Après une quasi-décennie de déclin continu, la France semble
avoir enrayé la désaffection de ses universités par les étudiants
étrangers, dont l'envie de venir étudier était souvent brisée par
les obstacles administratifs et la difficile obtention d'un visa.
Pour la deuxième année consécutive, l'enseignement supérieur
français (facultés et instituts universitaires de technologie, mais
aussi BTS, écoles de commerce, d'ingénieurs, d'art, etc.) a
enregistré une croissance des inscriptions de jeunes venus de
l'étranger (lire ci-dessous).
Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, et Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères, devaient annoncer, mercredi
29 août, dans le cadre de la neuvième conférence des
ambassadeurs, qui se tient à Paris du 27 au 30 août, quatre
nouvelles mesures pour soutenir ce renversement de tendance et
consolider l'action menée par le gouvernement depuis trois ans. Dans
un marché de l'éducation de plus en plus mondialisé, favoriser
l'accueil d'étudiants étrangers devient un élément clé de
l'attractivité et de la compétitivité du système éducatif
français. Les deux ministres s'appuieront sur les cinquante
propositions du rapport qu'Elie Cohen, professeur de gestion à
Paris-Dauphine et conseiller à la direction des relations
internationales du ministère de l'éducation nationale, leur a remis
le 19 juillet "pour améliorer l'accueil des étudiants
étrangers en France". Sur ce thème, les études n'ont pas manqué.
Pour la seule année 1999, pas moins de trois rapports - Prévos en
mars, Dufourg en avril et Claeys en septembre - formulaient des
propositions, qui s'ajoutaient aux importants développements que le
rapport Weil sur l'immigration, en 1997, avait déjà consacrés à la
question. Cette multiplication s'est révélée payante. Ce
"foisonnement de diagnostics" a induit en quelques années une
"modification radicale"du contexte, souligne M. Cohen.
La loi de 1998 avait déjà facilité l'obtention de visas étudiants et
introduit la possibilité pour les étudiants étrangers de travailler
à mi-temps ; les programmes de bourses ont été restructurés
dans la foulée, avec notamment l'attribution de
300 nouvelles "bourses d'excellence" Eiffel chaque
année ; le groupement d'intérêt public Edufrance, créé en 1998
par Claude Allègre en collaboration avec le Quai d'Orsay, poursuit
son travail de promotion internationale du système éducatif
français.
TRADUCTION DES DIPLÔMES
Les annonces de MM. Lang et Védrine portent, en premier lieu, sur
la création d'un "conseil pour l'accueil des étudiants
étrangers".Cette instance permanente sera chargée de "mesurer
les avancées" de cette politique volontariste, de recueillir
avis et propositions, et de rédiger une "charte de la qualité de
l'accueil" servant de référentiel commun. Deuxièmement, afin de
favoriser l'autonomie des établissements, chaque université ou école
supérieure sera invitée à définir sa politique vis-à-vis des pays
étrangers, à travers une "déclaration d'action
internationale"négociée avec les ministères de l'éducation
nationale et des affaires étrangères.
L'accès à l'enseignement supérieur pour les élèves des lycées
français de l'étranger - qui, dans 60 % à 70 % des cas,
n'ont pas la nationalité française - sera facilité. Actuellement,
chaque année, "sur 5 000 dossiers de préinscription
(obligatoire), 1 700 seulement donnent lieu à une
inscription définitive", précise le rapport Cohen. La faute,
souvent, revient au délai de traitement du dossier, qui peut
n'intervenir qu'au mois de juillet. Enfin, la traduction des
diplômes sera généralisée afin de faciliter leur lisibilité
internationale. L'objectif est d'utiliser un intitulé conforme aux
standards internationaux (bachelor pour bac + 3, mastaire pour
bac + 5). "Le constat des efforts engagés et des
améliorations apportées ne saurait interdire la mise en évidence des
difficultés", précise le rapport Cohen. Des faiblesses
perdurent, selon lui, tout au long de la "chaîne d'accueil".
Si la phase de recrutement a été bonifiée, notamment par le biais
d'Edufrance, qui représente les établissements adhérents sur les
multiples Salons internationaux, "l'environnement des études
soulève les difficultés majeures" : premier incriminé,
l'hébergement, déficient en qualité et en quantité, notamment en
Ile-de-France. "Mais ce problème ne concerne pas les seuls
étudiants étrangers, indique le rapport Cohen. Il se pose
également aux étudiants français et aux chercheurs et enseignants
étrangers accueillis dans le cadre d'échanges académiques."
Enfin, en aval de la formation, "le suivi des étudiants étrangers
est quasi inexistant et prive la France d'un vecteur de rayonnement
pourtant efficace".
Marie-Laure Phélippeau http://www.lemonde.fr/education
10 % de la population des universités
- Effectifs. Après un repli continu depuis le début des
années 1990, le nombre d'étudiants étrangers est en hausse depuis
deux ans. 160 730 en 1990, 153 465 en 1996, 147 996
en 1998, 159 175 en 1999, 173 000 en 2000. En 2000,
140 849 suivaient un cursus au sein d'une université, soit
10 % des inscrits (contre 8,9 % en 1995 et 13,6 % en 1985).
- Disciplines universitaires.40 % des étudiants
étrangers accueillis à la faculté suivaient un enseignement en
lettres ou en sciences humaines, 19 % en sciences, 16 % en
gestion ou économie, 13 % en droit ou sciences politiques,
12 % en médecine.
- Origine. A la rentrée 2000, les étudiants étrangers étaient principalement
originaires des pays d'Afrique et du Maghreb (49,5 %) et des autres pays
d'Europe (28,8 %, contre 17 % en 1985). La part issue des pays d'Asie (14,3 %), et plus
encore d'Amérique (7,1 %), demeure faible.