Quelles ressources humaines pour quelle coopération ?

"Quelles ressources humaines pour quelle coopération ?"


Projet d'avis du Haut Conseil de la Coopération Internationale
devant être adopté en assemblée plénière le 25 juin 2002
Cet avis a été élaboré par le groupe de travail "ressources humaines et coopération"
  1. Le Haut Conseil de la Coopération Internationale a tenu à examiner la question des ressources humaines en coopération pour le développement. Cet intérêt est justifié par l'importance acquise, dans notre système d'aide, par les échanges entre les hommes et les femmes de notre société, porteurs de leurs expériences et de leurs compétences particulières, et ceux et celles des sociétés partenaires. Le rapport du Haut Conseil sur les ressources humaines en coopération traite tant des questions soulevées par l'évolution de notre dispositif public d'assistance technique que de celles posées par la coopération mobilisant directement collectivités territoriales, ONG, universités et entreprises. Enfin, l'examen de cette question ne saurait être complet sans aborder les questions de formation des ressources humaines, en particulier de formation continue, et celles, essentielles liées à la capitalisation des expériences et à la circulation des connaissances.
  2. La coopération française, qu'elle soit publique ou privée, a toujours été marquée par une forte présence sur "le terrain". Cette caractéristique est souvent appréciée pour ce qu'elle signifie de connaissance du milieu et des sociétés. Des ONG non françaises, d'autres coopérations bilatérales et les instances multilatérales reconnaissent d'ailleurs ces capacités et savoir-faire originaux, auxquels elles font parfois appel, même si ces compétences sont généralement issues d'une expérience trop limitée géographiquement.
  3. D'un autre côté, les critiques à l'encontre de l'assistance technique de longue durée sont anciennes et largement exprimées au niveau international. En résumé, on lui reproche de promouvoir une assistance toujours empreinte de substitution ou de forte convenance politique, au détriment de la mobilisation de compétences locales qui, pourtant, sont de plus en plus nombreuses et qualifiées et trop souvent inutilisées ou expatriées. Les affectations des coopérants seraient mal définies, répétitives et induiraient passivité et irresponsabilité des partenaires en même temps qu'obsolescence des qualifications techniques des coopérants de carrière. Enfin, ce mode d'intervention ne pourrait éviter une certaine ingérence dans les politiques des pays partenaires.
  4. Ces critiques n'ont certes pas totalement perdu de leur pertinence dans bien des situations. Cependant, elles ne font pas justice de la qualité, de la motivation, de l'efficacité de nombre de nos coopérants devenus des spécialistes expérimentés de la mise en œuvre en partenariat de réformes institutionnelles et de programmes sectoriels. Elles ne font pas justice non plus des importantes évolutions qui ont marqué en ce domaine les dix ou quinze dernières années.
  5. A de nombreux égards le Haut Conseil constate que, au-delà de leurs différents mandats institutionnels, la coopération bilatérale, les ONG, les collectivités territoriales développent des pratiques d'intervention qui, dans leurs principes, se sont beaucoup rapprochées et largement améliorées : souci d'actions structurantes et d'intervention dans la durée, diagnostic partagé de situation, mobilisation d'acteurs diversifiés, responsabilisation du ou des partenaires, évaluation des interventions. En revanche, de nombreux obstacles demeurent pour rendre effective l'application de tels principes, et une part importante de ces difficultés concerne la formation, la gestion et la valorisation des ressources humaines des uns comme des autres.
  6. De ce fait le HCCI considère qu'il n'y a pas deux traitements différents à envisager pour les ressources humaines en coopération, l'un qui serait réservé à une coopération publique mise en œuvre essentiellement par des agents de l'Etat, et l'autre qui serait l'affaire exclusive des acteurs privés et non gouvernementaux. Pourtant, trop rares sont les passerelles et les opportunités de pouvoir évoluer soit entre les institutions du secteur privé, public ou multilatéral (ONG / entreprises / collectivités locales / administrations), soit entre les différents statuts existants (volontariat/assistance technique/expertise de courte ou moyenne durée). Le système est rigide et cloisonné.
