RAPPORT D’INFORMATION
déposé
en application de l’article 145 du règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES,
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
en conclusion des travaux de la
Mission d’évaluation et de contrôle (MEC)
sur l’enseignement français à l’étranger
et présenté
par MM. Jean-François Mancel, André Schneider et Hervé Féron,
députés

Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 30 juin 2010.

ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L’ÉTRANGER :
LES PROPOSITIONS DE LA mission d’évaluation et de contrôle
de l'Assemblée nationale

(30 juin 2010)

Proposition n° 1 : Suspendre le dispositif de prise en charge

Suspendre le dispositif de prise en charge au profit d’un mécanisme de bourses. Instituer, de façon différenciée selon un barème établi par pays de résidence, un plafond quant aux droits d’écolage pris en charge.

Proposition n° 2 : Opérer un triple recalibrage budgétaire

1) Recalibrer la dotation budgétaire à due concurrence de la charge que représentent les transferts immobiliers opérés au profit de l’AEFE ;
2) Compenser intégralement la contribution de l’AEFE au compte d’affectation spéciale des pensions par une dotation budgétaire équivalente ;
3) Assurer à l’AEFE un fonds de roulement équivalent à au moins 30 jours de fonctionnement, en ajustant le cas échéant sa dotation budgétaire.

Proposition n° 3 : Ouvrir l’éventail des partenariats et des financements

1) Étudier la possibilité de mobiliser le mécénat en faveur de l’enseignement français à l’étranger. À cette fin, identifier les évolutions législatives et réglementaires nécessaires pour permettre un tel recours au mécénat.
2) Favoriser et développer les démarches de projet avec les collectivités territoriales.
3) Instituer, au profit de l’AEFE, un prélèvement assis sur le chiffre d’affaires des établissements homologués au titre de l’utilisation par ceux-ci de la « marque France ». À tout le moins, sanctuariser sur ce fondement une partie des sommes déjà acquittées par ceux-ci.
4) Analyser les réglementations locales et systématiser les démarches entreprises auprès des autorités locales de tous niveaux afin d’identifier les contributions financières pouvant être versées par celles-ci à notre réseau.
5) Obtenir, chaque fois que cela est possible au regard des réglementations locales, l’accréditation ouvrant droit, le cas échéant, à l’obtention de subventions publiques de la part des autorités publiques locales concernées.

Proposition n° 4 : Améliorer la visibilité des financements et des comptes

1) Élaborer, pour chaque pays, une grille de tarification formalisée au sein d’un plan pluriannuel.
2) Encadrer les droits d’écolage en déterminant les possibilités de modulation de ceux-ci en fonction du niveau de richesse de chaque pays.
3) Améliorer la présentation des comptes de l’AEFE et des établissements du réseau pour davantage de clarté et de sincérité.

Proposition n° 5 : Adapter le réseau aux besoins nouveaux : de la carte prospective du réseau aux chartes d’établissement

1) Établir une cartographie de nature prospective du réseau reposant notamment sur les besoins identifiés à moyen-long terme, évalués notamment en fonction de la présence des expatriés français, des entreprises françaises, des besoins de scolarisation des familles locales, des intérêts diplomatiques de la France dans chaque zone considérée et de l’importance des échanges culturels et commerciaux entre la France et chaque pays considéré.
2) S’appuyer sur la cartographique prospective du réseau pour établir et mener la politique de rénovation/implantation des établissements et déterminer le statut le plus adapté aux circonstances et réalités locales.
3) Généraliser les chartes d’établissement précisant les droits et devoirs attachés au statut d’établissement homologué.
4) Renforcer le contrôle de ces établissements avec la possibilité de déchéance du statut le cas échéant.

Proposition n° 6 : Mettre en oeuvre une stratégie de l’immobilier à l’étranger

1) Établir un diagnostic complet et précis du parc immobilier : son étendue, son état, ses coûts (fonctionnement et investissement), l’état des besoins en termes de réhabilitation et de développement etc.
2) Établir, sur la base du diagnostic immobilier, un plan pluriannuel de mise aux normes des établissements avec hiérarchisation des priorités en fonction de l’urgence des opérations de réhabilitation à réaliser.
3) Instituer un moratoire sur les transferts de gestion immobilière à l’AEFE jusqu’à établissement du diagnostic et du plan de mise aux normes.
4) Étudier avec le ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État la possibilité de renforcer les capacités d’emprunt de l’AEFE notamment dans leur montant et dans leur durée.
5) Négocier avec les autorités locales la rétrocession de sites occupés en jouissance et aisément valorisables en échange de relocalisations financées par leurs soins.
6) Développer l’expertise immobilière de l’AEFE. Renforcer sa division immobilière. Impliquer la future Agence foncière de l’État à l’étranger en permettant la mise à disposition de ses ressources humaines et techniques. Dans cette optique, formaliser les relations entre l’AEFE et la future Agence par la signature d’une convention.

