Quelles ressources humaines pour quelle coopération ?
"Quelles ressources humaines pour quelle
coopération ?"
Projet d'avis du Haut Conseil de la Coopération
Internationale
devant être adopté en assemblée plénière
le 25 juin 2002
Cet avis a été élaboré
par le groupe de travail "ressources humaines et coopération"
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Le Haut Conseil de la Coopération Internationale a
tenu à examiner la question des ressources humaines en coopération
pour le développement. Cet intérêt est justifié
par l'importance acquise, dans notre système d'aide, par les échanges
entre les hommes et les femmes de notre société, porteurs
de leurs expériences et de leurs compétences particulières,
et ceux et celles des sociétés partenaires. Le rapport du
Haut Conseil sur les ressources humaines en coopération traite tant
des questions soulevées par l'évolution de notre dispositif
public d'assistance technique que de celles posées par la coopération
mobilisant directement collectivités territoriales, ONG, universités
et entreprises. Enfin, l'examen de cette question ne saurait être
complet sans aborder les questions de formation des ressources humaines,
en particulier de formation continue, et celles, essentielles liées
à la capitalisation des expériences et à la circulation
des connaissances.
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La coopération française, qu'elle soit publique
ou privée, a toujours été marquée par une forte
présence sur "le terrain". Cette caractéristique est souvent
appréciée pour ce qu'elle signifie de connaissance du milieu
et des sociétés. Des ONG non françaises, d'autres
coopérations bilatérales et les instances multilatérales
reconnaissent d'ailleurs ces capacités et savoir-faire originaux,
auxquels elles font parfois appel, même si ces compétences
sont généralement issues d'une expérience trop limitée
géographiquement.
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D'un autre côté, les critiques à l'encontre
de l'assistance technique de longue durée sont anciennes et largement
exprimées au niveau international. En résumé, on lui
reproche de promouvoir une assistance toujours empreinte de substitution
ou de forte convenance politique, au détriment de la mobilisation
de compétences locales qui, pourtant, sont de plus en plus nombreuses
et qualifiées et trop souvent inutilisées ou expatriées.
Les affectations des coopérants seraient mal définies, répétitives
et induiraient passivité et irresponsabilité des partenaires
en même temps qu'obsolescence des qualifications techniques des coopérants
de carrière. Enfin, ce mode d'intervention ne pourrait éviter
une certaine ingérence dans les politiques des pays partenaires.
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Ces critiques n'ont certes pas totalement perdu de leur pertinence
dans bien des situations. Cependant, elles ne font pas justice de la qualité,
de la motivation, de l'efficacité de nombre de nos coopérants
devenus des spécialistes expérimentés de la mise en
œuvre en partenariat de réformes institutionnelles et de programmes
sectoriels. Elles ne font pas justice non plus des importantes évolutions
qui ont marqué en ce domaine les dix ou quinze dernières
années.
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A de nombreux égards le Haut Conseil constate que,
au-delà de leurs différents mandats institutionnels, la coopération
bilatérale, les ONG, les collectivités territoriales développent
des pratiques d'intervention qui, dans leurs principes, se sont
beaucoup rapprochées et largement améliorées : souci
d'actions structurantes et d'intervention dans la durée, diagnostic
partagé de situation, mobilisation d'acteurs diversifiés,
responsabilisation du ou des partenaires, évaluation des interventions.
En revanche, de nombreux obstacles demeurent pour rendre effective l'application
de tels principes, et une part importante de ces difficultés concerne
la formation, la gestion et la valorisation des ressources humaines des
uns comme des autres.
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De ce fait le HCCI considère qu'il n'y a pas
deux traitements différents à envisager pour les ressources
humaines en coopération, l'un qui serait réservé à
une coopération publique mise en œuvre essentiellement par des agents
de l'Etat, et l'autre qui serait l'affaire exclusive des acteurs privés
et non gouvernementaux. Pourtant, trop rares sont les passerelles
et les opportunités de pouvoir évoluer soit entre les institutions
du secteur privé, public ou multilatéral (ONG / entreprises
/ collectivités locales / administrations), soit entre les différents
statuts existants (volontariat/assistance technique/expertise de courte
ou moyenne durée). Le système est rigide et cloisonné.