              • La nécessaire mutation de la coopération publique : d'un comportement tutélaire de l'Etat à l'autonomie des partenaires
  1. Depuis les indépendances, la politique de coopération de la France a été largement fondée sur la présence d'assistants techniques insérés dans les structures des Etats. Cette politique est appelée aujourd'hui à une profonde remise en cause, à la fois pour prendre acte de la consolidation des institutions et des compétences locales et pour appuyer, au-delà des institutions publiques, les structures décentralisées, associatives et privées des sociétés des pays partenaires.
  2. La réduction considérable des effectifs de l'assistance technique directe (de plus de 20 000 il y a 15 ans à 2 200 aujourd'hui) a résulté, non seulement des progrès accomplis dans la formation des élites locales et de l'évolution des besoins, mais aussi d'un mal à l'aise croissant de nos responsables politiques devant des fonctions de l'assistance technique qui devenaient plus ambiguës. Plusieurs rapports récents et convergents ont souligné le besoin d'une réforme structurelle, qui dépasse les questions de gestion pour traiter politiquement d'une question de fond : quelle assistance technique pour quelle coopération ?
  3. Les réponses apportées récemment par le gouvernement concernent essentiellement le système de gestion de l'assistance technique publique : rattachement – d'ailleurs discutable – du statut de tous les assistants techniques au décret de 1967 régissant les diplomates ; création du GIP France Coopération Internationale qui permettra, en particulier, de mieux couvrir les besoins croissants en missions de courte et de moyenne durée et d'organiser la réponse aux appels d'offre internationaux. Elles ne peuvent prétendre être à la hauteur des attentes.
  4. La coopération publique souffre avant tout d'une confusion entre des fonctions, d'ordre politique, qui ont trait à la préparation, la négociation et l'évaluation de programmes, et celles, d'ordre opérationnel, qui ont trait à la réalisation et à la mise en œuvre de ces activités. Autant les premières relèvent des choix du gouvernement français dans la définition de ses orientations, autant les secondes, une fois le programme négocié et agréé par les parties prenantes, devraient relever d'une responsabilité claire des institutions nationales des pays partenaires.
  5. En réalité, la responsabilité accordée aux maîtres d'ouvrage de ces pays ne leur permet pas de se sentir réellement responsables des programmes de coopération, en particulier parce qu'ils ne maîtrisent que rarement l'assistance technique dont ils sont censés bénéficier. A l'inverse, les assistants techniques sont eux même placés en situation ambiguë lorsqu'il s'agit de développer de nouveaux programmes, car leur statut les place tout à la fois en position de service-conseil au maître d'ouvrage local et de représentation de la partie française.
  6. Doter systématiquement –et réellement- le partenaire d'une responsabilité de maître d'ouvrage doit donc conduire la coopération française à renoncer à la maîtrise d'œuvre directe de projets et de programmes : on ne peut pas à la fois financer une construction, en être l'architecte et faire le maçon, tout en faisant croire que l'occupant ultérieur du bâtiment est responsable de ses malfaçons. L'abandon de l'assistance directe pour des fonctions de chefs de projets correspond à une étape historique, auquel la France ne pourra longtemps échapper. A trop retarder l'échéance, notre pays alimente les ambiguïtés et érode son influence sur le fond.
  7. Cette clarification supposera que l'assistance technique puisse être gérée par une structure différente de celle qui porte la négociation politique : on en revient au rôle incontournable en ce domaine d'une " agence " de coopération, élément inachevé de la réforme de 1998. Lorsque le développement institutionnel du partenaire le permet, la maîtrise du recrutement de l'assistance technique par le partenaire garantit sa responsabilisation comme maître d'ouvrage.
