Paris, le 7 juillet 2008
à
Monsieur Bernard Kouchner
ministre des Affaires étrangères et européennesMonsieur le Ministre,
En notre qualité de membres de la Commission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger, qui s'apprête à vous remettre son rapport, nous souhaiterions à la fois rendre hommage à son président, M. Yves Aubin de la Messuzière, et à ses collaborateurs, pour leur exceptionnel travail d'animation et de synthèse, et appeler votre attention sur un sujet déterminant sur lequel la Commission n'a pu trancher, faute d'accord.
Il s'agit du financement des ambitieuses orientations proposées, qui se situent d'ailleurs dans le droit fil des engagements du Président de la République. En effet, il va falloir à la fois répondre à la demande de communautés françaises en plein développement, aider de plus en plus les familles françaises qui en ont besoin, maintenir la qualité pédagogique de ce réseau par un haut ratio d'enseignants formés en France, en moderniser et en étendre les infrastructures, mais aussi garantir la mixité culturelle de nos établissements en y accueillant à peu près autant d'élèves étrangers que de français, tout en instaurant un système d'aides pour les familles étrangères les plus modestes. Il faudra aussi rationaliser les modes de gestion et de rémunération des personnels de toutes conditions et origines qui exercent dans ce réseau, car on y constate de sérieux désordres.
Où trouver les financements supplémentaires ? Pas vraiment du côté des familles, qui assument déjà 65% du coût du réseau. Un peu, peut-être, du côté des entreprises, mais leur apport ne sera en aucun cas à proportion des besoins. Pas du côté de l'Union européenne, comme on l'entend parfois dire, car le sujet ne relève pas de ses compétences. Reste l'Etat. L'heure n'étant pas à l'accroissement de ses dépenses, ces moyens supplémentaires devront être prélevés sur sa substance.
A cet égard, force est de constater que le ministère des affaires étrangères, avec son petit budget, ne dispose que d'infimes capacités de redéploiement. Le ministère de l'éducation nationale, pour sa part, n'assume qu'une très faible part des charges du réseau : une assistance pédagogique, certes très bienvenue, et, au moins jusqu'à présent, le paiement des pensions des personnels qu'il y détache. Par voie de conséquence, ce ministère ne joue qu'un faible rôle dans le pilotage de notre réseau d'enseignement à l'étranger.
Cette répartition des charges, et si nécessaire des responsabilités, doit à présent être revue. Notre réseau a deux missions d'importance égale : prolonger à l'étranger, pour nos compatriotes, le service public français de l'éducation nationale, et mener une politique d'influence par la formation des futures élites des pays d'accueil. La première mission est de la vocation du ministère de l'éducation nationale, la seconde du ministère des affaires étrangères. Mais elles ne peuvent évidemment être conduites qu'ensemble. Au premier, la responsabilité du résultat pédagogique, au second le pilotage diplomatique et stratégique. De ceci devrait résulter un partage équitable des charges. Certes au prix d'un sacrifice pour le ministère de l'éducation nationale, qui subit en ce moment de dures contraintes, notre dispositif pourrait alors être abondé des moyens nécessaires. L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger n'en conserverait pas moins son autonomie, indispensable à la gestion de la diversité des situations à travers le monde.
Une telle réforme, compte tenu de résistances administratives tenaces, qui ont d'ailleurs empêché la commission de trancher à ce sujet, nécessite l'expression d'une forte volonté politique. Si nous avons pu vous convaincre, nous vous serions reconnaissants, Monsieur le Ministre, d'en être l'interprète et de porter, si nécessaire, la question à l'arbitrage du Premier Ministre, éventuellement à celui du Président de la République. Il y va de la survie de ce réseau, aujourd'hui gravement menacé.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre haute considération.