil des siècles, par tant de tensions, de contradictions et de
questionnements. C'est dans la tourmente de l'histoire française qu'est née
la figure de l'intellectuel, attelé aux grandes questions du monde :
sociales, coloniales, religieuses, scolaires, mais aussi aujourd'hui
internationales, qui tour à tour forment le creuset d'une conscience
soucieuse de comprendre et d'agir au service de valeurs et d'idéaux.
La complexité de notre héritage, toujours pris dans des aspirations
contraires, soucieux d'intégrer une pluralité de regards, nous incite en
permanence à la recherche de valeurs universelles. François Cheng a rappelé
il y a quelques semaines les mots de Jacques de Bourbon-Busset dans son
hommage à l'écrivain diplomate : "La vraie France est la France
invisible. La puissance n'a rien à voir avec la puissance militaire,
industrielle ou financière. Elle est intellectuelle et morale. Cette France
invisible, la seule réelle, existe dans la mesure où elle défend les droits
de l'esprit et, en premier lieu, la liberté de l'esprit, cela dans le respect
absolu des valeurs communes."
C'est pourquoi la France accueille toutes les cultures. Elle veille à leur
offrir la possibilité de se développer, de s'enrichir et de toucher un
public curieux et amoureux de la diversité. C'est ici, dans notre pays, que
des écrivains comme Borges ont trouvé leurs plus fervents lecteurs. C'est en
France aussi que se révèlent, par la chaleur et l'écoute des spectateurs,
des talents du cinéma disséminés aux quatre coins du monde : pensons à
l'accueil fait au renouveau du cinéma asiatique, fondé sur l'énergie et la
vitesse, ou à la nouvelle vague argentine, riche d'une profonde sensibilité
sociale, au cinéma africain, qui ouvre sur d'autres approches de la
temporalité, ou encore aux réalisateurs iraniens et moyen-orientaux, dont le
regard retrouve de nouvelles formes de poésie et de pureté. Sur notre terre
se croisent et se répondent les regards créateurs d'un David Lynch ou d'un
Woody Allen, d'un Satyajit Ray ou d'un Souleymane Cisse.
Et je tiens aujourd'hui à saluer votre esprit d'ouverture. Le réseau mondial
que vous représentez constitue un atout unique pour notre diplomatie, riche
des partenariats, mais aussi des liens intimes que vous avez noués à travers
le monde, dans toutes les sphères sociales et professionnelles. Votre travail
permet à la France d'approfondir sa compréhension des peuples et de leurs
aspirations. Votre engagement quotidien pour aider le développement, pour
former et instruire, pour diffuser nos images et nos écrits, donnent corps à
l'ambition de la France de faire partager sa vision d'un monde plus humain.
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Parce qu'elle entend placer le partage et le dialogue au cœur de son action,
notre diplomatie se donne trois impératifs : respect de la diversité,
solidarité, engagement pour le long terme.
La diversité culturelle constitue la seule sauvegarde possible contre une
explosion du monde. Face à une peur d'uniformisation culturelle ressentie par
les peuples, les identités se réveillent et menacent de se raidir. Si la
mondialisation apporte une formidable occasion d'améliorer la connaissance et
la compréhension, il est essentiel que chaque culture puisse imprimer sa
marque, apporter sa part de vérité et son regard. Rejetées, les identités
deviennent destructrices. Acceptées, elles s'enrichissent mutuellement et
s'ancrent dans l'avenir.
Traversé de courants contradictoires, le monde actuel ne peut être exprimé
par une seule voix. Or, dans le domaine de la création artistique, parce
qu'il ne s'agit pas d'objets ayant une valeur d'usage, les mécanismes du
marché ne garantissent pas à eux seuls la pluralité des regards. C'est
pourquoi je suis particulièrement heureux que la Convention européenne ait
trouvé un accord pour préserver la diversité culturelle dans les négociations
commerciales internationales. C'est un succès, à partir duquel il faut
maintenant bâtir. De même, nous voulons élaborer une Convention sur la
diversité culturelle à l'UNESCO. Faisons en sorte que chacun ait les moyens
de défendre son identité, sa culture ; que chacun puisse rêver sur ses
propres images et avec ses propres mots.