  8. Pour ce qui concerne les personnels qui doivent négocier le développement de nouveaux programmes au nom de notre pays, il n'y a pas lieu, bien au contraire, de couper le cordon qui les rattache à l'Administration. Dans une large mesure, ils pourront continuer à relever de la fonction publique, mais, dans des cas ou des compétences particulières sont requises, la possibilité de faire appel à des ressources du secteur privé ou du tiers secteur devrait être davantage ouverte: là encore, l'externalisation de la gestion des ressources humaines paraît la seule issue convenable. Le Haut Conseil souligne que les exigences professionnelles liées à ces fonctions de conception et de négociation de programmes de développement en font un métier spécifique qui ne saurait être confondu ni avec celui de diplomate, ni avec celui d'ambassadeur de la culture française. Sans imaginer enfermer ces personnels dans le ghetto d'un nouveau corps de fonctionnaires spécialisés,les procédures de leur sélection, de leur recrutement et de leur gestion devront tenir compte de ces exigences professionnelles, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement, tant s'en faut.
  9. Dans le même esprit, l'aide sous forme de coopération technique devrait être déliée, de sorte qu'il puisse être librement fait appel aux compétences locales, de la même région ou d'autres pays.
  10. La demande des partenaires doit être mieux prise en compte en évitant deux travers : le piège du transfert de modèle et la tentation d'une politique d'influence. Cependant, il convient de ne pas être naïf. La demande est plurielle, ambiguë et doit être décryptée à différents niveaux. D'importants progrès sont possibles d'une part à l'occasion des négociations internationales et discussions multilatérales et par un dialogue politique précoce et continu, d'autre part en utilisant le cadre de l'élaboration des Documents Stratégie-Pays et des Commissions Mixtes, en procédant à des évaluations conjointes, à maîtrise d'ouvrage partagée avec nos partenaires. Sans oublier de former à cet effet le personnel des Ambassades et les coopérants. Par ailleurs, à côté des demandes croissantes d'interventions ponctuelles et strictement techniques, la demande a évolué et porte désormais sur une fonction que l'on peut qualifier "d'appui institutionnel et d'aide à l'organisation du changement social"
  11. Cette fonction peut justifier, dans certains cas, l'existence d'une assistance technique de longue durée à la double condition : 1/qu'elle soit rigoureusement limitée (en effectifs et dans son horizon temporel) et pourvue par des compétences débordant largement les qualifications strictement techniques ; 2/qu'elle fasse partie de programmes d'ensemble dont la maîtrise d'ouvrage appartienne pleinement aux partenaires et qui mobilisent diverses autres formes d'intervention (ressources locales, missions de courte ou moyenne durée), et soient soutenues et suivies en amont comme en aval.
  12. La réponse à la demande doit ensuite en priorité chercher à mobiliser les compétences du pays partenaire ou d'autres pays du Sud (en particulier en favorisant la dimension régionale) et, si elles font défaut, il revient aux acteurs de la coopération française d'aider à les former et à les promouvoir. La mobilisation des ressources locales ne saurait progresser significativement sans volonté politique forte et aussi longtemps que l'on restera réticent à laisser la pleine maîtrise d'ouvrage des programmes et projets à nos partenaires. Il faut donc modifier substantiellement règles et procédures de notre coopération gouvernementale, délier la coopération technique, instituer des règles obligeant à utiliser et former les compétences locales dans tout le cycle des projets (du diagnostic à l'évaluation) et s'appuyer, pour ce faire, sur des réseaux consolidés et internationalisés.
  13. Moyennant la mise en œuvre de telles clarifications, le HCCI considère que l'assistance technique peut continuer à répondre à des besoins essentiels et que sa réduction largement en deçà des effectifs actuels serait sans doute dommageable.
