Décret n° 73-321 du 15 mars 1973 portant fixation, en ce qui concerne les fonctionnaires de l'État et des établissements publics de État et les magistrats de l'ordre judiciaire, des modalités d'application des dispositions de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'États étrangers.
(Journal officiel du 22 mars 1973).
Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier Ministre, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'économie et des finances.
Vu la loi N° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès États étrangers, et notamment son article 6;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ensemble le décret n° 58-1277 du 22 décembre 1958 portant règlement d'administration publique pour l'application de ladite ordonnance;
Vu l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires, ensemble les décrets n° 59-308, 59-309 et 59-310 du 14 février 1959 portant règlement d'administration publique pour l'application de ladite ordonnance et relatifs aux conditions générales de notation et d'avancement des fonctionnaires, au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires et à certaines modalités de cessation de fonctions, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics, à l'organisation des comités médicaux et au régime des congés des fonctionnaires;
Vu le décret n° 61-421 du 2 mai 1961 portant règlement d'administration publique pour la fixation de certaines dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires de État et aux magistrats de l'ordre judiciaire détachés hors du territoire européen de la France pour l'accomplissement d'une tâche de coopération technique ou culturelle;
Vu les décrets n° 72-580, 72-581 et 72-582 du 4 juillet 1972 relatifs aux statuts particuliers des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, des professeurs certifié et des chargés d'enseignement ;
Vu l'avant dernier alinéa de l'article 21 du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963;
Le Conseil État (Section des Finances) entendu,
Décrète:
Article 1er
Les fonctionnaires de État et des établissements publics de État et les magistrats de l'ordre judiciaire appelés à servir hors du territoire français pour accomplir une mission de coopération culturelle, scientifique ou technique auprès d'un État étranger sont placés en position de détachement lorsque cette mission excède six mois, sous réserve des dispositions applicables dans certaines affectations aux fonctionnaires appartenant aux corps des enseignements supérieurs et visées par l'article 5 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972.
Ils demeurent en position d'activité avec ordre de mission si cette durée est inférieure à six mois.
Ils restent soumis pendant la durée de leur mission aux dispositions statutaires régissant leurs corps en ce qu'elles ne sont pas contraire aux dispositions de la loi du 13 juillet 1972 susvisée et des décrets pris pour son application.
Article 2.
Le détachement est prononcé, sur la demande du fonctionnaire ou du magistrat, auprès du ministre responsable de la coopération.
L'effectif des fonctionnaires détachés dans les conditions du présent article n'est pas pris en compte pour l'application de l'article 31 du décret n° 59-309 du 14 février 1959 susvisé.
Article 3.
Les fonctionnaires et magistrats visés à l'article I, lalinéa 11 ci dessus, sont soumis à des visites médicales constatant leur aptitude physique au service hors du territoire européen de la France. Des arrêtés conjoints du Premier Ministre, du ministre de la santé publique et des ministres intéressés définissent les conditions de cette aptitude physique et l'organisation de ces visites.
Article 4.
Les fonctionnaires régis par le présent décret sont, à l'expiration de leur détachement, immédiatement réintégrés dans leur corps d'origine et, le cas échéant, en surnombre, nonobstant les dispositions du premier alinéa in fine de l'article 12 du décret susvisé n° 59-309 du 14 février 1959.
Sauf en ce qui concerne les emplois à la discrétion du Gouvernement, ces fonctionnaires bénéficient alors d'une priorité d'affectation au poste qu'ils occupaient avant leur détachement si ce poste est vacant. A défaut, ils bénéficient d'une priorité d'affectation à un poste vacant de leur choix correspondant à leur grade, sauf nécessité du service.
Article 5.
Les sanctions prises à l'encontre des fonctionnaires et magistrats visés à l'article 1er, alinéa 1, ci-dessus, par l'État sous l'autorité duquel ils accomplissent la mission de coopération, nentraînent aucune conséquence obligatoire en matière disciplinaire au regard du statut de leur corps d'origine,
Article 6.