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La nécessaire mutation de la coopération
publique : d'un comportement tutélaire de l'Etat à l'autonomie
des partenaires
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Depuis les indépendances, la politique de coopération
de la France a été largement fondée sur la présence
d'assistants techniques insérés dans les structures des Etats.
Cette politique est appelée aujourd'hui à une profonde remise
en cause, à la fois pour prendre acte de la consolidation des institutions
et des compétences locales et pour appuyer, au-delà des institutions
publiques, les structures décentralisées, associatives et
privées des sociétés des pays partenaires.
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La réduction considérable des effectifs de
l'assistance technique directe (de plus de 20 000 il y a 15 ans à
2 200 aujourd'hui) a résulté, non seulement des progrès
accomplis dans la formation des élites locales et de l'évolution
des besoins, mais aussi d'un mal à l'aise croissant de nos responsables
politiques devant des fonctions de l'assistance technique qui devenaient
plus ambiguës. Plusieurs rapports récents et convergents
ont souligné le besoin d'une réforme structurelle, qui dépasse
les questions de gestion pour traiter politiquement d'une question de fond
: quelle assistance technique pour quelle coopération ?
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Les réponses apportées récemment par
le gouvernement concernent essentiellement le système de gestion
de l'assistance technique publique : rattachement – d'ailleurs discutable
– du statut de tous les assistants techniques au décret de 1967
régissant les diplomates ; création du GIP France Coopération
Internationale qui permettra, en particulier, de mieux couvrir les besoins
croissants en missions de courte et de moyenne durée et d'organiser
la réponse aux appels d'offre internationaux. Elles ne peuvent prétendre
être à la hauteur des attentes.
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La coopération publique souffre avant tout d'une
confusion entre des fonctions, d'ordre politique, qui ont trait à
la préparation, la négociation et l'évaluation de
programmes, et celles, d'ordre opérationnel, qui ont trait à
la réalisation et à la mise en œuvre de ces activités.
Autant les premières relèvent des choix du gouvernement français
dans la définition de ses orientations, autant les secondes, une
fois le programme négocié et agréé par les
parties prenantes, devraient relever d'une responsabilité claire
des institutions nationales des pays partenaires.
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En réalité, la responsabilité accordée
aux maîtres d'ouvrage de ces pays ne leur permet pas de se sentir
réellement responsables des programmes de coopération, en
particulier parce qu'ils ne maîtrisent que rarement l'assistance
technique dont ils sont censés bénéficier. A l'inverse,
les assistants techniques sont eux même placés en situation
ambiguë lorsqu'il s'agit de développer de nouveaux programmes,
car leur statut les place tout à la fois en position de service-conseil
au maître d'ouvrage local et de représentation de la partie
française.
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Doter systématiquement –et réellement-
le partenaire d'une responsabilité de maître d'ouvrage doit
donc conduire la coopération française à renoncer
à la maîtrise d'œuvre directe de projets et de programmes
: on ne peut pas à la fois financer une construction, en être
l'architecte et faire le maçon, tout en faisant croire que l'occupant
ultérieur du bâtiment est responsable de ses malfaçons.
L'abandon de l'assistance directe pour des fonctions de chefs de projets
correspond à une étape historique, auquel la France ne pourra
longtemps échapper. A trop retarder l'échéance, notre
pays alimente les ambiguïtés et érode son influence
sur le fond.
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Cette clarification supposera que l'assistance technique
puisse être gérée par une structure différente
de celle qui porte la négociation politique : on en revient
au rôle incontournable en ce domaine d'une " agence " de coopération,
élément inachevé de la réforme de 1998. Lorsque
le développement institutionnel du partenaire le permet, la maîtrise
du recrutement de l'assistance technique par le partenaire garantit sa
responsabilisation comme maître d'ouvrage.
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Pour ce qui concerne les personnels qui doivent négocier
le développement de nouveaux programmes au nom de notre pays, il
n'y a pas lieu, bien au contraire, de couper le cordon qui les rattache
à l'Administration. Dans une large mesure, ils pourront continuer
à relever de la fonction publique, mais, dans des cas ou des compétences
particulières sont requises, la possibilité de faire appel
à des ressources du secteur privé ou du tiers secteur devrait
être davantage ouverte: là encore, l'externalisation de la
gestion des ressources humaines paraît la seule issue convenable.
