Neuvième Conférence des Ambassadeurs
(Paris, 27 - 30 août 2001)


Discours d'ouverture du Ministre des Affaires étrangères
M. Hubert Védrine
(Paris, le 28 août 2001)

 

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Ouvrant avec plaisir, avec Pierre Moscovici et Charles Josselin, et le Secrétaire général, cette 9ème conférence des Ambassadeurs, notre rentrée diplomatique, pourrait-on dire si nous étions jamais sortis, je ne vais pas aborder les grands axes de notre politique étrangère, que vous connaissez bien et que le président de la République a développés hier devant vous, mais essentiellement la vie de notre maison.

C'est une séance sérieuse, austère peut-être même, mais, je crois, utile.

Sur le plan diplomatique, il me suffit de dire que nous continuerons à faire tout notre possible pour enrayer la tragédie au Proche-Orient, pour aider les Balkans à dépasser leur histoire, pour résoudre le conflit de la République démocratique du Congo, ou d'autres encore; nous veillerons, faut-il le dire, à nos intérêts, à notre sécurité, à notre influence partout; nous poursuivrons nos efforts pour une mondialisation humaine et maîtrisée, même si le nouvel unilatéralisme souverainiste américain ne nous facilite pas les choses. Nous ferons écho aux revendications raisonnables et responsables sur la mondialisation car nous non plus nous ne voulons pas de n'importe quelle globalisation; pour être efficace, d'ailleurs, sur ce plan, nous devrons réfléchir aux obstacles que rencontrent les propositions de régulation, régulièrement avancées par la France. Quant à l'Europe, la déclaration de Laeken sera, à la fin du semestre, très importante car elle fixera les modalités et le calendrier du débat sur l'avenir de l'Europe, et donc influera sur le fond; mais dans ce domaine, même si la construction européenne se poursuit chaque jour, la période décisive, que la France aura intérêt à aborder avec des idées claires, sera 2003/2004.

Maintenant, comme je l'ai annoncé il y a un instant, c'est sur la modernisation de cette maison et sur les raisons de la poursuivre que je vais me concentrer ce matin.

* * *

En prenant mes fonctions en 1997, j'étais très informé et très conscient de la qualité du ministère des Affaires Etrangères, du dévouement, de la compétence, du sens du service public de ses agents. Je l'étais par les deux années passées à la Direction générale, par mes quatorze années à l'Elysée naturellement.

Je n'ignorais rien non plus de ce qui avait été fait auparavant en matière de modernisation. Je savais que cette maison, contrairement à une idée reçue, encore trop vivace, n'avait pas cessé de se transformer, de s'adapter, peut-être plus que d'autres et qu'elle est aujourd'hui, à travers nous tous, en grande partie le résultat de ce processus.

Reportons nous un instant en arrière pour mieux mesurer l'ampleur de cela.

Depuis une trentaine d'années, et l'époque de Michel Debré, du rapport Racine, à presque chaque ministre a été associé un ensemble de mesures.

A Michel Jobert, on doit ainsi la création du CAP, en 1974. A Jean Sauvagnargues, en 1976, le premier décret d'organisation du Département depuis 1945. A Jean François-Poncet, de 1978 à 1981, le renforcement des directions géographiques, la création de la cellule de crise, du service de la traduction et de l'interprétation, l'organisation de l'Inspection générale, le décret sur les pouvoirs des Ambassadeurs que l'on voudrait plus strictement respecté par les autres administrations, mais c'est un autre sujet. A Claude Cheysson, de 1981 à 1984, de nombreuses mesures concernant les méthodes de travail, la mobilité fonctionnelle, l'alternance géographique, la création d'un service informatique, la cellule d'urgence humanitaire, la mise en place d'une politique de formation. A Roland Dumas, de 1984 à 1986, la création de la DFAE, l'exercice du droit syndical, les plans d'action. A Jean-Bernard Raimond, que je salue d'ailleurs et qui est parmi nous, en 1986, la mise en place des instructions aux Ambassadeurs. A Roland Dumas, dans sa deuxième période, de 1988 à 1993, la création de l'AEFE, le rapprochement du chiffre et de l'informatique, la création de l'association des conjoints. A Alain Juppé, de 1993 à 1995, la création du CIMEE et de la cellule MODAE, la réorganisation de la DPAG en DGA, la création de la sous-direction de la sécurité, l'institution du COPIC, et bien sûr, la Conférence des Ambassadeurs.

