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Ces 430 établissements connaissent un
succès croissant
La belle vitalité des lycées
français de l'étranger
[05 septembre 2005]
A plusieurs fuseaux de décalage de l'heure à laquelle sonnaient les cloches de la rentrée scolaire en France, quelque 250 000 privilégiés empruntaient un chemin des écoliers différent : celui, séculaire et prestigieux, des lycées français de l'étranger, dont le plus ancien a été fondé à Berlin en 1689. Aujourd'hui, d'Addis-Abeba à Beyrouth, du Caire à Los Angeles, de Phnom-Penh à Bogota, il en existe 430 dans plus de 125 pays, accueillant chaque année 60 % d'étrangers. Certains, comme ceux de Kaboul – un pour les filles, un pour les garçons réouverts en 2002 – n'accueillent même aucun Français.
Outre prolonger à l'extérieur des frontières de l'Hexagone le service public d'éducation au bénéfice de ses nationaux, l'ambition est de contribuer par la scolarisation d'élèves étrangers, au rayonnement de la France. Et de son excellence. De Ricardo Bofill à Jodie Foster ou Boutros Boutros Ghali, ils ont «éduqué» les grands de ce monde.
Avec un taux moyen de réussite au baccalauréat de 93 %, le réseau jouit d'une réputation qui contraint souvent les proviseurs à refuser nombre d'inscriptions – elles ont déjà augmenté d'environ 10 000 en dix ans. Un succès qui contredit tous les discours sur le déclin supposé de la France dans le monde.
«Les parents nous supplient de prendre leurs enfants», raconte Yves Thézé, proviseur du lycée français de New York, qui accueille 1 253 élèves pour cette rentrée dont 27,5 % de petits Américains, 60,5 % de Français ou binationaux, les autres représentant plus de cinquante nationalités. En juin, le taux de réussite au bac y a été de 98 % et de 100 % en 2004. Et malgré des frais de scolarité annuels s'élevant à 20 000 euros (ils sont en moyenne de 2 300 € pour l'ensemble du réseau, avec un système de bourses très efficace), ils restent 35 % moins chers que les écoles privées de Manhattan. La vague antifrançaise n'a pas détourné les familles américaines, contrairement à ce qui s'était passé en Australie lors de la reprise des essais nucléaires en 1995, souligne Yves Thézé, qui dirigeait le lycée français de Sydney à cette époque.
L'ensemble des lycées français de l'étranger (qui scolarisent depuis la maternelle jusqu'à la terminale) sont homologués par l'Éducation nationale : tout en tenant compte des spécificités locales, ils dispensent un enseignement conforme aux programmes en vigueur en France et sont reconnus par les autorités. En revanche, ils ne sont que 178 à être conventionnés par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE, dépendant du ministère des Affaires étrangères) qui en gère directement 93. Les autres établissements ne perçoivent donc aucune subvention de l'État français.
«Nous accueillons en priorité les enfants français, les enfants des anciens élèves et la fratrie», explique Maryse Bossière, directrice de l'AEFE. De fait, les établissements français de l'étranger composent une grande famille, tout en étant «tout sauf refermés sur eux-mêmes, précise-t-elle. Leur excellence tient à la motivation des professeurs et au geste très fort qui sous-tend le choix des parents, étrangers mais aussi français, qui font un vrai choix d'éducation pour leurs enfants.»
Pour Yves Thézé, «les moments passés dans les lycées français à l'étranger sont imprimés dans l'esprit de chacun à vie». Reflets de l'histoire, ils en subissent parfois la gravité des crises. Le lycée de Côte d'Ivoire a par exemple été fermé.
Dans La Leçon de français (Actes Sud), Nadine Vasseur a recueilli le témoignage d'anciens, qui «se souviennent». En 1960, quelques années après que son père a été tué par les Français, Maïssa Bey, aujourd'hui romancière, a pourtant intégré le lycée d'Alger. «J'ai toujours été convaincue de me trouver là où mon père aurait aimé que je sois. Parce que le lycée français était alors ce qu'il y avait de meilleur et qu'il donnait accès à une culture à vocation universelle», note-t-elle.