Le
Haut Conseil souligne que les exigences professionnelles liées à
ces fonctions de conception et de négociation de programmes de développement
en font un métier spécifique qui ne saurait être confondu
ni avec celui de diplomate, ni avec celui d'ambassadeur de la culture française.
Sans imaginer enfermer ces personnels dans le ghetto d'un nouveau corps
de fonctionnaires spécialisés,les procédures
de leur sélection, de leur recrutement et de leur gestion devront
tenir compte de ces exigences professionnelles, ce qui n'est pas toujours
le cas actuellement, tant s'en faut.
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Dans le même esprit, l'aide sous forme de coopération
technique devrait être déliée, de sorte qu'il puisse
être librement fait appel aux compétences locales, de la même
région ou d'autres pays.
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La demande des partenaires doit être mieux prise
en compte en évitant deux travers : le piège du transfert
de modèle et la tentation d'une politique d'influence. Cependant,
il convient de ne pas être naïf. La demande est plurielle, ambiguë
et doit être décryptée à différents niveaux.
D'importants progrès sont possibles d'une part à l'occasion
des négociations internationales et discussions multilatérales
et par un dialogue politique précoce et continu, d'autre part en
utilisant le cadre de l'élaboration des Documents Stratégie-Pays
et des Commissions Mixtes, en procédant à des évaluations
conjointes, à maîtrise d'ouvrage partagée avec nos
partenaires. Sans oublier de former à cet effet le personnel des
Ambassades et les coopérants. Par ailleurs, à côté
des demandes croissantes d'interventions ponctuelles et strictement techniques,
la
demande a évolué et porte désormais sur une fonction
que l'on peut qualifier "d'appui institutionnel et d'aide à l'organisation
du changement social"
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Cette fonction peut justifier, dans certains cas, l'existence
d'une assistance technique de longue durée à la double condition
: 1/qu'elle soit rigoureusement limitée (en effectifs
et dans son horizon temporel) et pourvue par des compétences débordant
largement les qualifications strictement techniques ; 2/qu'elle fasse
partie de programmes d'ensemble dont la maîtrise d'ouvrage appartienne
pleinement aux partenaires et qui mobilisent diverses autres formes
d'intervention (ressources locales, missions de courte ou moyenne durée),
et soient soutenues et suivies en amont comme en aval.
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La réponse à la demande doit ensuite
en priorité chercher à mobiliser les compétences du
pays partenaire ou d'autres pays du Sud (en particulier en favorisant
la dimension régionale) et, si elles font défaut, il
revient aux acteurs de la coopération française d'aider à
les former et à les promouvoir. La mobilisation des ressources locales
ne saurait progresser significativement sans volonté politique forte
et aussi longtemps que l'on restera réticent à laisser la
pleine maîtrise d'ouvrage des programmes et projets à nos
partenaires. Il faut donc modifier substantiellement règles
et procédures de notre coopération gouvernementale, délier
la coopération technique, instituer des règles obligeant
à utiliser et former les compétences locales dans tout le
cycle des projets (du diagnostic à l'évaluation) et s'appuyer,
pour ce faire, sur des réseaux consolidés et internationalisés.
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Moyennant la mise en œuvre de telles clarifications, le HCCI
considère que l'assistance technique peut continuer à répondre
à des besoins essentiels et que sa réduction largement en
deçà des effectifs actuels serait sans doute dommageable.
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Si les conditions de l'expatriation doivent permettre de
faire appel aux ressources humaines les plus qualifiées pour chaque
fonction, la rénovation de notre coopération devra
aussi s'attacher à redonner de la souplesse et de l'éthique
au système de rémunération de l'assistance technique.
L'abrogation du décret du 18 décembre1992 et le rattachement
de tous les AT à un statut diplomatique unique relevant du décret
du 28 mars 1967 représente une régression difficilement justifiable.
Il est indispensable de promouvoir une grille qui rémunère,
de façon souple et différenciée, mais sans excès,
la qualité de l'agent et l'importance du poste. La
référence à la Loi du 13 juillet 1972 relative à
la "situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique
et technique auprès d'Etats étrangers" rarement évoquée,
le permettrait pourtant, tout comme la gestion des personnels par une agence
opérationnelle.