Les réformes ont été apparemment nombreuses et dans certains secteurs, même, continues. J'aurais pu citer, je ne l'ai pas fait, la longue liste des réorganisations de la DGRCST jusqu'à la DGCID. Certaines réformes restent associées à des noms, - je rappelais Michel Jobert, le CAP, c'est presque automatique - mais de nombreuses réformes ne peuvent être attribuées à un Ministre en particulier: préparées par l'un, elles étaient mises en œuvre par le suivant comme la création de l'IFAC en 1993. Il est frappant de constater que les retours en arrière - à l'exemple du retrait du texte de Claude Cheysson, qui subordonnait l'accession aux emplois supérieurs à un séjour dans un pays difficile - constituent des exceptions rares dans ce processus.

Le travail de modernisation et d'adaptation a donc été incessant au Quai d'Orsay. Mais j'étais aussi convaincu en 1997 de la nécessité de le poursuivre et de l'amplifier. Pourquoi ?

Dès 1968, le rapport Racine avait relevé la complexité croissante de la politique étrangère, où tous les enjeux se mêlent, l'apparition de la diplomatie "directe", le poids de la presse. Il préconisait l'esprit d'ouverture, le professionnalisme pour les agents du ministère des Affaires étrangères, des structures plus efficaces, une meilleure gestion des moyens, une problématique sociale aussi. Le rapport Racine considérait déjà par exemple que si des améliorations réelles n'étaient pas apportées en matière de travail des conjoints, le Département aurait de plus en plus de mal à trouver des personnels de qualité.

On peut dire que c'est une tâche sans fin que tout cela. Raison de plus pour persévérer. Avons-nous assez répondu à l'ensemble de ces préoccupations en plus de trente ans ? Avons-nous renversé ou corrigé les mécanismes et les évolutions externes au ministère qui affaiblissent son indispensable rôle ou qui risquent de l'affaiblir ? En grande partie oui, mais pourtant pas assez, pas encore assez.

Mon objectif en 1997, et je l'ai dit ici même en 1997 puis en 1998, était donc que le Département et ses personnels restent le cœur de l'action diplomatique, restent ou redeviennent, ou soient plus encore. Action diplomatique entendue au sens le plus large, telle qu'elle s'exerce dans le monde d'aujourd'hui. D'abord, au sein de l'appareil d'Etat où la situation est modifiée structurellement par la personnalisation des relations internationales au sommet et par l'autonomisation croissante, en tout cas c'est leur tendance, des autres administrations sur le plan international. Ensuite, par rapport à la société française d'aujourd'hui et vis à vis des nouveaux acteurs des relations internationales. Pour moi, la France a plus que jamais besoin, à l'époque de la mondialisation et de l'interdépendance généralisée, d'une tour de contrôle de ses relations extérieures, qui ne prétend pas en avoir le monopole mais en assure la cohérence et en orchestre le dynamisme. Et pour moi celle-ci ne peut être que le ministère des Affaires étrangères. Mon exigence, mes ambitions, je crois que ce sont aussi les vôtres pour le ministère, ne sont pas fondées sur une méconnaissance, ou une sous-estimation, de ce qui a été accompli, au contraire, et j'ai donc voulu le rappeler, mais sur une analyse lucide des mécanismes à l'œuvre qui risquent de réduire ou de relativiser le rôle du ministère, ce que je trouverais néfaste, pas seulement pour le ministère, mais pour l'influence française dans le monde en général.

D'où le programme de modernisation annoncé en 1997-1998, poursuivi depuis lors avec détermination par le Secrétaire général, le Directeur général de l'administration, qui va bientôt partir en poste, et que je remercie chaleureusement pour son action, par les autres directeurs, j'espère par vous tous.

1/ La modernisation de l'outil diplomatique, c'était d'abord la politique du personnel et des ressources humaines.

J'ai lancé pour cela en 1998 un programme d'actions composé de 51 mesures concrètes que je vous suggère de relire. Presque toutes ont été mises en œuvre alors même qu'on nous disait que certaines étaient irréalistes. Les grands axes, vous les connaissez : mesures statutaires de fusion, amélioration des processus d'affectation, de la formation, introduction de l'évaluation, efforts de justice sociale.