  14. Si les conditions de l'expatriation doivent permettre de faire appel aux ressources humaines les plus qualifiées pour chaque fonction, la rénovation de notre coopération devra aussi s'attacher à redonner de la souplesse et de l'éthique au système de rémunération de l'assistance technique. L'abrogation du décret du 18 décembre1992 et le rattachement de tous les AT à un statut diplomatique unique relevant du décret du 28 mars 1967 représente une régression difficilement justifiable. Il est indispensable de promouvoir une grille qui rémunère, de façon souple et différenciée, mais sans excès, la qualité de l'agent et l'importance du poste. La référence à la Loi du 13 juillet 1972 relative à la "situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'Etats étrangers" rarement évoquée, le permettrait pourtant, tout comme la gestion des personnels par une agence opérationnelle
  15. La coopération décentralisée, portée par les collectivités territoriales au service de la structuration de pouvoirs locaux, est en plein essor depuis dix ans. Son foisonnement fait l'objet d'un effort substantiel et continu d'organisation. Elle est particulièrement porteuse de sens dans un contexte de démocratisation et de promotion de la subsidiarité. Cependant, dans certains cas et faute de ressources humaines adéquates, elle se limite à une ingénierie technique et administrative au profit des homologues en négligeant – au risque du transfert de modèle - les objectifs et contraintes du développement local. Quelque peu cloisonnée, ses liens avec les autres acteurs de la coopération restent insuffisants et les fonctions de formation et de capitalisation restent à organiser. Elle doit être encouragée à nouer des alliances plus fréquentes avec les ONG ou à recourir au service de spécialistes expérimentés des milieux et des sociétés dans lesquelles elle intervient. L'évaluation des programmes doit aussi être encouragée selon des formes adaptées pour être appropriée comme un outil de pilotage, tant par les élus que par les services techniques concernés.
  16. Les ONG engagées dans des opérations de coopération technique sont souvent pionnières ou innovantes en matière de mobilisation des ressources locales. Les ressources humaines qu'elles mobilisent dépassent aujourd'hui largement, si on y inclut le volontariat, celles de l'assistance technique publique. La grande force du système ONG est certainement sa souplesse, liée à des contrats de droit privé, qu'il s'agisse de contrats de volontariat ou de contrats de salariat.
  17. Pour autant, des limites évidentes concernent la capacité des ONG à fidéliser du personnel qualifié et expérimenté sur la durée, donc à organiser les parcours professionnels, la formation permanente et les retours.
  18. Un certain nombre d'ONG spécialisées dans l'appui technique et méthodologique souffrent à ce propos de l'absence d'un statut intermédiaire entre l'association de militants et la société privée, pour couvrir des activités économiques dont la finalité est le service à la collectivité plutôt que le profit. Face à ce besoin, la création d'un statut spécifique "d'utilité sociale" qui lierait les avantages fiscaux d'une association à une labellisation reconnue à l'échelle européenne représenterait un progrès incontestable.
  19. Le volontariat est un statut ancien, régi en matière de coopération internationale par le décret du 30 janvier 1995, qui allie un engagement de solidarité à un exercice strictement professionnel. Le volontariat représente une forme d'expérimentation sociale originale, qui doit être distinguée, mieux qu'elle ne l'est, du salariat comme du bénévolat. Dans les faits cependant, les distinctions ne sont pas toujours évidentes. Dans certaines situations, les associations contractantes, ou les partenaires locaux, ou encore les bailleurs de fonds au sein des projets desquels les volontaires sont placés, entendent gérer les volontaires comme du personnel courant. Alternative bon marché à du salariat, l'utilisation de "volontaires" dans des projets de coopération bilatérale alimente cette ambiguïté.
  20. Les conditions de réalisation du travail volontaire doivent permettre de donner du sens à celui-ci, à temps plein, mais seulement dans des conditions qui devraient être à la fois mieux reconnues et mieux encadrées. Or le décret de 1995 qui régit son exercice repose sur des bases juridiques fragiles alors même que le dispositif créé par la loi du 14 mars 2000 est largement inadapté pour les ONG. Des suggestions ont été faites à ce propos et méritent d'être prises en compte dans les évolutions possibles de la loi : protection sociale, obligations réciproques de l'Etat et des associations, statut dérogatoire par rapport au droit du travail "classique" (notamment par rapport aux prélèvements sociaux). En contrepartie, l'Etat, s'il subventionne et soutient le volontariat, doit se doter d'instances et de procédures d'évaluation et de capitalisation, étayées par des dispositifs de formation reconnus.