Proposition n° 7 : Enrichir les outils et les contenus pédagogiques

1) Développer l’homologation des établissements locaux. Encadrer la procédure, notamment en subordonnant l’obtention de ce statut à l’acceptation par l’établissement d’un contenu et de techniques pédagogiques spécifiques. Instituer des contrôles en partenariat avec les inspections locales pouvant aboutir, le cas échéant, au retrait de l’homologation.
2) Étendre les conventions particulières avec le Cned au plus grand nombre d’établissements du réseau AEFE. Développer les actions de communication et de promotion du Cned à l’étranger.
3) Renforcer les partenariats entre l’Audiovisuel extérieur de la France, le ministère de l’Éducation nationale et l’AEFE afin d’adapter et de développer l’offre éducative audiovisuelle à la demande.

Proposition n° 8 : Clarifier le partage des rôles

1) La direction exercée par le ministère des Affaires étrangères et européennes en matière de politique d’influence doit se manifester par la définition d’une offre éducative d’ensemble cohérente, attractive et reconnue, qui prévoit la coordination et l’articulation des activités des différents acteurs de l’enseignement français à l’étranger.
2) Le ministère de l’Éducation nationale doit assurer l’évaluation et la certification du système éducatif français à l’étranger, comme il en a la charge en France. L’implication des académies situées dans l’aire géographique des établissements doit être améliorée. Le ministère de l’Éducation nationale doit également veiller à la qualité du recrutement et à l’évaluation des enseignants.
3) Le renforcement de l’autonomie des établissements en gestion directe de l’AEFE doit être envisagé avec prudence.

Proposition n° 9 : Professionnaliser

1) Sans méconnaître la diversité des situations locales, ne pas laisser descendre sous un seuil minimal la proportion de titulaires de l’Éducation nationale (expatriés ou résidents), afin que la mixité de l’équipe pédagogique permette d’assurer la qualité et la diversité de l’enseignement.
2) La professionnalisation des cadres administratifs et des enseignants doit être améliorée aussi bien en ce qui concerne les recrutements que la formation. Sur le premier point, il convient de mettre en place pour les expatriés des procédures plus rigoureuses permettant de mieux évaluer les aptitudes professionnelles et le niveau en langue étrangère des candidats. L’amélioration de la formation professionnelle doit être effective, mais au moindre coût, ce qui conduit à préconiser le développement de formations sur place.
3) Le développement de l’enseignement bilingue, dans le cadre des systèmes scolaires étrangers comme au sein de l’enseignement français à l’étranger, doit continuer à faire l’objet d’efforts budgétaires spécifiques.
4) Les réseaux de l’enseignement français à l’étranger doivent développer des structures d’enseignement technique et rechercher des financements dans le cadre de l’aide au développement.
5) Améliorer le chaînage entre enseignement secondaire et enseignement supérieur en développant une politique d’orientation efficace en liaison avec le nouvel opérateur de la mobilité internationale.


RAPPORT COMPLET

Fichier PDF du Rapport (version de travail)

SOMMAIRE


INTRODUCTION


I.– ÉTAT DES LIEUX DE L’ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L’ÉTRANGER

A.– DES ACTEURS MULTIPLES

B.– UN RÉSEAU UNIQUE AU MONDE

1.– L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger

2.– La Mission laïque française

3.– L’Alliance israélite universelle

C.– LES DÉFIS À RELEVER

1.– Les orientations générales

2.– Les contraintes


II.– ASSURER AU RÉSEAU UN ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE VIABLE

A.– LA PRISE EN CHARGE DES DROITS D’ÉCOLAGE : LES COÛTS DE LA « GRATUITÉ »

1.– Le dispositif de prise en charge : principes

2.– Un coût juridique qui n’est pas à écarter : le risque d’une contradiction avec le droit communautaire

3.– Un coût financier exponentiel et difficilement maîtrisable

a) Une « gratuité » à 700 millions d’euros à terme ?

b) Des mesures de régulation qui ne sont pas à la hauteur de l’enjeu financier

4.– Un coût politique et social : effets d’éviction, effets d’aubaine et inéquités

a) Un effet d’éviction des élèves locaux, garants de l’équilibre économique du réseau et porte-voix de la culture française

b) Un potentiel effet d’aubaine pour les entreprises : la transformation d’une charge privée en charge publique

c) Des inéquités entre expatriés

B.– DES CHARGES DE PLUS EN PLUS LOURDES ET NON COMPENSÉES

1.– Immobilier : des transferts de gestion coûteux

2.– Les contributions aux pensions des fonctionnaires détachés : une nouvelle responsabilité