Donc, d'abord un ensemble de modernisations statutaires : comme la fusion des corps de catégorie A qui a été menée à bien, la titularisation des contractuels A et B de l'ancien ministère de la Coopération, lancée en 1998. Il nous a fallu aussi relever le défi de la modernisation informatique en nous dotant de vrais spécialistes : le corps des chiffreurs a été remplacé par un corps de catégorie A : les ASIC, et un nouveau corps de catégorie B.

Mais c'est aussi l'amélioration des processus d'affectation, source classique d'amertume et de frustration, qui le sera toujours un peu, mais il faut arriver à réduire ce sentiment. Ils ont été revus en profondeur pour leur donner plus de prévisibilité, plus de transparence, ce qui répondait au vœu commun des personnels et de l'administration.

En règle générale, les mutations sont désormais décidées six mois à l'avance et les agents et leur famille peuvent ainsi mieux s'y préparer. Les postes à pourvoir sont mis en ligne sur Intranet, les directions et l'inspection générale participent aux commissions d'affectation, les CAP sont consultées systématiquement, les agents de catégorie C, comme les autres, figurent dans un annuaire avec leurs compétences et leur carrière.

La formation était pour moi une priorité; mais plus le temps a passé, plus cela m'est apparu comme décisif car elle conditionne toutes nos ambitions, tout le rôle que nous voulons jouer aussi bien à Paris, dans l'administration centrale que dans les postes. Depuis quelques années, le Département disposait évidemment de programmes de formation riches et variés, mais, en fait, à la carte, et au fond mis en œuvre selon les disponibilités des uns ou la bonne volonté des autres. Il fallait donc modifier cette logique pour organiser de façon cohérente une formation qui réponde systématiquement à nos besoins et à ceux des agents à tous les stades de leur vie professionnelle.

On a repensé l'enseignement des langues, vous le savez. On a organisé des stages à l'intention des conjoints d'agents comme le font les meilleurs services diplomatiques et deux ou trois autres pays vraiment modernes sur ce plan.

L'institut diplomatique dont j'avais annoncé la création l'an dernier a été créé. Sa première session, qui s'est achevée en juillet s'est bien passée. Les potentialités multiples apparaissent clairement, il couronnera le nouvel édifice de la formation. Le bilan dressé par les participants, parce que l'on y a appliqué une évaluation comme on le conseille pour tout, a été très positif. Cet institut sera pérennisé.

L'évaluation : là aussi c'est une question que j'ai mentionnée dès le début mais dont l'importance m'est de plus en plus apparue; elle est d'ailleurs liée à la formation. Ce n'est que de cette façon que nous arriverons à nous améliorer et à nous adapter au mieux. L'évaluation indispensable n'est pas encore, - c'est le moins qu'on puisse dire - entrée dans les mœurs et c'est vrai que, quand cela concerne les personnes, c'est toujours délicat. Il faut la manier avec tact et intelligence, mais il n'y a pas de raison que ce que l'on arrive à faire systématiquement dans les grands groupes privés performants, on soit incapable de le faire dans une administration dynamique. Il faut y avoir recours, tout comme pour les politiques, et pour les structures.

L'évaluation des personnels a progressé avec l'apparition du bilan professionnel. L'Inspection générale s'essaie à l'activité d'audit (examen de quatre directions et de plusieurs de nos actions à caractère politique ou culturel). Comment va-t-on l'appliquer ? En ce moment, on s'y exerce aussi à propos de l'accueil, de la logistique diplomatique. En plus, pour la première fois, le ministère a rédigé un rapport d'activité annuel. Tout cela n'est qu'un début.

- Dans le domaine social, des progrès réels ont été réalisés pour plus d'équité. Je citerai l'achèvement de la réforme des majorations familiales et du supplément familial, la réforme de l'attribution de la NBI (nouvelle bonification indiciaire), la titularisation des agents du BVA dans le cadre de la résorption de l'emploi précaire, la signature d'accords bilatéraux pour permettre le travail des conjoints.

Je m'arrête un instant sur la question des recrutés locaux. Elle est souvent pour vous un sujet de préoccupation. Avec la réduction des emplois de titulaires, ils représentent plus de la moitié du personnel administratif dans les postes (5800 dans le seul réseau diplomatique et consulaire et plus de 3300 dans le réseau culturel). De très nombreuses grilles de salaires ont pu être réévaluées, la protection sociale, souvent très insuffisante, a été améliorée, les contrats de travail mis en conformité avec la législation du travail. La formation a été plus largement ouverte à ces agents qui constituent un vivier. Ce travail de rénovation est cependant loin d'être achevé et représente pour vous, je le sais, un investissement important. Le dialogue social, instauré dans les postes l'an dernier et qui est essentiel, n'a pas encore été mis en œuvre dans tous les postes et je vous demande donc d'y travailler, quand ce n'est pas déjà fait.