Deuxième impératif : la solidarité. Dans un monde qui devient chaque jour
plus interdépendant, comment accepter que les clivages se perpétuent et que
les inégalités se creusent. Notre action doit être menée dans un double élan
de partage : envers les pays moins favorisés, et avec l'ensemble des Etats
pour traiter des problèmes qui nous sont communs à tous.
Certes, le tableau du monde permet de nourrir aujourd'hui certains espoirs. Le
revenu par habitant est en hausse dans les pays du Sud, l'extrême pauvreté
recule, l'espérance de vie et la scolarisation progressent. Gardons-nous
cependant de tout optimisme excessif. Le rythme auquel se font ces évolutions
ne nous permettra pas d'atteindre en 2015 les Objectifs de Développement du
Millénaire en matière de lutte contre la pauvreté. La détresse des peuples
déshérités est trop grande pour que nous nous accommodions de cette
lenteur. Partout il y a urgence à agir : contre le sida, qui ravage des
peuples entiers ; contre la faim et le manque d'accès à l'eau, dont la
persistance est insupportable.
En outre, des disparités régionales considérables se dissimulent derrière
les évolutions globales. Alors que l'Asie poursuit son décollage économique,
le continent africain stagne et parfois s'enfonce dans la misère. Nous
constatons également, avec tristesse, que la manne pétrolière n'a pas donné
aux pays du Moyen-Orient l'impulsion économique indispensable à la
renaissance des peuples de cette région.
Le développement constitue un défi plus que jamais essentiel. En décidant
d'augmenter de moitié notre effort d'aide publique au développement dans les
cinq ans à venir, pour atteindre 0,7 % du PIB en 2012, le président de la République
a placé la France au premier rang des forces engagées par la communauté
internationale. Dans ce cadre, notre priorité va au continent africain, avec
plus de 60 % de l'effort consenti, et nous voulons concentrer nos efforts en
premier lieu sur les objectifs définis par les pays africains eux-mêmes dans
le cadre du NEPAD.
Au-delà, nous devons adapter en permanence nos stratégies, forger des
indicateurs précis et des systèmes d'évaluation efficaces. La part bilatérale
de notre aide doit conserver toute son importance, et servir en particulier à
valoriser l'assistance technique, qui constitue un levier indispensable.
C'est dans cette perspective que le CICID a récemment dégagé plusieurs
lignes de force. Ainsi la volonté de consolider résolument notre aide bilatérale
doit-elle s'accompagner d'une coordination accrue, sur le terrain, avec les
autres bailleurs de fonds mais aussi avec les représentants du secteur privé,
les ONG et les collectivités territoriales. Le mot "partenariat"
doit désormais prendre tout son sens.
Dans le cadre d'une présence désormais plus ciblée, notre assistance
technique constitue un atout essentiel qu'il convient de mobiliser au meilleur
de ses capacités et au prix, sans doute, d'une mobilité géographique et
professionnelle croissante. Les missions de haut niveau et de durée limitée
sont des outils particulièrement efficaces pour accompagner les processus de
sortie de crise pour lesquels notre diplomatie s'implique aujourd'hui
fortement.
A cet égard, la mobilisation accrue de nos opérateurs est indispensable :
dans ce cadre, la montée en puissance du groupement d'intérêt public France
coopération internationale constitue un élément important de cette nouvelle
approche. Elle nous conduira également à quitter progressivement le domaine
des micro-projets pour nous orienter en priorité vers l'aide-programme et
l'appui à la sortie de crise. Cette évolution doit se faire en étroite
coordination avec l'Agence française de développement, dans le cadre plus général
d'une réflexion sur les liens entre le Département et les différents opérateurs
qui travaillent à ses côtés.
Notre troisième impératif est l'engagement pour le long terme. Aujourd'hui,
parce que tout s'accélère, nous ne pouvons plus vivre dans l'instant. Nous
ne pouvons plus ignorer les conséquences de nos actions dans la durée. Il
est de notre devoir de protéger les océans, les climats, la biodiversité :
le développement durable ne peut se faire qu'à l'échelle mondiale. C'est
dans un esprit de partage des responsabilités avec tous les pays, riches ou
pauvres, que la France veut s'engager à trouver des règles communes à la
mondialisation. Oui, il faut aller progressivement vers une gouvernance
mondiale, capable d'édicter des règles contraignantes et de les faire
respecter. Sur le terrain, vous devez être les avocats et les praticiens de
cette approche responsable ; c'est la grande cause du siècle. Une nouvelle
forme de souveraineté internationale doit émerger, s'appuyant sur la prise
de conscience de notre communauté de destin. Vos projets doivent y concourir.
