Avec Alain Joyandet, j’ai souhaité aujourd’hui vous réunir tous et m’adresser à vous.
Vous n’êtes pas par ici par hasard. On ne s’engage pas dans les métiers du développement et de la coopération internationale sans enthousiasme ni implication personnelle, sans cette foi en l’autre qui nous anime, vous et moi. Car nous avons bien en partage cette même passion de la solidarité et du dialogue, cette idée d’une France attractive pour le monde, cet idéal d’ouverture.
Ces derniers mois, un vaste exercice de réflexion a été lancé : un Livre Blanc sur la politique étrangère et européenne de la France a été élaboré par une Commission que président Alain Juppé et Louis Schweitzer. Ce Livre Blanc me sera remis dans quelques jours. En outre, dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques, deux audits ont été lancés sur l’action extérieure de l’État et sur l’aide publique au développement.
Je sais que vous avez suivi de très près ces exercices. Vous êtes nombreux à avoir apporté votre contribution personnelle à ce processus de réflexion collective. Je devine vos interrogations, votre souci ô combien légitime d’y voir clair sur l’avenir de la DGCID, de ses missions et de notre réseau culturel, sur votre avenir professionnel.
Je veux donc vous dire ce matin, et notamment à ceux d’entre vous qui, dans les prochaines semaines, vont partir en poste à l’étranger, quelle place nous allons accorder à notre politique d’aide au développement et de coopération, et comment nous allons au cours des prochaines années nous réorganiser, tant à Paris que sur le terrain.
Je voudrais vous faire partager 3 convictions :
1 – Première conviction : nos politiques de développement et de coopération culturelle seront plus que jamais au cœur de notre diplomatie.
Fallait-il maintenir cette originalité de notre politique étrangère ? Le débat a eu lieu. Une partie importante des réflexions de la Commission du Livre Blanc et de la RGPP lui a été consacrée. Dès le début, ma conviction était qu’il ne peut pas y avoir de politique étrangère de la France crédible et cohérente sans cet aspect essentiel de notre action internationale. Cette conviction a été totalement partagée par le Président de la République et par le Premier ministre.
Nous pouvons donc aujourd’hui constater que cette marque de fabrique très française que constituent nos dispositifs de coopération internationale est non seulement confirmée mais relégitimée.
Le rapport d’étape du Livre Blanc dont vous avez pris connaissance, les conclusions de la RGPP, les comptes rendus du conseil de modernisation des politiques publiques que vous avez pu lire convergent tous sur ce point : les politiques de développement et de coopération internationale sont au centre de notre politique étrangère.
Le concept de « diplomatie publique d’influence » a été utilisé pour réunir les différentes politiques dont vous avez la responsabilité. Notre aide au développement, même si elle traduit aussi un devoir de solidarité à l’égard des pays les plus pauvres, notre coopération culturelle, nos actions en faveur de l’attractivité de la France, notre combat pour la francophonie, la diversité linguistique et pour l’enseignement français à l’étranger sont bien les vecteurs de notre influence.
Il suffit d’observer ce que font nos partenaires européens pour renforcer cette conviction : nos amis allemands et espagnols renforcent leurs moyens. Même évolution aussi pour le réseau de la Chine à l’étranger. Est-ce le fruit du hasard ? Bien sûr que non : c’est au contraire la preuve que la diplomatie d’influence est un enjeu central pour les politiques étrangères dans le contexte de la mondialisation. Et puis surtout, il y a, sur tous les continents, cette demande de France, cette attente vis-à-vis de notre pays, que vous vivez au quotidien et que nous n’avons pas le droit de décevoir.
Je veux donc ce matin vous redire avec force que ces métiers que vous exercez à Paris et sur le terrain sont au cœur même des ambitions que nous avons pour notre diplomatie. Loin d’abandonner nos dispositifs d’influence, nous entendons, au contraire, à travers leur réforme, renforcer leur visibilité et leur efficacité.
2 - La deuxième conviction que je veux vous faire partager : la réforme non seulement est nécessaire mais elle est dans notre intérêt.
Vous le savez aussi bien que moi : le monde change, l’Europe change. L’adaptation n’est pas une contrainte ; elle est une nécessité si nous voulons continuer à peser sur le cours du monde, elle est également une chance pour réinventer notre action, insuffler un nouveau dynamisme, un nouvel enthousiasme.