  21. Pendant longtemps, le service national a joué un rôle déterminant pour conforter un vivier de jeunes professionnels disposant d'une première expérience et susceptibles de s'engager plus durablement en assistance technique. Aujourd'hui, sa suppression, conjuguée à l'accroissement du niveau de compétence et d'expérience requis dans les programmes de coopération, tend à tarir le réservoir de ressources humaines dans lequel aussi bien les ONG que la coopération publique pouvaient puiser. Pour diverses raisons, le volontariat n'est pas, aujourd'hui, en mesure de relayer cette fonction ancienne du "VSNA".
  22. Le besoin apparaît donc d'un dispositif qui, à l'image des emplois jeunes salariés, facilite l'insertion professionnelle dans des milieux et des sociétés étrangères sur des durées suffisamment longues, en les confrontant à la diversité des situations de coopération. Cette fonction de "sas" vers l'expertise  internationale gagnerait évidemment à être encadrée et organisée, voire donner lieu à diplôme complémentaire. Les dispositions de la loi de modernisation sociale de janvier 2001 ouvrent de ce point de vue, des possibilités bienvenues. L'occasion devrait être saisie pour proposer une formule qui combine une aide à l'emploi des jeunes et une validation académique des acquis de l'expérience, moyennant des parcours pré-professionnels agréés. Une telle initiative permettrait en outre de recentrer le volontariat sur son caractère propre d'engagement, conformément à sa spécificité, et non de le réduire à un substitut déguisé de salariat.
  23. Le marché international de l'expertise privée travaillant pour les pays en développement est très important et les formes de mobilisation des ressources humaines y sont diversifiées dans pratiquement tous les secteurs de l'aide publique au développement. Le potentiel français en la matière est mal connu et les opérateurs français y recrutent encore assez peu, en particulier le ministère des Affaires étrangères. Il convient donc de procéder à un examen plus approfondi de ce secteur de l'expertise privée française, de l'utiliser davantage dans le cadre de partenariats public-privé à long terme et de la valoriser à l'extérieur, en particulier au niveau européen.
  24. Il en est de même pour les entreprises privées n'appartenant pas au secteur de l'entreprise stricto-sensu qui pourraient jouer un rôle plus important par leurs activités d'ingénierie, de conseil, de formation et d'appui à d'autres acteurs de la coopération. En particulier, notre dispositif de formation professionnelle à l'étranger est particulièrement faible car l'offre française, potentiellement abondante, y est désordonnée et le fait d'acteurs de faible envergure et essentiellement étatiques. Il faudrait concentrer les moyens, mieux coordonner les initiatives privées et publiques, s'appuyer plus largement sur les organisations professionnelles, notamment les chambres de commerce et d'industrie, et encourager une coopération au niveau européen entre organismes de formation, pouvoirs publics et entreprises. Enfin, il devrait être possible de permettre aux salariés qui le désirent, de participer à des missions de coopération gouvernementale ou non gouvernementale sans devoir démissionner.
              • La coopération multilatérale
  1. Pour renforcer la capacité de la France de peser sur les choix des politiques de coopération internationale, le Haut Conseil préconise une pratique plus volontaire des fonds fiduciaires, une mobilisation plus forte de hauts fonctionnaires sous utilisés et des ressources humaines non gouvernementales. Il préconise surtout un fort appui gouvernemental aux centres de recherche pour participer pleinement aux réseaux internationaux où s'élaborent les idées et les propositions de portée internationale (comme savent si bien le faire les Britanniques).
              • La formation et la capitalisation
  1. Les filières de formation consacrées au développement international - pris dans son sens le plus large - sont nombreuses en France. Le HCCI recommande qu'elles demeurent largement ouvertes à des métiers qui puissent s'exercer indifféremment en Europe et en expatriation, plutôt que d'encourager des filières totalement spécialisées.
  2. L'intégration de ces filières au sein des Espaces européens de l'Enseignement Supérieur et de la recherche est une nécessité, si tant est que les enjeux se situent chaque jour davantage au niveau de l'Union et que l'aide au développement est devenue une priorité malheureusement trop faible pour être traitée de façon indépendante dans chacun des pays de l'Union. Tout système de formation supérieure qui, en s'appuyant sur le système de crédits européens ECTS, permet d'alterner des séjours dans différents pays européens doit être encouragé, tout comme l'alternance entre des périodes d'enseignement et des périodes pré-professionnelles dans des situations de coopération.