La DRH est en première ligne par rapport à ces enjeux, elle doit impérativement poursuivre sa propre mutation et sa propre modernisation et je suis conscient de l'ampleur de ce que l'on attend d'elle et de tous ses agents.

2/ Mais, outre les réformes touchant à la question des ressources humaines, la poursuite de la modernisation c'était aussi la réforme des structures et l'amélioration des méthodes.

Plusieurs réformes de structures ont été réalisées dont la plus importante a été celle de la coopération qui s'est bien déroulée. Je crois même que c'est la grande réforme qui s'est le mieux déroulée dans l'appareil d'Etat ces dernières années et d'ailleurs elle se poursuit, c'est toujours des suites et des conséquences positives qui entraînent des mutations que nous gérons comme nous l'avons fait, Charles Josselin et moi. Tout cela a été fait dans un délai plus court que prévu.

L'organisation de notre administration devra continuer à être ajustée en permanence en fonction des nouveaux enjeux. Cela ne s'arrêtera pas. Ainsi récemment, la décision de créer une Délégation à l'action humanitaire regroupant l'action humanitaire et la cellule d'urgence, a été prise.

Pour mener ces réformes et animer la modernisation, je me suis appuyé sur les trois comités de direction que j'ai créé : comité stratégique, comité de management, comité de politique immobilière, qui se réunissent très régulièrement et impliquent toute la hiérarchie du ministère.

Je vous indiquerai que des progrès substantiels ont été réalisés également dans la modernisation des instruments de travail des agents à l'administration centrale et à l'étranger. Je pense, en particulier, à l'essor considérable de notre réseau Intranet et au développement des accès Internet.

Les chiffres sont frappants. Je ne vous donne pas tous les détails. C'est un document qui vous sera distribué de toute façon, à moins que vous ne l'ayez déjà et vous y verrez un certain nombre de détails qui peuvent compléter mon propos.

Je pense aussi au lancement du projet de construction du centre d'Archives, qui était espéré depuis des années. Nous avons enfin trouvé une solution qui n'est pas loin puisque c'est à La Courneuve, un terrain qui est extraordinairement bien desservi et qui sera très bien à la fois pour les archivistes et pour les gens qui iront consulter les archives.

La réforme des méthodes de travail, relancée en 1999, en revanche n'a été à mon avis que partiellement suivie. Il y a eu des efforts et des progrès, mais aussi des inerties et des blocages psychologiques. Nous restons, par exemple, trop peu capables de réagir très rapidement aux situations nouvelles et aux crises en constituant assez rapidement des équipes en fonction des besoins du moment. C'est aussi dû au fait, pour de nombreuses raisons que vous connaissez, que l'administration centrale au fil des années a été trop dégarnie, par rapport au Foreign Office, par exemple. On est donc moins à même de s'adapter tout de suite. Je sais que cela s'explique aussi par des facteurs extérieurs et je sais que l'on pourrait dire cela de toutes les administrations centrales, mais cela n'est pas une raison.

3/ Le budget : en 30 ans, les moyens du ministère des Affaires étrangères n'ont pour ainsi dire pas progressé en pourcentage du budget de l'Etat : 1,2% en 1969, et aujourd'hui nous sommes à 1,3% mais entre temps il y a eu le rapprochement Coopération/Affaires étrangères.

On ressort de plusieurs années de baisse presque continue, et d'hémorragie des effectifs que nous avons stoppée depuis maintenant trois ans. Cela ne veut pas dire que l'on ait corrigé tout ce qui s'était passé avant.

Cette année, la norme de progression du budget de l'Etat était limitée à 0,9% et l'action extérieure, même si je le regrette, n'était pas prioritaire. La négociation budgétaire a été difficile, mais notre ministère ne s'en tire pas trop mal avec une progression de son budget de 1,3% . Je rappelle que les ministères non prioritaires ont obtenu 0,9 %, et que dans le 1,3 % je ne compte pas les contributions obligatoires.