Une idée qui revient de manière récurrente dans l'ouvrage. «Tous rendent hommage à la formation de l'esprit critique que permet l'école française dans la filiation des Lumières, mais ne sont pas toujours tendres avec notre pays, dénonçant son manque de modestie», dévoile Nadine Vasseur. Un autre bémol : seuls trois anciens sur dix ont poursuivi dans l'enseignement supérieur français.
Sur 650 élèves, les trois
quarts sont brésiliens
La bourgeoisie de
Rio préfère la langue de Molière
Rio de Janeiro : Anne Cheyvialle
[05 septembre 2005]
Situé dans le Rio typique du quartier de Laranjeiras, le lycée français est niché à flanc de colline, le long d'une petite rue pavée bordée de maisons et entouré de forêt tropicale. Dans la cour de récréation, on entend plus le parler carioca que la langue de Molière. Sur 650 élèves, les enfants brésiliens ou franco-brésiliens représentent 74 % contre 22 % issus de familles françaises. «Et la proportion tend à diminuer car les cadres expatriés sont peu à peu remplacés par des contrats locaux», constate le proviseur René Michon.
Le choix d'une école française plutôt qu'un établissement brésilien ou une école bilingue anglais s'explique souvent par un lien familial, universitaire ou professionnel avec la France. Ainsi, Guilherme Rezende, hépatologue, a suivi un doctorat en France et sa première fille Alice, née à Paris, a fréquenté une crèche française pendant plus d'un an et demi. «Nous voulions qu'elle maîtrise bien cette deuxième langue et qu'elle bénéficie du modèle scolaire français», explique-t-il.
Au lycée Molière, la majorité des cours est dispensée en français, à l'exception de l'éducation physique, de l'histoire et géographie du Brésil, de la musique et bien sûr, du portugais.
Au-delà de la langue, les parents d'élèves se disent surtout séduits par la qualité de l'enseignement et la culture à l'européenne. Avant de choisir l'école de sa petite fille Mirella, 8 ans et demi, Monica Andrade, inspectrice des impôts, a fait le tour des écoles bilingues français, anglais et allemand. Son bilan ? «Le lycée français propose la meilleure solution pédagogique et il a en plus une vision plus sociale que les écoles anglo-saxonnes trop néolibérales, où l'on accorde beaucoup d'importance au statut.» Gisele Pogi, une styliste, partage cet avis. «L'enseignement plus complet et plus approfondi que le modèle brésilien avec une approche du monde moins consumériste», dit-elle.
Claudio Savajet, journaliste et producteur de documentaires, parle d'une plus grande ouverture sur le monde et d'une excellente formation pour étudier ensuite à l'étranger. Mais quid de l'anglais devenu indispensable dans un monde globalisé ? «Pas de problème, rétorque-t-il. La maîtrise de deux langues étrangères facilite l'apprentissage d'une troisième d'autant que nous baignons dans la culture anglophone.»
Dernier argument avancé : le prix attractif. Pour Monica, le lycée français offre «le meilleur rapport coût/bénéfice». Selon le proviseur, les frais de scolarité se situent au même niveau que les meilleures écoles privées brésiliennes tout en préparant aussi très bien au «vestibular» (concours d'entrée des universités brésiliennes).
Ces dernières années, la moitié des candidats ont intégré les deux meilleures universités de Rio de Janeiro et 90 % ont eu accès à un établissement d'enseignement supérieur. Et les frais de scolarité restent très en dessous des écoles bilingues en anglais. Le coût d'inscription est de 68 euros par an avec une mensualité de 363 euros. Pour suivre les cours de la très élitiste école américaine, il faut débourser 200 dollars de droits d'entrée, auxquels s'ajoutent 6 500 dollars pour l'entretien du campus et une mensualité variant de 749 euros à 1 524 euros selon les niveaux. Voilà qui aide la francophonie à résister à la vague anglophone.
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