L'avenir, c'est aussi la recherche. Nous devons agir dans une double direction
: redonner à l'élaboration des savoirs toute la place qu'elle mérite, et
faire de la France un pôle d'attraction pour les élites mondiales et les
chercheurs. La naissance d'un espace européen de la recherche constitue une
chance pour dynamiser les échanges universitaires. Allons plus loin encore,
regardons au-delà des frontières européennes et investissons de nouvelles
zones de coopération, en Asie par exemple, avec ces deux pays d'avenir que
sont la Chine et l'Inde. La France doit devenir pour les chercheurs de tous
les pays cette terre accueillante, ouverte et stimulante qui est à la source
de son identité.
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La culture désormais passe par une infinité de supports, de la haute couture
à l'art de la cuisine, de la danse à la peinture, de la sculpture à la
gravure, qui offrent autant de variétés de métaphores possibles pour le
monde. Aujourd'hui, pour préserver cette pluralité de regards, nous devons
mettre l'accent sur deux vecteurs de culture particulièrement cruciaux : le
langage et l'image.
La langue française doit être à l'avant-garde du projet de diversité
linguistique, au fondement de la diversité culturelle. Parce que la richesse
du débat d'idées se nourrit de la pluralité, notre pays a fait le choix
d'ouvrir sa langue sur le monde pour que le monde s'ouvre mieux à lui : ce
sont nos valeurs, nos idéaux et notre soif de mouvement que nous offrons en
partage.
Cette diversité linguistique, nous devons la promouvoir en Europe d'abord :
dans cette Europe élargie de demain, qui comptera vingt langues officielles.
Nous nous y employons avec Noëlle Lenoir par une action persévérante,
rigoureuse et concrète. Au-delà, il nous faudra choisir des langues de
travail pour jeter les bases d'un dialogue au quotidien. Chaque enfant européen
doit se voir offrir la chance d'apprendre deux langues étrangères durant sa
scolarité ; c'est ainsi qu'il deviendra un citoyen européen, passeur entre
les grammaires du monde, les visions de l'homme et les cultures.
Notre engagement pour la diversité linguistique doit également investir le
domaine de la francophonie. En Afrique et dans les pays francophones, là où
le français est la langue de l'école, il nous faut, en partenariat avec la
francophonie et son secrétaire général le président Abdou Diouf, en faire
un instrument de solidarité et d'ouverture. La langue des apprentissages
scolaires et celle de la vie quotidienne sont trop souvent en opposition :
trouvons des moyens pour les réconcilier et les faire coexister
harmonieusement. Le bilinguisme doit être vécu comme un enrichissement : il
constitue une chance considérable, pour l'individu comme pour la société.
A travers le monde, le désir de diversité linguistique se fait de plus en
plus palpable ; à nous de savoir répondre à cette attente. Dans les pays
arabes, dans les grands pays émergents, de nouveaux publics, jeunes et
mobiles, veulent porter leur propre vision au sein d'une mondialisation maîtrisée.
Faisons de l'apprentissage du français non plus seulement un atout
professionnel mais aussi un chemin vers un nouvel esprit, fécond et
respectueux de l'autre. Car de même qu'une seule vision ne peut suffire à
embrasser la complexité du monde, une seule langue ne peut prétendre, à
elle seule, l'exprimer tout entier. Pour tracer des perspectives concrètes
pour l'avenir de notre langue, nous voulons avec Pierre-André Wiltzer
disposer d'une véritable stratégie pour la langue française. Il vous en détaillera
les objectifs demain.
L'image est aujourd'hui au centre de la géographie inconsciente du monde. Sa
transmission, souvent instantanée des lieux les plus lointains aux écrans de
télévision de la planète entière, en fait le support de nos représentations.