Ces contraintes budgétaires récurrentes rendent encore plus nécessaire une meilleure gestion des ressources. Celle-ci passe par la réforme comptable qui se met en place progressivement. L'expérience de déconcentration de la gestion des crédits qui a porté déjà sur 98 ambassades et consulats sera étendue en 2002 à 59 nouveaux postes.

La politique de subventions a été resserrée et elle est contrôlée de très près par le Secrétaire général. Les procédures immobilières, comme le Service de l'Equipement, ont été réformées, avec une nette amélioration et une rationalisation de la programmation et du suivi.

S'agissant des emplois, malgré la tension persistante sur les effectifs due en grande partie aux suppressions subies jusqu'en 1998 et l'absence de créations en loi de finances, le ministère a organisé d'importants recrutements par concours en particulier en catégorie C: 230 agents en 2000 et 295 pour 2001. Ces recrutements ont pu être effectués grâce à une mobilisation des emplois budgétaires fondée sur une meilleure gestion prévisionnelle .

Telle est donc la vie du ministère. J'ai parlé des moyens, des hommes. Mais il y a un autre élément qui est fondamental pour nous, ce sont les rapports du ministère avec la société : ce qui entraîne une certaine image et ce qui détermine la qualité et l'intensité du soutien que nous rencontrons.

4/ La modernisation de notre administration, c'est aussi l'ouverture et l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.

La "démarche de qualité" que la DFAE a mené depuis 4 ans de façon volontariste et exemplaire, je la cite donc en particulier, c'est notamment :

un réseau de 190 sites Internet consulaires ;

- la mise en ligne des formulaires ;

- les fiches conseils aux voyageurs : aujourd'hui nous en sommes à presque 4 000 visiteurs par jour ;

- la cellule de veille sur la sécurité des Français à l'étranger ;

- la numérisation de 6 millions d'actes d'état-civil ;

- je signale aussi l'importance du travail de la Mission de l'adoption internationale ;

- le traitement informatique des demandes de visas.

Ces sujets sont très sensibles aux yeux de nos compatriotes et à juste titre. Ils sont souvent de nature à mettre en jeu l'image du Département, sinon à engager votre responsabilité personnelle. Je vous demande à tous de faire preuve de la plus grande vigilance et du plus grand soin dans le traitement de ces questions.

Les rapports avec la société, ce sont aussi des rapports plus opérationnels avec les entreprises, des relations soutenues avec les parlementaires, avec les ONG: de plus en plus de travail en commun avec les ONG. Même s'il y a une salubre controverse intellectuelle sur leur rôle et sur celui des gouvernements, il faut éviter la confusion.

Tout cela est important, nous en parlerons dans la séance de clôture.

Mais c'est aussi la diffusion de l'information. Le site Internet du Département est parmi les plus consultés des sites de l'administration avec actuellement 1.500.000 visites par mois, ce qui commence à être vraiment considérable.

Le Centre d'Accueil de la Presse Etrangère, projet discuté depuis des années et réalisé à l'occasion de la Présidence française de l'Union européenne, est aujourd'hui pérennisé. Le rapport avec les médias et la communication est un domaine sensible : là, aussi, on en parlera en séance de clôture en tenant compte de tous les débats de ces jours-ci. Il faut distinguer d'ailleurs la communication des ministres et celle du ministère. Nous parlerons de tous les sujets qui ont été à cet égard intéressants ou significatifs cette année. Comment communiquer plus et mieux, mais de façon maîtrisée. Cette remarque inclut la politique culturelle, la DGCID, l'AFAA, le réseau, l'aide humanitaire. Sur tous ces plans, des progrès ont été faits, d'autres sont à faire. Si le Département sait prendre ce tournant, il y a pour lui une formidable opportunité.

* * *

Ce bilan est impressionnant, je crois qu'on peut le dire objectivement, s'agissant de tout ce qui a été fait au cours des décennies passées et que j'ai rappelé. Vous y avez tous contribué. Nous pourrions, peut-être, nous reposer sur nos lauriers et observer maintenant en souriant d'autres ministères en proie aux mêmes défis, rencontrant des difficultés parfois plus grandes et ayant souvent plus de mal à progresser. On ne peut pas faire cela, parce que tout ce qui a été fait, même si c'est bien, ne suffit pas. Je sais bien que certains verrous ou blocages tiennent à la Fonction publique ou aux règles de la Comptabilité publique, et pas spécifiquement au ministère des Affaires étrangères. Mais au risque de me répéter, je dirais que cela ne nous dispense de rien, car les évolutions en cours dans l'Etat ou dans la société ne sont pas automatiquement porteuses pour le ministère des Affaires étrangères. Nous devons être très ambitieux pour nous-mêmes.