3.– Un fonds de roulement insuffisant à l’acquittement des missions de l’AEFE

C.– LE FINANCEMENT DU RÉSEAU : STABILISER ET CONSOLIDER LES RESSOURCES, CLARIFIER LES COMPTES

1.– Explorer et développer de nouvelles voies de financement

a) Le recours au mécénat

b) Valoriser la « marque France »

c) Mobiliser nos partenaires au niveau local

2.– Pour une double clarification des financements

a) Encadrer l’évolution des droits d’écolage pour plus de visibilité

b) Améliorer la présentation des comptes pour plus de clarté et de sincérité


III.– ADAPTER L’OFFRE AUX DEMANDES DANS UN CADRE BUDGÉTAIRE CONTRAINT

A.– DÉTERMINER UNE STRATÉGIE CLAIRE D’ÉVOLUTION DU RÉSEAU

1.– Identifier les besoins à moyen-long terme

2.– Assurer la cohérence d’un futur plan de développement de l’enseignement français à l’étranger

B.– DÉSAMORCER LA BOMBE À RETARDEMENT IMMOBILIÈRE

1.– Établir un diagnostic précis du parc immobilier et définir un plan d’investissement pluriannuel cohérent

2.– Dégager les marges de manoeuvre financières nécessaires

3.– Développer l’expertise immobilière de l’AEFE

C.– IMAGINER DES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT ORIGINALES

1.– Renforcer la coopération avec les autorités et systèmes d’enseignement locaux : pour de nouveaux modes de présence scolaire de la France à l’étranger

2.– Mobiliser plus efficacement les partenaires de l’enseignement français à l’étranger

a) Renforcer le partenariat avec le Cned et valoriser son action

b) Tirer parti de toutes les potentialités de l’Audiovisuel extérieur de la France


IV.– QUEL RÉSEAU POUR QUELLES MISSIONS ?

A.– QUELLE GOUVERNANCE ?

1.– Sous la direction du ministère des Affaires étrangères, la coordination entre les multiples acteurs doit progresser

2.– Le rôle du ministère de l’Éducation nationale doit être renforcé

3.– Vers une plus grande autonomie des établissements ?

B.– RENFORCER L’ACCOMPLISSEMENT DES MISSIONS ÉDUCATIVES

1.– Un réseau à évaluer

2.– Une politique de gestion des enseignants à mettre en oeuvre

a) La proportion de titulaires

b) La formation et la professionnalisation des enseignants

3.– Répondre aux demandes des pays hôtes

a) L’enseignement bilingue : un impératif dans les pays anglophones

b) Le développement d’un enseignement professionnel

4.– Assurer un meilleur chaînage avec l’enseignement supérieur français

C.– L’AVENIR DU RÉSEAU : AU-DELÀ DES ASPECTS BUDGÉTAIRES, UNE QUESTION AVANT TOUT POLITIQUE 

Depuis une quinzaine d’années, le Quai d’Orsay connaît une contrainte sérieuse sur ses crédits. Les perspectives budgétaires triennales pour 2009-2011 ne constituent donc ni un changement de cap ni une surprise. L’enjeu est tout autre : pour accomplir ses missions régaliennes et maintenir, voire renforcer la place de la France dans le monde, le ministère doit s’adapter, et procéder à une forme de mutation culturelle. C’est une ambitieuse politique de modernisation qui accompagne la mise en .oeuvre de la RGPP et qui affecte l’enseignement français à l’étranger.

Les mesures préconisées par le présent rapport sont souvent coûteuses, toutefois elles ne recouvrent pas nécessairement des dépenses nouvelles mais s’analysent davantage comme les investissements nécessaires au fonctionnement normal du réseau : il s’agit de la remise à niveau minimale de l’immobilier, de la compensation des charges de pensions, du maintien d’une proportion raisonnable de titulaires, du développement de l’enseignement technique, de la mise en .oeuvre d’une évaluation réelle et efficace.

En même temps, plusieurs propositions vont dans le sens des économies budgétaires comme la réorientation du réseau dans le sens de l’homologation, la labellisation de structures étrangères, et surtout la suspension de la PEC.

Pour le reste, si les recettes supplémentaires évoquées sont incertaines et pourraient seulement constituer des ressources d’appoint, leur valorisation doit être activement recherchée : le développement du mécénat, la mobilisation des collectivités territoriales, celle des entreprises, celle des partenaires étrangers. Les autres recettes directes de l’AEFE, quant à elles, sont aléatoires et non extensibles (recours à l’emprunt par exemple). Elles peuvent néanmoins permettre de dégager des marges de man.oeuvre, fussent-elles modestes. Tous les leviers possibles doivent être actionnés, même si des questionnements demeurent. La pratique d’une tarification au coût réel est-elle réaliste, alors que les droits d’écolages connaissent déjà, depuis plusieurs années, des augmentations très considérables ? Le recours accru à l’autofinancement, c'est-à-dire à l’accroissement des frais de scolarité, a pour effet d’exclure les élèves étrangers, et les conduit à s’adresser aux établissements concurrents.

Toutefois, au-delà de contraintes budgétaires réelles et aggravées par un contexte économique morose, il convient d’opérer un choix politique clair quant à l’avenir de notre réseau et d’en tirer toutes les conséquences, en utilisant de la manière la plus efficiente possible des moyens budgétaires qui ne sont pas extensibles.

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ANNEXES