La notation des fonctionnaires visés à l'article 1er, alinéa 1, ci dessus, est effectuée par le ministre auprès duquel ils sont en position de détachement, dans les conditions prévues aux articles 15 et 16 du décret n° 59-309 du 14 février 1959 susvisé.
Toutefois, en ce qui concerne les personnels enseignants détachés, lorsqu'ils exercent des fonctions d'enseignement et lorsque les statuts particuliers régissant leurs corps d'origine prévoient l'attribution d'une note administrative, les dispositions de l'alinéa ci. dessus ne sont applicables qu'à cette notation.
Article 7.
La notation des magistrats exerçant des fonctions judiciaires ainsi que leur présentation en vue du tableau d'avancement ou des listes d'aptitude sont assurées dans chaque État, respectivement par le magistrat du siège ou du parquet le plus ancien dans le grade le plus élevé de la hiérarchie du corps judiciaire définie par l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée.
Le ministre auprès duquel les magistrats sont détachés transmet ces éléments avec son avis au ministre de la justice. Il lui fait également parvenir les appréciations formulées par les autorités dont relèvent les emplois occupés par les magistrats.
Article 8.
La quantité des majorations d'ancienneté instituées par l'article 6 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée est fixée au quart du temps effectivement passé hors du territoire français en mission de coopération. Les périodes de congés n'entrent pas en compte dans le temps précité.
Le total cumulé des majorations ainsi attribuées ne peut excéder dix-huit mois.
Aucune majoration n'est accordée si le temps passé effectivement hors du territoire français est inférieur à six mois.
Article 9.
Pour l'application de l'article 6, alinéa 2 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée, les fonctionnaires visés à l'article 1er, alinéa 1, ci-dessus, bénéficient en fonction de leur notation établie en vertu de l'article 6 ci-dessus, de leurs droits à l'avancement dans leur corps d'origine selon les dispositions ci-après.
Leur inscription au tableau d'avancement peut intervenir en dehors de la limite fixée à l'article 18 du décret n° 59-308 du 14 février 1959 susvisé.
Le temps de service accompli en mission de coopération est assimilé au temps de service effectif passé dans certaines positions ou affectations requises, en vertu des dispositions statutaires du corps d'origine, pour bénéficier d'un avancement au choix.
La proportion des fonctionnaires qui, accomplissant une mission de coopération et réunissant les conditions pour être inscrits à un tableau d'avancement de grade, bénéficient de cet avancement, ne peut, à notation équivalente, être inférieure à la proportion de ceux qui, titulaires du même grade, en fonction dans l'administration d'origine et réunissant les mêmes conditions, ont obtenu cet avancement.
L'intéressé qui est l'objet, dans les conditions précitées, d'un avancement de grade peut, à la demande du ministre chargé de la coopération, pour bénéficier des droits attachés à son nouveau grade tout en poursuivant sa mission de coopération, ne pas être soumis à l'obligation de rejoindre l'emploi au titre duquel il a été promu.
Les pourcentages fixés par les dispositions statutaires particulières réglant les avancements d'échelon des personnels enseignants ne sont pas applicables aux fonctionnaires régis par le présent décret.
Article 10.
Un représentant du ministre auprès duquel les fonctionnaires visés à l'article 1er, alinéa 1, ci-dessus, sont placés en position de détachement participe de plein droit, avec voix consultative, aux travaux des commissions administratives paritaires appelées à émettre un avis sur les tableaux d'avancement auxquels les intéressés peuvent prétendre à être inscrits. A cet effet, ce ministre reçoit, en temps utile, communication des documents fournis aux membres des commissions paritaires et des dispositions envisagées en faveur des fonctionnaires accomplissant une mission de coopération.
Article 11.