1/ Il faut encore améliorer la gestion de nos moyens.

Oui, encore trop souvent, je l'ai constaté plusieurs fois, encore cette année, nous sommes pris en défaut sur des questions ayant trait à la dépense publique.

On me dira c'est dix fois pire ailleurs : mais ce n'est pas une réponse. Cela joue contre nous.

La très importante décision de réforme de l'ordonnance de 1959 - j'y faisais allusion tout à l'heure - est fondamentale. Elle vise à la responsabilisation des gestionnaires et au contrôle de la performance. Le Département, et chacun de ses responsables, à commencer par les chefs de poste, va devoir s'adapter. Vous inspirant davantage de la méthode entrepreneuriale, vous devez donc vous préparer à assumer une responsabilité plus grande dans la gestion des moyens qui vous sont confiés, ce qui nécessitera une formation renforcée à laquelle vous serez tous prochainement appelés au travers de stages.

- L'amélioration engagée l'an dernier de nos procédures de marchés publics avec le développement d'une fonction de conseil au sein de la DAF, s'avère insuffisante. Il faudra aller plus loin comme nous y invitait un audit conjoint Finances/Quai d'Orsay. La réforme du Code des marchés publics, qui intervient le mois prochain, rend cette nécessité encore plus flagrante. Je prendrai des mesures dans ce domaine dès les prochaines semaines.

En ce qui concerne nos procédures immobilières, des progrès supplémentaires sont encore nécessaires : mieux contrôler délais et dépassements ; mieux intégrer dans notre gestion prévisionnelle à long terme les charges de fonctionnement et d'entretien de ce patrimoine et de ces équipements souvent lourdes à notre époque, comme le ferait une entreprise en intégrant notamment les charges d'amortissement ; renforcer au sein du comité de politique immobilière la pertinence de la programmation.

2/ Améliorer radicalement la gestion des hommes et les méthodes de travail.

A ce sujet, un mot des résultats du Forum que j'ai fait ouvrir sur Intranet à la suite des articles contestables parus dans Le Monde sur le Quai d'Orsay, et des vagues que cela a provoqué. Ce sont des épisodes ou des événements qu'il faut traiter positivement.

Ce qui ressort de cet échange, même si je regrette que vous n'ayez pas été assez nombreux à y participer, c'est la confirmation, excusez moi de le dire, mais je crois que c'est vrai, que des modes de management et de relations humaines archaïques ont encore trop souvent cours dans notre ministère, y compris dans les postes. Le Forum a ainsi amené de nombreux agents à relever le cloisonnement hiérarchique excessif, le manque d'écoute et de transparence, l'arbitraire, le mépris, la morgue, le caporalisme. Même si cela ne concerne qu'une minorité, c'est trop, c'est encore trop. Je m'adresse à vous en tant que chefs de poste, c'est à dire en tant que responsables d'équipe, pour vous dire que j'attends de vous que ces comportements disparaissent parce que vous êtes regardés, nous sommes aussi regardés à travers tout cela.

Premièrement, j'ai demandé à la DGA de concevoir des stages de formation à la gestion des ressources humaines qui seront désormais obligatoires pour tout agent d'encadrement, y compris pour ceux qui assument déjà la direction d'un poste ou d'un service. Un module de gestion de ressources humaines sera également ajouté aux sessions de l'Institut diplomatique et aux stages proposés par l'Institut de formation à l'administration consulaire qui s'adressent aux chefs de chancellerie.

Deuxièmement, l'amélioration des méthodes de direction (définition des objectifs, conduites de réunions, animation d'équipes, circulation de l'information, évaluation et formation des collaborateurs) fera désormais partie du plan d'action des chefs de poste et des directeurs, chefs de service, sous-directeurs à l'administration centrale.

Troisièmement, pour toute question importante pour la vie du ministère et intéressant l'ensemble de ses agents, un forum de dialogue sera ouvert sur l'Intranet et chacun pourra s'y exprimer à titre personnel, en toute liberté et en toute franchise.