Nous devons donc tenir compte de trois évolutions :
· D’une part, la philosophie même de la coopération change : il ne s’agit plus d’octroyer mais de construire ensemble. Nos actions, nos politiques, nos modes de financement doivent désormais mieux intégrer cette démarche de partenariat qui est au centre même de la diplomatie publique d’influence. C’est donc résolument vers cette diplomatie des partenariats qu’il nous faut nous orienter, y compris d’ailleurs avec les pays en développement, dans une logique d’efficacité de l’aide.
· D’autre part et c’est une évidence, l’influence n’est plus depuis longtemps l’affaire de l’État. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai la place que prennent aujourd’hui les entreprises, les collectivités locales, les ONG, les associations professionnelles, les universités dans ce champ immense de la coopération internationale. Notre rôle est aujourd’hui de fédérer ces initiatives, de leur donner toute leur cohérence. C’est à un métier « d’ingénierie de l’influence » qu’il nous faut nous préparer ; vous en avez été les inventeurs ces dernières années. Par exemple, en lançant des programmes de bourses pour les élèves ingénieurs des grands pays émergents cofinancés avec des entreprises françaises. Nous devons multiplier ce type d’initiatives.
· Enfin, notre diplomatie publique d’influence ne peut plus dépendre uniquement du financement de l’État. Vous connaissez la situation générale des finances publiques. Il n’y a pas d’autre issue pour la France que de sortir le plus vite possible de la spirale mortelle du déficit public et de la dette. Soyons donc réalistes et lucides : il faut nous battre sans cesse pour défendre nos moyens budgétaires, mais il nous faudra aussi savoir mobiliser ailleurs des ressources complémentaires nécessaires aux ambitions qui nous animent.
De ces constats découle le cadre nouveau que j’entends mettre en place avec vous et dont vous avez déjà eu connaissance dans les grandes lignes. Je voudrais toutefois vous apporter quelques précisions :
· A Paris, la DGCID verra au cours des prochains mois son organisation évoluer de manière importante. Aujourd’hui, cette grande direction générale souffre d’une position que je n’estime pas suffisamment centrale dans l’organisation du Quai d’Orsay. C’est pourquoi, j’ai proposé de faire évoluer votre direction générale vers une véritable direction d’état major.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Tout simplement, redonner à votre métier, à votre mission, toute leur noblesse en faisant de la direction générale le véritable lieu de définition de nos politiques et de préparation des stratégies de la France dans le domaine du développement et de la coopération. Vos fonctions sont aujourd’hui trop diverses voire éclatées, les responsabilités de gestion des projets l’emportent encore souvent sur celles de la détermination de nos choix politiques. Or qui d’autre que vous au sein de l’État peut proposer la politique de la France dans le domaine de la coopération en santé ? Qui d’autre est mieux à même de proposer les éléments d’une politique d’attractivité de notre système universitaire ? Qui d’autre est capable de définir nos politiques d’échanges culturels, artistiques, cinématographiques ?
· A partir de cette direction d’état-major, nous allons constituer la future grande direction des enjeux globaux que j’appelle de mes vœux et qui permettra de proposer les éléments d’une politique cohérente de réponse de la France à la mondialisation. Cette grande direction des enjeux globaux verra le jour dès l’an prochain. Le comité technique paritaire du ministère sera saisi à l’automne 2008 des textes d’organisation qui en découlent. Aucune des missions aujourd’hui exercée au sein de la DGCID, qu’il s’agisse du développement, des échanges universitaires et scientifiques, de la coopération artistique et linguistique ou de l’audiovisuel extérieur ne sera absente de la nouvelle organisation. J’ai demandé au Secrétaire Général de m’en présenter au cours des prochaines semaines la maquette. Celle-ci sera évidemment élaborée en très étroite concertation avec votre directrice générale.
· L’évolution de la DGCID s’accompagne d’un transfert plus systématique de la gestion des projets à des opérateurs. Cette division du travail doit permettre d’agir plus efficacement.