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Le renforcement de la coopération non gouvernementale
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La coopération décentralisée, portée
par les collectivités territoriales au service de la structuration
de pouvoirs locaux, est en plein essor depuis dix ans. Son foisonnement
fait l'objet d'un effort substantiel et continu d'organisation. Elle est
particulièrement porteuse de sens dans un contexte de démocratisation
et de promotion de la subsidiarité. Cependant, dans certains cas
et faute de ressources humaines adéquates, elle se limite à
une ingénierie technique et administrative au profit des homologues
en négligeant – au risque du transfert de modèle - les objectifs
et contraintes du développement local. Quelque peu cloisonnée,
ses liens avec les autres acteurs de la coopération restent insuffisants
et les fonctions de formation et de capitalisation restent à organiser.
Elle
doit être encouragée à nouer des alliances plus fréquentes
avec les ONG ou à recourir au service de spécialistes expérimentés
des milieux et des sociétés dans lesquelles elle intervient.
L'évaluation des programmes doit aussi être encouragée
selon des formes adaptées pour être appropriée comme
un outil de pilotage, tant par les élus que par les services techniques
concernés.
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Les ONG engagées dans des opérations de coopération
technique sont souvent pionnières ou innovantes en matière
de mobilisation des ressources locales. Les ressources humaines qu'elles
mobilisent dépassent aujourd'hui largement, si on y inclut le volontariat,
celles de l'assistance technique publique. La grande force du système
ONG est certainement sa souplesse, liée à des contrats de
droit privé, qu'il s'agisse de contrats de volontariat ou de contrats
de salariat.
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Pour autant, des limites évidentes concernent la capacité
des ONG à fidéliser du personnel qualifié et expérimenté
sur la durée, donc à organiser les parcours professionnels,
la formation permanente et les retours.
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Un certain nombre d'ONG spécialisées dans l'appui
technique et méthodologique souffrent à ce propos de l'absence
d'un statut intermédiaire entre l'association de militants et la
société privée, pour couvrir des activités
économiques dont la finalité est le service à la collectivité
plutôt que le profit. Face à ce besoin, la création
d'un statut spécifique "d'utilité sociale" qui lierait les
avantages fiscaux d'une association à une labellisation reconnue
à l'échelle européenne représenterait un progrès
incontestable.
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Le volontariat est un statut ancien, régi en matière
de coopération internationale par le décret du 30 janvier
1995, qui allie un engagement de solidarité à un exercice
strictement professionnel. Le volontariat représente une forme d'expérimentation
sociale originale, qui doit être distinguée, mieux qu'elle
ne l'est, du salariat comme du bénévolat. Dans les faits
cependant, les distinctions ne sont pas toujours évidentes. Dans
certaines situations, les associations contractantes, ou les partenaires
locaux, ou encore les bailleurs de fonds au sein des projets desquels les
volontaires sont placés, entendent gérer les volontaires
comme du personnel courant. Alternative bon marché à du salariat,
l'utilisation de "volontaires" dans des projets de coopération bilatérale
alimente cette ambiguïté.
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Les conditions de réalisation du travail volontaire
doivent permettre de donner du sens à celui-ci, à temps plein,
mais seulement dans des conditions qui devraient être à la
fois mieux reconnues et mieux encadrées. Or le décret de
1995 qui régit son exercice repose sur des bases juridiques fragiles
alors même que le dispositif créé par la loi du 14
mars 2000 est largement inadapté pour les ONG. Des suggestions ont
été faites à ce propos et méritent d'être
prises en compte dans les évolutions possibles de la loi : protection
sociale, obligations réciproques de l'Etat et des associations,
statut dérogatoire par rapport au droit du travail "classique" (notamment
par rapport aux prélèvements sociaux). En contrepartie, l'Etat,
s'il subventionne et soutient le volontariat, doit se doter d'instances
et de procédures d'évaluation et de capitalisation, étayées
par des dispositifs de formation reconnus.
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Pendant longtemps, le service national a joué un rôle
déterminant pour conforter un vivier de jeunes professionnels disposant
d'une première expérience et susceptibles de s'engager plus
durablement en assistance technique. Aujourd'hui, sa suppression, conjuguée
à l'accroissement du niveau de compétence et d'expérience
requis dans les programmes de coopération, tend à tarir le
réservoir de ressources humaines dans lequel aussi bien les ONG
que la coopération publique pouvaient puiser. Pour diverses raisons,
le volontariat n'est pas, aujourd'hui, en mesure de relayer cette fonction
ancienne du "VSNA".