J'insiste : le dialogue est l'un des éléments d'une politique dynamique de la gestion du personnel fondée sur l'ouverture et l'écoute. Il a été renforcé à l'Administration centrale avec la tenue régulière de réunions de concertation syndicale et à l'étranger avec l'instauration du dialogue social dans les postes, mais il doit être décliné à tous les niveaux afin de rompre les cloisonnements, d'améliorer ensemble les conditions, donc l'efficacité du travail. Je suis presque gêné d'avoir à dire des choses aussi évidentes. Tout cela devrait aller de soi, c'est un état d'esprit.

La vocation des agents du ministère à servir à l'étranger, renforcée par l'instauration de la double vocation en 1990 et donc d'alternance des affectations à l'étranger et à l'administration centrale, entraîne la mobilité que vous connaissez : vous vivez avec, notre vie professionnelle est marquée par cela.

Mais cette mobilité au sein de notre seul ministère me paraît insuffisante. Elle ne remplace pas l'ouverture aux compétences extérieures et le partage des expériences professionnelles dans les autres administrations, les entreprises, les collectivités locales ou le monde associatif, indispensables pour bien préparer les diplomates polyvalents de demain à tenir leur rôle de coordination et de pilotage interministériel de l'action extérieure de la France qu'ils revendiquent : 129 cadres seulement, soit 8% de leurs effectifs, sont actuellement employés à l'extérieur du Département, tandis que nous accueillons 159 agents de catégorie A d'autres administrations. C'est trop peu, compte tenu de l'avantage que le ministère peut retirer de ce brassage, y compris pour son image extérieure, et de cette diversification d'expérience, non seulement dans les secteurs de la diplomatie mais aussi dans les métiers de gestion où apparaît un grand déficit de compétence. Or, jusqu'ici, nos efforts - y compris les miens - pour introduire cette mobilité, ont échoué ou abouti à peu de choses en réalité. Nous ne pouvons en rester là.

En premier lieu, je demande à la DGA de concevoir et d'introduire sans tarder une incitation forte pour parvenir à une mobilité réelle des agents de catégorie A à l'extérieur du ministère. Nous avons tout à y gagner en compétence, en image, en influence.

Deuxièmement, il faut sortir de cette situation dans laquelle ceux qui font cela sont pénalisés quand ils reviennent. C'est vraiment se tirer une balle dans le pied, quand on raisonne non pas individuellement mais collectivement.

Troisièmement, la fusion des corps de catégorie B, que j'ai annoncée, sera mise en œuvre prochainement. Elle sera suivie par la fusion des corps de catégorie C. Je n'ignore pas qu'il y a encore des réticences, mais cette mesure répond aux objectifs d'une gestion moderne des ressources humaines. Elle permettra une gestion plus souple et plus dynamique. Elle favorisera la mobilité et la diversification des fonctions liées à une imbrication croissante des réseaux diplomatiques, consulaires et de coopération dans un contexte budgétaire tendu - comme vous le savez - marqué en outre par le départ à la retraite d'un fonctionnaire sur deux d'ici 2012 et l'application de la RTT et où il est indispensable de mobiliser de façon optimale des personnels.

S'agissant de la catégorie B, d'ailleurs, je vous rappelle que la Fonction publique et le Budget, convaincus de la pertinence de cette réforme - plus que convaincus ils l'exigeaient - ont accepté les mesures d'accompagnement que nous avions demandées pour les agents concernés : un tour extérieur amélioré de B en A à titre transitoire et le maintien d'un concours spécifique à côté du concours du recrutement interministériel.

Mais je souhaite aussi, comme j'en ai souligné la nécessité, de nouvelles avancées dans la pratique de l'évaluation :

- la politique d'évaluation des agents doit être perfectionnée et concerner tout le monde. Les modalités seront changées.

- à l'instar des ambassadeurs, les directeurs doivent désormais s'imposer la rédaction d'un plan d'action. Ce n'est qu'en adoptant une démarche systématique de définition d'objectifs et en mesurant le degré de réalisation que l'on peut progresser et mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs.

- la technicité de l'Inspection des affaires étrangères sera renforcée. Dans les prochains mois, seront nommés inspecteurs des agents de catégorie B expérimentés qui auront notamment la charge des questions de visas. L'inspection fera également appel à d'autres administrations pour diversifier et enrichir ses compétences.

En matière de formation, je souhaite que les chefs de poste et les chefs de service eux-mêmes s'engagent en donnant l'exemple. La DGA les contactera de façon systématique pour leur faire des propositions. Je souhaite que chacun - quel que soit son niveau - fasse l'effort de dégager le temps nécessaire pour répondre positivement. J'ai l'intention de suivre moi-même prochainement un stage dans le domaine des nouvelles technologies.