Nous devons nous organiser pour être capables d’exercer une vraie tutelle sur les opérateurs. Je sais bien que cette notion de tutelle suscite un certain scepticisme, compte tenu d’une expérience mitigée. Je veux vous assurer ici de ma détermination à doter ce Ministère de tous les moyens d’une tutelle efficace. Je vous en donnerai deux exemples : la présidence des conseils d’administration ou d’orientation des opérateurs sera exercée par le Ministre ou le Directeur général ; un Comité interministériel déterminera la stratégie de la France en matière d’attractivité universitaire et scientifique et je demanderai au Premier Ministre que le Quai d’Orsay assure son Secrétariat.
C’est ainsi que le ministère pourra s’appuyer sur un réseau d’opérateurs dont vous connaissez d’ores et déjà les contours :
· l’agence française de développement verra sa gouvernance modifiée ; c’est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur ,à moi comme à Alain Joyandet qui vous fera part dans un instant de nos intentions concernant l’évolution des relations entre l’État et l’agence ;
· L’AEFE, l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont il nous importe de sécuriser la double mission de scolarisation des enfants de nos compatriotes à l’étranger et de formation des enfants des élites étrangères. Je recevrai la semaine prochaine les résultats du groupe de travail sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger. J’entends m’atteler avec détermination à la préparation du plan de développement de l’enseignement français à l’étranger qui figure dans la lettre de mission que j’ai reçue du Président de la République et du Premier ministre ;
· concernant la coopération d’influence et le dialogue des cultures, j’ai proposé dans le cadre de la RGPP de faire évoluer CulturesFrance, dont le statut d’association est aujourd’hui inadapté. Nous développerons cette nouvelle agence, chargée des partenariats et des échanges culturels au sens large, en la dotant d’un statut d’établissement industriel et commercial (EPIC), qui devra entrer en vigueur au plus tard d’ici au 1er janvier 2010.
· A été acté aussi le principe de la création d’un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale et qui résultera de la fusion de France Coopération Internationale, d’EGIDE et de CampusFrance. Lui aussi doté du statut d’EPIC, ce nouvel opérateur nous donnera l’organisation et la masse critique qui nous font aujourd’hui défaut pour gérer plus efficacement les programmes d’échanges, pour mener les actions de promotion à l’étranger de notre enseignement supérieur et pour mobiliser au mieux l’expertise française dans le monde, y compris dans le cadre des appels d’offres internationaux. Cet opérateur devra également être porté sur les fonts baptismaux d’ici au 1er janvier 2010. J’ai demandé à Anne Gazeau-Secret d’organiser à cet effet une mission de préfiguration avec nos partenaires concernés.
J’en viens maintenant à notre organisation à l’étranger. La RGPP et le Livre Blanc réaffirment tous deux la vocation de l’ambassadeur à coordonner l’ensemble des dispositifs de l’action extérieure de l’État, son autorité interministérielle. Nos ambassades, plus que jamais, doivent être des « cabinets Conseils » de la France à l’étranger, mais aussi en même temps des maisons des Droits de l’Homme, car il est impossible de séparer valeurs et intérêts. Plus que jamais, elles ont le devoir d’accueillir en leur sein l’expertise de tous nos ministères.
Nous allons donc réorganiser sur le terrain nos dispositifs en permettant à l’ambassadeur d’exercer cette mission d’impulsion, d’animation et de mise en cohérence de la politique de la France :
· dans le domaine du développement, l’ambassadeur animera un « pôle de compétences » associant l’ensemble des acteurs publics agissant en la matière. Le représentant sur place de l’agence française de développement aura sa place au sein de ce pôle de compétences. Les statuts de l’AFD seront modifiés de sorte que les pouvoirs de coordination des ambassadeurs puissent aussi s’exercer à l’égard des agences locales de l’AFD. Au cours des prochains mois, il sera procédé à un examen détaillé de la situation, ambassade par ambassade, afin d’organiser la prise en charge des fonctions de développement, en fonction des spécificités locales.