  3. Les formations professionnelles et continues sont dispersées et elles peinent à trouver le juste créneau pour satisfaire à la fois un public hétérogène et le besoin de reconnaissance par le milieu professionnel. Le développement de la formation permanente, au service des personnels de toutes les catégories d'organisations impliquées dans le développement, est un enjeu d'autant plus décisif que la solidarité n'est plus, aujourd'hui, une exclusivité de professionnels du sujet. Les filières à soutenir doivent être académiquement diplômantes et être conçues pour valoriser les acquis de l'expérience professionnelle, comme la loi de modernisation sociale les y autorise.
  4. L'importance des fonctions de capitalisation et de valorisation des expériences pour le renouvellement des stratégies et des méthodes d'intervention est perçue comme une priorité par l'ensemble des acteurs de la coopération. En dépit de la modestie de moyens mis au service de la solidarité, l'exemple britannique montre bien qu'il est possible de peser significativement dans le débat international dès lors qu'un dispositif cohérent est organisé pour assurer les fonctions conjointes de capitalisation, valorisation et communication des expériences.
  5. A ce titre, les compétences professionnelles (qu'elles soient publiques ou privées) mobilisées pour la coopération au développement devraient toujours être accompagnées dans leur exercice, techniquement et méthodologiquement. Il est essentiel d'intégrer les coopérants techniques - publics ou privés, du Nord et du Sud - dans des réseaux, communautés de travail et de pensée indépendante de leur rattachement institutionnel et hiérarchique. Il s'agit de stimuler la production de références, de valoriser l'information et d'offrir une fonction de base arrière thématique et de formation permanente sur les principaux champs de la coopération. La consolidation et la reconnaissance de ces espaces de réflexion, de débats destinés à une capitalisation mutualisée et aux échanges interprofessionnels devrait être une priorité de l'Etat mais à promouvoir selon le principe d'une gouvernance mixte. Le problème pour de tels réseaux et dispositifs est de leur donner des moyens et un adossement institutionnel leur permettant d'éviter la précarité, l'artisanat, voire une quasi clandestinité ou – à l'inverse – une tutelle excessive de la puissance publique.
  6. Comme pour la gestion des ressources humaines, beaucoup pensent qu'une "Agence de coopération" agissant avec souplesse et professionnalisme, serait la meilleure formule pour organiser des réponses cohérentes à ces questions. Cette agence pourrait, par des délégations, s'appuyer sur les lieux existants montrant des capacités particulières d'animation et un avantage comparatif pour organiser des travaux transversaux mobilisant l'éventail d'acteurs le plus large qui soit. Selon les thèmes et/ou les pays, ces lieux pourraient être une association spécialisée, un EPST ou un EPIC, ou encore un laboratoire universitaire.
              • Pour une réforme d'ensemble
  1. La réforme du dispositif d'assistance technique, tel que présenté au CICID et approuvé par celui ci en février 2002, est parfois présentée comme clôturant la réforme engagée en 1998. Le Haut Conseil de la Coopération Internationale se félicite des avancées qu'il permet d'entrevoir (en particulier pour la gestion des missions de moyenne durée), mais souligne qu'il ne fait que colmater les failles les plus visibles de notre système actuel, et ne dispense nullement d'une modernisation véritable – c'est à dire politiquede celui-ci.
  2. La vraie réforme, celle qui reste attendue par de nombreux acteurs, sera :
  1. L'application de ces principes conduit à la proposition d'externaliser la mise en œuvre de la coopération technique en la confiant à une "agence". Cette proposition aussi souvent évoquée que repoussée doit être soigneusement instruite parce qu'elle dépend de considérations – à maints égards radicalement nouvelles  – qui intéresse l'ensemble de la coopération de la France et pas seulement la coopération technique. Elle doit l'être aussi parce que sous ce terme d'agence, bien des formules institutionnelles sont possibles.