Au total, dans l'intérêt de chacun, et du ministère tout entier, il faut rompre avec cette mentalité administrative trop répandue selon laquelle dès que l'on s'élève un peu dans la hiérarchie on est dispensé de toute formation et protégé de toute évaluation.

3/ Il faut enfin continuer d'assurer la respiration, c'est-à-dire l'adaptation aux réalités, du réseau diplomatique, consulaire et de coopération.

Un rééquilibrage entre l'Administration centrale et l'étranger est nécessaire pour renforcer notre poids, notre compétence - je le disais tout à l'heure - et notre intervention dans les consultations interministérielles et les négociations multilatérales. Ce mouvement va se poursuivre.

Le recours à des formules innovantes comme la mise en place des postes à gestion simplifiée, qui permettent de maintenir une présence à moindre coût, va être étendue.

Au sein de l'Union européenne, nous allons réorganiser le réseau consulaire en concentrant certaines tâches administratives sur un poste ou deux par Etat-membre, comme cela a été fait pour les visas, et commencer à rechercher avec nos homologues européens les voies d'une simplification et d'une harmonisation administratives.

Pour améliorer nos relations avec le public, et notre image dans l'opinion, le principe de l'évaluation de la qualité du service rendu et de la mesure de la satisfaction de l'usager sera systématiquement étendu à tous les secteurs du Département en relation directe avec le public comme la DFAE, l'AEFE, les Archives, les consulats, les ambassades.

Les publications du Quai d'Orsay auront désormais une identité propre, repérable. Toutes les notes, tous les rapports qui sortiront de cette maison, seront désormais normés dans leur présentation et devront pouvoir être reconnus au premier coup d'oeil.

Je ne développe pas aujourd'hui les questions qui concernent particulièrement la DGCID, la modernisation, en cours et à amplifier, de l'administration, de la gestion et de l'animation du réseau culturel dont j'ai longuement parlé en juillet devant ses membres. L'ensemble de mon propos concerne au premier chef la DGCID qui est la plus importante administration de ce Département.

Enfin, je vous le rappelle, c'est jeudi que je traiterai devant vous, avant que nous en débattions, la façon dont nous devons travailler, de façon moderne, avec les entreprises, les ONG, les médias, les parlementaires.

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En conclusion, je pense que vous comprenez tous pourquoi j'insiste tant sur le besoin d'un effort continu de modernisation : la société, le monde bougent; aucune position n'est définitivement acquise; avoir un état d'esprit entreprenant, cela veut dire aussi s'adapter, se restructurer, développer sa capacité de réaction à toute évolution de son environnement, sous peine de dépérir ou de disparaître. Et on ne peut pas raisonner en disant que nous avons déjà fait beaucoup de choses ou tant de choses.

Si le ministère voit la mondialisation comme un affaiblissement de ses compétences, entre la réduction du champ diplomatique pur (la guerre et la paix entre les nations) où il est concurrencé par de nouveaux acteurs, et l'apparition de nouveaux sujets (le climat, les nouvelles technologies, la bioéthique dans le champ diplomatique) auxquels il doit encore se former, s'il voit les choses comme cela, il dépérira. Mais s'il sait apporter à ces nouveaux interlocuteurs, publics et privés, sur ces nouveaux sujets, des informations des analyses une valeur ajoutée. S'il est capable de synthétiser les intérêts foisonnants et de coordonner les actions extérieures menées au nom de l'Etat dans le sens d'une plus grande efficacité globale pour la défense des intérêts de notre pays, ce sera une chance extraordinaire pour le ministère des Affaires étrangères. C'est affaire de professionnalisme, de réactivité, d'ouverture, d'organisation, de mentalité, de combativité personnelle.

Le Quai d'Orsay et ses ambassadeurs sont des spectateurs privilégiés de la mondialisation. Ils sont aussi souvent pour le compte des autorités françaises les acteurs d'une meilleure maîtrise, d'une meilleure régulation de cette mondialisation. Ils sont mieux placés que beaucoup d'autres pour jouer ce rôle.

J'ai confiance dans votre lucidité à tous pour souscrire à ce diagnostic et à ce programme et dans votre volonté collective de faire prévaloir le rôle d'intérêt général du ministère.