Les fonctionnaires et magistrats visés à l'article 1er, alinéa 1, du présent décret, lorsqu'ils ont été reconnus inaptes à la reprise de leurs fonctions au terme du congé pour maladie ou accident dont ils ont pu bénéficier au titre du régime applicable à l'emploi occupé ou ont sollicité à bon droit le bénéfice de l'article 40 du décret susvisé n° 59-310 du 14 février 1959, sont réintégrés dans leur corps d'origine dans les conditions prévues à l'article 4 ci-dessus ou, en ce qui concerne les magistrats, selon les modalités particulières qui leur sont applicables. Déduction faite des avantages reçus dans leur emploi de détachement, ils bénéficient, le cas échéant, des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée prévus par la réglementation française qui leur est applicable.
Ils ont droit dans les conditions prévues à l'article 36 12°, alinéa 4, de 1'ordonnance susvisée du 4 février 1959 et aux textes pris pour son application, au rembourse. ment des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie si celle ci provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
Article 12.
Les fonctionnaires et magistrats en position de détachement peuvent, selon les nécessités du service, être placés en instance d'affectation pour une durée maximum de trois mois pendant la période comprise entre la date d'effet de leur détachement et le début effectif de la mission de coopération qui leur est confiée ou à l'issue de leur mission de coopération si celle-ci s'achève avant la fin de leur détachement et s'il doit être fait appel à eux pour l'accomplissement d'une nouvelle mission de coopération.
La durée de l'instance d'affectation pourra à titre exceptionnel être prolongée au delà de la durée maximum prévue au premier alinéa du présent article, par décision conjointe du ministre responsable de la coopération et du ministre de l'économie et des finances.
Article 13.
Les fonctionnaires et magistrats visés à l'article 1er, alinéa 1 ci-dessus, peuvent, dans le cadre de la mission qui leur est assignée être tenus de participer à des stages de formation ou de perfectionnement organisés par les services chargés de la coopération.
La durée de ces stages ne peut excéder trois mois ; elle peut se cumuler, le cas échéant avec la période d'instance d'affectation visée à l'article 12 ci-dessus.
Des stages de spécialisation de plus longue durée peuvent en outre être organisés par les services chargés de la coopération, sous réserve que les agents appelés à y participer s'engagent à accomplir, à l'issue de leur stage, les missions de coopération qui leur seront fixées pendant une période au moins égale à cinq fois la durée du stage.
Article 14.
Le décret n° 61-421 du 2 mai 1961 susvisé, à l'exception des dispositions prévues en matière de sécurité sociale par son article 16, cesse être applicable aux fonctionnaires et magistrats régis par le présent décret.
Article 15.
Le Premier Ministre, le Garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'éducation nationale, le secrétaire État auprès du Premier Ministre chargé de la fonction publique et des services de l'information et le secrétaire État auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération, et le secrétaire État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 15 mars 1973.
Georges POMPIDOU.
Par le Président de la République:
Le Premier Ministre,
Pierre MESSMER.Le ministre des affaires étrangères,
Maurice SCHUMANN.Le Garde des sceaux ministre de la justice,
René PLEVEN.Le ministre de l'économie et des finances,
Valéry GISCARD D'ESTAING.Le ministre de l'éducation nationale,
Joseph FONTANET.Le secrétaire État auprès du Premier Ministre, chargé de la fonction publique et des services de l'information,
Philippe MALAUD.Le secrétaire État auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération,
Pierre BILLECOCQ.Le secrétaire État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget,
Jean TAITTINGER.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Relativement ancienne dans le domaine culturel, la coopération a pris au cours des dix dernières années une extension nouvelle, à la suite, d'une part de l'accession de nombreux pays à l'indépendance, d'autre part du développement technologique et scientifique qui transforme déjà profondément les rapports de coopération entre États essaimant progressivement dans les diverses régions du globe, couvrant à peu près tous les domaines et faisant appel à des cadres de qualification sans cesse plus élevée, la coopération culturelle, scientifique et technique constitue désormais un élément important et dynamique de notre politique étrangère.