Voilà une source de partage et de connaissance meilleure entre les peuples,
mais aussi parfois un risque. L'incompréhension entre les cultures se nourrit
parfois du décalage entre une situation vécue et la façon dont elle est
rendue par les médias. Face à ce danger, le seul remède réside dans la
capacité de chaque peuple à faire partager sa propre vision du monde. Le
sens critique, le jugement nuancé, l'acceptation d'autres points de vue ne
peuvent exister dans un contexte dominé par une seule source d'images. De la
même façon que nous travaillons à l'émergence d'équilibres nouveaux, nous
devons favoriser un paysage audiovisuel international riche d'une offre
diversifiée. Notre pays doit donc disposer d'une capacité propre de
projection d'images.
Une chaîne française d'information continue devra apporter cette vision
particulière dont notre pays est porteur et dans laquelle d'autres pourront
se retrouver. Notre ambition implique l'engagement des pouvoirs publics à y
consacrer des moyens importants, durables et prévisibles. Dans ce cadre, on
peut même envisager un partenariat entre nos opérateurs publics et privés,
en même temps que s'imposera probablement une rationalisation des instruments
audiovisuels existants. Ces différentes initiatives donneront à cette future
chaîne une place significative dans le paysage mondial, et en premier lieu
sur les marchés prioritaires : l'Europe, le bassin méditerranéen et
l'Afrique. La mission dont le Premier ministre a chargé Bernard Brochand doit
permettre de jeter les bases les plus solides et les plus réalistes pour
cette grande aventure.
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Aux quatre coins du monde, notre action en faveur de la diversité culturelle
doit être présidée par les mêmes mots d'ordre, afin de gagner en clarté,
en cohérence et en efficacité. Pour être à la hauteur de son ambition, la
France doit se doter d'outils qui fonctionnent. C'est pourquoi, dans le cadre
de la réforme engagée par le ministère, le réseau doit aujourd'hui
repenser son action selon trois objectifs : transparence, simplicité,
inventivité.
Transparence, d'abord, et en premier lieu pour les méthodes de recrutement.
Nous avons généralisé les commissions de sélection, pour que la sélection
se fasse sur des bases objectives et collégiales. L'ensemble des ministères
ont été sollicités dans un double objectif : mieux faire connaître les métiers
de la coopération, et puiser ainsi dans un vivier plus vaste de compétence.
Les métiers de la coopération et de l'action culturelle à l'étranger sont
encore trop mal connus. En établissant un système de validation des compétences,
et en rendant plus transparents les processus de formation, ces métiers
gagneraient en reconnaissance.
Le Département pourrait ainsi se doter d'un instrument de formation aux métiers
de la coopération et de l'action culturelle. En relation avec l'ensemble des
administrations françaises intéressées, avec les universités françaises
offrant des formations orientées vers l'action éducative et culturelle à l'étranger,
l'Institut diplomatique serait l'enceinte idéale pour cette formation.
Simplicité, ensuite : c'est également l'un des chantiers sur lesquels s'est
engagée la DGCID. Notre réseau culturel et de coopération est le premier au
monde, avec près de six cents structures. Sa densité impressionnante
constitue un potentiel extraordinaire ; pour le déployer, il faut maintenant
en rationaliser l'organisation. La superposition des centres, instituts et
alliances fait perdre du temps et de l'énergie à notre action. Il faut au
contraire aboutir à un seul ensemble, à l'intérieur duquel les instituts
français voisineront avec les alliances françaises sans double emploi.
Cet effort de simplification ne portera ses fruits que si nous donnons au réseau
la possibilité de réinventer ses méthodes et ses stratégies. Examinons la
possibilité de lui accorder davantage d'autonomie afin qu'il puisse s'adapter
plus rapidement et plus efficacement aux évolutions d'un monde en perpétuel
mouvement. Sous l'autorité des ambassadeurs, les autonomies financières
seraient ainsi élargies pour donner une plus grande flexibilité de gestion
et une plus grande aptitude à collecter des cofinancements. Etre efficace au
XXIème siècle, c'est être capable de proposer des actions à nos
partenaires, de mobiliser les énergies, de développer des partenariats avec
tous les acteurs, y compris les entreprises.