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Le besoin apparaît donc d'un dispositif qui,
à l'image des emplois jeunes salariés, facilite l'insertion
professionnelle dans des milieux et des sociétés étrangères
sur des durées suffisamment longues, en les confrontant à
la diversité des situations de coopération. Cette fonction
de "sas" vers l'expertise internationale gagnerait évidemment
à être encadrée et organisée, voire donner lieu
à diplôme complémentaire. Les dispositions de la loi
de modernisation sociale de janvier 2001 ouvrent de ce point de vue, des
possibilités bienvenues. L'occasion devrait être
saisie pour proposer une formule qui combine une aide à l'emploi
des jeunes et une validation académique des acquis de l'expérience,
moyennant des parcours pré-professionnels agréés.
Une telle initiative permettrait en outre de recentrer le volontariat sur
son caractère propre d'engagement, conformément à
sa spécificité, et non de le réduire à un substitut
déguisé de salariat.
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Le marché international de l'expertise
privée travaillant pour les pays en développement est très
important et les formes de mobilisation des ressources humaines y sont
diversifiées dans pratiquement tous les secteurs de l'aide publique
au développement. Le potentiel français en la matière
est mal connu et les opérateurs français y recrutent encore
assez peu, en particulier le ministère des Affaires étrangères.
Il convient donc de procéder à un examen plus approfondi
de ce secteur de l'expertise privée française, de l'utiliser
davantage dans le cadre de partenariats public-privé à long
terme et de la valoriser à l'extérieur, en particulier au
niveau européen.
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Il en est de même pour les entreprises
privées n'appartenant pas au secteur de l'entreprise stricto-sensu
qui pourraient jouer un rôle plus important par leurs activités
d'ingénierie, de conseil, de formation et d'appui à d'autres
acteurs de la coopération. En particulier, notre dispositif de formation
professionnelle à l'étranger est particulièrement
faible car l'offre française, potentiellement abondante, y est désordonnée
et le fait d'acteurs de faible envergure et essentiellement étatiques.
Il
faudrait concentrer les moyens, mieux coordonner les initiatives privées
et publiques, s'appuyer plus largement sur les organisations professionnelles,
notamment les chambres de commerce et d'industrie, et encourager une coopération
au niveau européen entre organismes de formation, pouvoirs publics
et entreprises. Enfin, il devrait être possible de permettre aux
salariés qui le désirent, de participer à des missions
de coopération gouvernementale ou non gouvernementale sans devoir
démissionner.
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La coopération multilatérale
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Pour renforcer la capacité de la France de peser sur
les choix des politiques de coopération internationale, le
Haut Conseil préconise une pratique plus volontaire des fonds fiduciaires,
une mobilisation plus forte de hauts fonctionnaires sous utilisés
et des ressources humaines non gouvernementales. Il préconise
surtout un fort appui gouvernemental aux centres de recherche pour participer
pleinement aux réseaux internationaux où s'élaborent
les idées et les propositions de portée internationale
(comme savent si bien le faire les Britanniques).
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La formation et la capitalisation
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Les filières de formation consacrées au développement
international - pris dans son sens le plus large - sont nombreuses en France.
Le HCCI recommande qu'elles demeurent largement ouvertes à des métiers
qui puissent s'exercer indifféremment en Europe et en expatriation,
plutôt que d'encourager des filières totalement spécialisées.
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L'intégration de ces filières au sein
des Espaces européens de l'Enseignement Supérieur et de la
recherche est une nécessité, si tant est que les
enjeux se situent chaque jour davantage au niveau de l'Union et que l'aide
au développement est devenue une priorité malheureusement
trop faible pour être traitée de façon indépendante
dans chacun des pays de l'Union. Tout système de formation
supérieure qui, en s'appuyant sur le système de crédits
européens ECTS, permet d'alterner des séjours dans différents
pays européens doit être encouragé, tout comme l'alternance
entre des périodes d'enseignement et des périodes pré-professionnelles
dans des situations de coopération.