· Dans le domaine de la coopération culturelle, scientifique et universitaire, il est aujourd’hui indispensable de doter nos ambassades d’une organisation plus lisible, qui garantisse la souplesse dans la gestion de nos moyens. J’ai proposé de fusionner partout où cela est possible nos services de coopération et d’action culturelle en ambassade avec nos centres et instituts culturels. Ces nouvelles entités, qui permettront de regrouper nos forces et nos moyens, bénéficieront de l’autonomie financière. Elles seront placées sous l’autorité de l’Ambassadeur. C’est une clé essentielle pour nous permettre de monter des partenariats et aussi pour augmenter nos financements. Des missions pour la science et la technologie seront maintenues dans les grands pays scientifiques. La carte de nos implantations culturelles continuera à évoluer en fonction de l’évolution du monde. Nous poursuivrons notre partenariat privilégié avec l’Alliance Française.
3 - Je voudrais maintenant vous dire quelques mots sur la mise en œuvre de ces réorganisations.
Je mesure évidemment l’ampleur des changements qu’elles vont occasionner. Elles ne se feront pas en un jour mais sur une période de trois ans (2009-2011). Ceci étant, notre intérêt collectif est de pouvoir disposer dès que possible d’une organisation renouvelée et stabilisée qui permettra à notre ministère de reprendre toute sa place dans la maîtrise des enjeux globaux auxquels notre pays se trouve confronté.
Dans un premier temps, des expérimentations seront conduites en 2009 dans une dizaine de pays pour tester la formule de regroupement des services de coopération et des centres culturels au sein de nouvelles entités dotées de l’autonomie financière.
Comme je l’ai déjà dit, le schéma d’organisation de l’Administration centrale sera précisé au deuxième semestre de cette année. Je le présenterai fin août lors des journées du réseau culturel puis lors de la Conférence des ambassadeurs.
Les missions précises des agences reconfigurées en découleront. Leurs statuts, y compris ceux adaptés de l’AFD, seront donc définis eux aussi d’ici la fin de l’année et leur mise en place devra être achevée avant la fin de l’année prochaine.
Au-delà du nouveau dessein collectif que trace cette réforme de nos dispositifs de coopération, c’est bien sûr à vos situations individuelles que je porte la plus grande attention.
J’ai le devoir d’être franc : ces réformes se traduiront par des diminutions d’emplois comme d’ailleurs dans l’ensemble du Ministère. Lors du Comité Technique Paritaire Ministériel la semaine dernière, j’ai annoncé que les réformes issues de la RGPP conduiraient le ministère à diminuer son plafond d’emploi de 700 ETP (équivalents temps plein) d’ici la fin de 2011, dont 308 pour des personnels permanents du fait du non remplacement consécutif à des départs en retraite. Les autres réductions portent sur des non renouvellements de contrats à durée déterminée ou sur des postes de recrutement local.
A l’Administration centrale, les effectifs de la DGCID sont amenés à diminuer en fonction du transfert de certaines missions à des opérateurs. Mais il est exclu d’arriver à certains chiffres excessivement bas parfois entendus : l’essentiel est de conserver la masse critique de compétences (en quantité comme en qualité) dont la nouvelle direction globale aura besoin.
Le rapprochement entre services et instituts culturels nous permettra lui aussi de gagner en efficacité, en faisant davantage avec parfois des effectifs réduits, mais ce dernier point n’est pas notre objectif principal et nous chercherons partout à mener les transformations en veillant à la qualité du dialogue social.
Je veux le souligner avec force : personne ne sera laissé au bord du chemin. Nous aurons besoin de chacune des compétences que vous représentez. Je m’y engage : chaque situation individuelle sera regardée avec le souci de tenir compte des aspirations et des possibilités de chacun. J’ai demandé à votre directrice générale de s’adjoindre les compétences de spécialistes de la gestion des ressources humaines qui viendront appuyer la DGCID dans cette phase très importante de sa restructuration.
Je mesure ce qui est attendu de chacun d’entre vous : il s’agit ni plus ni moins de refonder ensemble les instruments de notre politique de solidarité et de rayonnement. La tâche est ardue mais je crois qu’elle est exaltante. Je sais ce que vous apportez à notre politique étrangère. Partout où je passe, mes interlocuteurs me disent votre travail, votre enthousiasme, votre connaissance des autres, votre compréhension du monde. J’ai besoin de vous pour que nous bâtissions ce nouveau ministère de la mondialisation que j’appelle de mes vœux depuis ma prise de fonction.
Je vous remercie./.