Oui, notre réseau doit être vivant et s'adapter constamment : des centres
devront fermer pour que les autres vivent mieux, pour que nous soyons capables
d'en ouvrir là où les intérêts de la France nous portent aujourd'hui.
Cette respiration ne s'effectuera pas de façon aveugle. Elle fait aujourd'hui
l'objet d'une réflexion conjointe des différents services du ministère.
Mais elle se fera, car elle est d'autant plus vitale que l'expression de notre
culture à l'étranger constitue un enjeu majeur. Les projets artistiques
doivent être soutenus, et j'ai décidé, malgré le gel budgétaire, de préserver
les crédits de l'AFAA cette année.
Enfin, nous devons faire preuve d'inventivité. Aujourd'hui, il faut repenser
notre mode de collaboration avec notre dispositif d'opérateurs. Là encore,
la dispersion ne saurait servir l'ambition que nous nous donnons et qui doit
viser à recentrer la direction générale sur sa fonction de base, celle de définir
les grandes orientations politiques de notre action de coopération. En
s'appuyant sur un réseau d'opérateurs loyaux et responsables, la DGCID
retrouverait toutes ses capacités d'impulsion, de conception et de pilotage.
Nous devons réinventer nos stratégies à la lumière de l'évolution du régime
de ces opérateurs.
Prenons l'exemple de l'AEFE : forte d'une réflexion stratégique qui a su dégager
les principaux axes d'action, l'Agence est en mesure de mieux préciser sa
double vocation de service public d'enseignement et d'instrument de coopération
et d'influence. Cet effort de clarification passe aussi par un assainissement
de la situation financière de l'AEFE propre à lui permettre d'affronter
l'avenir. Cette rationalisation, il nous faut dans les prochains mois la
mettre en œuvre avec tous les partenaires de la DGCID pour mieux déterminer
les missions respectives de chacun et rendre à la direction générale son rôle
d'impulsion et de contrôle.
Innover, inventer, imaginer : c'est la clé de notre avenir. La France a
toujours su, par la qualité de ses universités, par l'exigence de son
enseignement, par la richesse de sa culture, attirer des étudiants venus du
monde entier. Ces femmes et ces hommes nous permettent dans un premier temps
de nous confronter à d'autres apprentissages, à d'autres convictions et
maintiennent la pensée en mouvement. Revenus de leur séjour, ils essaiment
les idées, les impressions qu'ils ont recueillies à Paris, à Lille, à
Aix-en-Provence ou ailleurs, et assurent à la France le rayonnement de sa
culture. Sachons donc favoriser ces rencontres, les rendre enrichissantes et
durables. Il nous faut pour cela renforcer, avec Luc Ferry, la promotion de
notre système d'enseignement supérieur et améliorer l'accueil des étudiants
étrangers. Des résultats remarquables ont été obtenus grâce à votre
mobilisation. Edufrance, le CNOUS, Egide participent à cette ambition. A nous
d'aller plus loin dans tous ces domaines.
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Mesdames et Messieurs,
J'ai souhaité que la réunion du réseau porte sur l'adaptation de nos outils
de coopération et d'action culturelle à la nouvelle donne internationale.
Ces travaux s'inscrivent dans le cadre du plan d'action du ministère des
Affaires étrangères, qui sera proposé à l'occasion de la prochaine Conférence
des ambassadeurs. Son objectif doit être clair : donner à notre diplomatie
et, tout particulièrement, à notre diplomatie culturelle, une vraie vision
politique, puis articuler l'ensemble de nos outils d'intervention autour des
priorités que nous voulons assigner à notre action extérieure. Dans un
contexte budgétaire contraint - et je sais quelle pression la restriction des
crédits vous impose -, nous n'avons pas droit à l'erreur : nos instruments
doivent être les plus performants possibles.
Le défi est considérable. Nous avons la conviction que l'esprit de partage
doit fonder la construction du monde nouveau. Parce qu'elle dispose du réseau
le plus important au monde, mais aussi parce qu'elle tire sa force de sa
propre diversité, la France doit s'engager au service de toutes les cultures,
au service du développement et de la coopération. Ce défi, nous allons le
relever ensemble.
Je vous remercie./.