Les actions de coopération, quelle que soit la forme qu'elles puissent revêtir, reposent pour une grande part sur un concours direct en personnel aux États qui en font la demande. C'est ainsi qu'à la suite du développement de notre politique de coopération, plus de 40 000 nationaux sont actuellement mis à la disposition d'États étrangers. Ces agents accomplissent pour le compte de ces États et au nom de la France des tâches de coopération culturelle, scientifique et technique, dans tous les domaines des activités humaines et à tous les niveaux de qualification. Ainsi s'est créée une responsabilité nouvelle de l'État qui présente le caractère d'une véritable mission de service public.
Pour l'accomplissement des tâches de coopération de caractère civil, il est fait appel soit à des fonctionnaires, des magistrats ou des militaires placés en position hors cadre, soit encore à des personnes n'ayant aucun lien avec la fonction publique et plus récemment dans le cadre du service national, à des appelés du contingent. Seuls ces derniers bénéficient d'un véritable statut pour l'accomplissement de leur mission, défini par la loi n° 66-479 du 6 juillet 1966 dont les dispositions sont reprises dans le code du service national La seule disposition légitime en ce qui concerne les fonctionnaires de État est limitée à l'article 6 du statut général des fonctionnaires qui donne au Gouvernement la possibilité de faire appel à leur concours pour l'accomplissement d'une tâche de coopération technique ». En outre, un décret n° 61-421 du 2 mai 1961 visant les articles 6 et 41 du statut général a fixé « certaines dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires de État et aux magistrats de l'ordre judiciaire détachés pour l'accomplissement d'une tâche de coopération technique ou culturelle. Ce dernier texte ne comporte qu'un certain nombre de dispositions permettant d'adapter la situation statutaire du fonctionnaire détaché aux conditions juridiques nouvelles créées par la disparition des anciens corps de fonctionnaires spéciaux à l'outre-mer et la position de service dans un État étranger.
La permanence de nos actions de coopération et l'ampleur prise par celles-ci conduisent aujourd'hui à définir par la voie législative les principes généraux dans le cadre desquels doivent s'accomplir les tâches de coopération et à préciser les obligations et les garanties des personnels fonctionnaires et non fonctionnaires qui y consacrent une partie de leur vie professionnelle. Compte tenu de l'expérience acquise au cours des dix dernières années, il apparaît d'ailleurs de plus en plus nécessaire de remplacer les pratiques actuellement applicables à ces personnels par des règles les garantissant efficacement contre les risques particuliers du service en coopération. Ainsi pourront être encouragées les candidatures, permettant de maintenir un recrutement satisfaisant dans l'intérêt même de la France.
Pour que ce recrutement atteigne le niveau souhaitable, sa réglementation doit respecter trois principes essentiels:
- il s'agit d'un volontariat. Les conditions offertes aux candidats éventuels doivent donc être suffisamment attrayantes pour attirer l'effectif correspondant aux besoins tant en qualité qu'en quantité ;
- les besoins exprimés par les services responsables de notre coopération avec l'étranger doivent être satisfaits par les administrations de État sans toutefois mettre en cause le fonctionnement interne de celles ci ;
- il ne peut s'agir que d'emplois temporaires pour une tâche bien définie et d'une durée limitée. Aussi est-il indispensable d'assurer dans de bonnes conditions la réinsertion dans les structures métropolitaines du personnel qui accepte de s'y consacrer en garantissant aux fonctionnaires un déroulement normal de leur carrière et aux non-fonctionnaires les mêmes avantages qu'aux agents non-titulaires de l'État.
Tel est l'objet du présent projet de loi par lequel le Gouvernement entend marquer l'importance qu'il attache à la politique de coopération, non seulement à l'égard des nationaux qui acceptent d'y participer d'une manière active, mais également à l'égard des diverses administrations de l'État qui doivent apporter, sans réticence, leur concours dans la mise en uvre de cette politique.