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Les formations professionnelles et continues sont dispersées
et elles peinent à trouver le juste créneau pour satisfaire
à la fois un public hétérogène et le besoin
de reconnaissance par le milieu professionnel. Le développement
de la formation permanente, au service des personnels de toutes les catégories
d'organisations impliquées dans le développement, est un
enjeu d'autant plus décisif que la solidarité n'est plus,
aujourd'hui, une exclusivité de professionnels du sujet. Les filières
à soutenir doivent être académiquement diplômantes et
être conçues pour valoriser les acquis de l'expérience
professionnelle, comme la loi de modernisation sociale les y autorise.
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L'importance des fonctions de capitalisation et de
valorisation des expériences pour le renouvellement des stratégies
et des méthodes d'intervention est perçue comme une priorité
par l'ensemble des acteurs de la coopération. En dépit
de la modestie de moyens mis au service de la solidarité, l'exemple
britannique montre bien qu'il est possible de peser significativement
dans le débat international dès lors qu'un dispositif cohérent
est organisé pour assurer les fonctions conjointes de capitalisation,
valorisation et communication des expériences.
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A ce titre, les compétences professionnelles
(qu'elles soient publiques ou privées) mobilisées pour la
coopération au développement devraient toujours être
accompagnées dans leur exercice, techniquement et méthodologiquement.
Il
est essentiel d'intégrer les coopérants techniques - publics
ou privés, du Nord et du Sud - dans des réseaux, communautés
de travail et de pensée indépendante de leur rattachement
institutionnel et hiérarchique. Il s'agit de stimuler la
production de références, de valoriser l'information et d'offrir
une fonction de base arrière thématique et de formation permanente
sur les principaux champs de la coopération.
La consolidation
et la reconnaissance de ces espaces de réflexion, de débats
destinés à une capitalisation mutualisée et aux échanges
interprofessionnels devrait être une priorité de l'Etat mais
à promouvoir selon le principe d'une gouvernance mixte.
Le problème pour de tels réseaux et dispositifs est de leur
donner des moyens et un adossement institutionnel leur permettant d'éviter
la précarité, l'artisanat, voire une quasi clandestinité
ou – à l'inverse – une tutelle excessive de la puissance publique.
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Comme pour la gestion des ressources humaines, beaucoup
pensent qu'une "Agence de coopération" agissant avec souplesse et
professionnalisme, serait la meilleure formule pour organiser des réponses
cohérentes à ces questions. Cette agence pourrait,
par des délégations, s'appuyer sur les lieux existants montrant
des capacités particulières d'animation et un avantage comparatif
pour organiser des travaux transversaux mobilisant l'éventail d'acteurs
le plus large qui soit. Selon les thèmes et/ou les pays, ces lieux
pourraient être une association spécialisée, un EPST
ou un EPIC, ou encore un laboratoire universitaire.
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Pour une réforme d'ensemble
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La réforme du dispositif d'assistance technique, tel
que présenté au CICID et approuvé par celui ci en
février 2002, est parfois présentée comme clôturant
la réforme engagée en 1998. Le Haut Conseil de la Coopération
Internationale se félicite des avancées qu'il permet d'entrevoir
(en particulier pour la gestion des missions de moyenne durée),
mais souligne qu'il ne fait que colmater les failles les plus visibles
de notre système actuel, et ne dispense nullement d'une modernisation
véritable – c'est à dire politique – de celui-ci.
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La vraie réforme, celle qui reste attendue par
de nombreux acteurs, sera :
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celle qui rompra définitivement avec la forte
et toujours actuelle confusion de fait entre les fonctions de bailleur
de fonds, de maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre opérationnelle.
Ce qui est une autre façon d'énoncer le principe politique
de subsidiarité;
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celle qui portera une vision globale et cohérente
de notre politique de coopération technique, sans cloisonnements
de zones géographiques, de formes d'intervention, ni d'acteurs impliqués;
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celle qui assurera enfin l'amont et l'aval de la coopération
technique par un dispositif concernant les fonctions conjointes de formation,
capitalisation, recherche, évaluation.
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L'application de ces principes conduit à la proposition d'externaliser la mise en œuvre de la coopération technique
en la confiant à une "agence". Cette proposition aussi souvent évoquée
que repoussée doit être soigneusement instruite parce qu'elle
dépend de considérations – à maints égards
radicalement nouvelles – qui intéresse l'ensemble de la coopération
de la France et pas seulement la coopération technique. Elle doit
l'être aussi parce que sous ce terme d'agence, bien des formules
institutionnelles sont possibles.