SESSION PLENIERE
DES JOURNEES DU RESEAU Français
DE COOPERATION ET D'ACTION CULTURELLE
A L'ETRANGER


ALLOCUTION DU MINISTRE DELEGUE
A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE,
M. PIERRE-ANDRE WILTZER

(Paris, 17 juillet 2003)

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous rejoindre après deux lourdes journées consacrées à animer les conférences internationales qui viennent de se tenir à Paris sur la lutte contre le sida.

Il me revient maintenant de clôturer les "Journées de la coopération internationale et du développement". Elles ont été riches en réflexion et en débats. Elles vous ont permis, à vous qui travaillez dans des pays et sur des continents différents, de vous retrouver et d'échanger vos expériences.

Le ministre des Affaires étrangères vous a exposé la stratégie dans laquelle s'inscrit la coopération internationale de la France. Je voudrais, pour ma part, dresser un premier bilan de l'année écoulée et tracer des perspectives. Mais auparavant, je veux vous adresser, ainsi qu'à tous ceux qui travaillent dans notre dispositif, deux messages.

D'abord, un message d'encouragement personnel.

La mission que vous accomplissez à l'étranger ou à l'administration centrale, est essentielle. On vous l'a déjà dit mais je le répète car c'est une réalité que les habitudes quotidiennes risquent parfois de faire oublier. Or, j'ai observé, au cours des 42 voyages que j'ai effectués en un an, combien nos partenaires sont attentifs à ce que vous dites et à ce que vous faites. C'est encourageant et flatteur mais cela crée aussi, vous le savez, des obligations.

Le second message que je souhaite vous adresser est un message de lucidité mais aussi d'optimisme.

Voilà un an, j'annonçais dans le droit fil des déclarations du président de la République et du gouvernement que pour relever le défi de la fracture mondiale, un effort vigoureux de relance de la coopération internationale française était nécessaire. Et je définissais une feuille de route, sous forme d'un programme en dix points, traçant les priorités de notre action à venir. Cet effort de relance, malgré une conjoncture budgétaire très contraignante, est en cours, même si l'on n'en mesure pas encore tous les effets. Permettez-moi de dresser avec vous un bilan d'étape. Vous constaterez que, sur chacun des dix points fixés, des initiatives ont été engagées et certains progrès peuvent être constatés.

1. Augmenter le volume de notre Aide publique au développement

Nous avons pris un engagement : porter le taux d'APD à 0,5 % du PIB en 2007 puis à 0,7 % en 2012. Ce cap est tenu, même si je n'ignore pas les difficultés actuelles liées aux régulations budgétaires. J'y reviendrai.

Pour l'année 2002, notre taux devrait être de 0,37 %, pour un montant total de 5,6 Mds d'euros. En 2003, nous devrions être en mesure d'atteindre environ 6,2 Mds, ce qui correspondrait à l'objectif de 0,39 % du PIB retenu lors de l'élaboration de la loi de finances initiale. C'est donc bien une véritable inversion de la tendance à la baisse constatée pendant les années précédentes qui nous met sur la voie des 0,50 % en 2007. Les chiffres que je viens de citer fixent la direction de notre politique jusqu'en 2007.

Dans cette progression de l'APD, la part des annulations de la dette est significative.

J'entends dire ou je lis à ce sujet des critiques surprenantes : je voudrais rappeler tout d'abord que, de tous côtés, des appels en faveur de la réduction ou de la suppression des dettes des pays pauvres se sont multipliés au cours des dernières années, à juste titre d'ailleurs car il est vrai que ces dettes constituent un fardeau de nature à entraver les efforts de développement de ces pays.

Mais on ne peut pas à la fois réclamer les annulations de dettes – qui se traduisent dans nos comptes par des dépenses définitives – et proclamer que cela ne compte pour rien quand ces annulations sont décidées.

En outre et surtout, ces annulations de dettes se traduisent dans la pratique par le transfert sur la réalisation de programmes et de projets concrets des sommes qui auraient été consacrées à des remboursements. C'est facile à démontrer dans le cadre des "contrats de désendettement – développement" (C2D), instrument original mis au point par la France, qui repose précisément sur la mise au point d'un commun accord entre le pays débiteur et nous d'un programme de réaffectation des sommes dues sur des projets identifiés.

C'est également vrai in fine pour les dettes des pays bénéficiant du programme "pays pauvres très endettés (PPTE) puisque les allégements ne sont accordés qu'en contrepartie des documents stratégiques de lutte contre la pauvreté, élaborés par le pays débiteur et approuvés puis suivis par les institutions financières créancières .

Ces annulations de dettes ont donc l'avantage au minimum d'alléger la situation financière des pays endettés et aussi, de plus en plus, de déboucher sur le financement de programmes de développement.

Dans ces conditions, il est difficilement contestable que les annulations de dettes soient comptabilisées par l'OCDE comme de l'aide au développement.

Il n'en demeure pas moins que les autres instruments de l'aide au développement ne doivent pas être mis en péril, car il faut qu'ils restent opérationnels pour assurer le complément de l'aide et prendre la relève des annulations de dettes. Celles-ci, par définition, ont une incidence budgétaire ponctuelle.

Il est donc important d'inscrire notre politique d'aide au développement dans une perspective pluriannuelle, en gardant les yeux fixés sur les objectifs décidés par le président de la République et le gouvernement à l'horizon 2007. Telle est bien notre démarche.

S'agissant de la période que nous traversons actuellement, nous savons qu'elle est marquée par des difficultés budgétaires exceptionnellement lourdes qui découlent de la conjoncture économique internationale et européenne. Pour vous comme pour nous, cette situation est éprouvante, même si nous savons qu'elle ne doit normalement être que temporaire.

Il nous faut effectuer des choix, préserver nos priorités et maintenir en état de marche le cœur de notre dispositif de coopération. Mais ces difficultés conjoncturelles ne doivent pas nous décourager ni, encore moins, décourager nos partenaires.

Nous devons au contraire, dans cet épisode de grandes contraintes budgétaires, garder présent à l'esprit que les objectifs d'accroissement de notre aide sur le moyen terme sont plus que jamais réaffirmés.

2. Rééquilibrer nos efforts en faveur de l'aide bilatérale

Comme vous le savez, au cours de la période récente la part de l'aide bilatérale dans notre APD a fortement baissé (de 78 à 61 % du total). Nous avions décidé, là aussi, d'inverser la tendance. C'est pourquoi son renforcement est en cours.

Ainsi, l'aide bilatérale est repassée à 63 % en 2002 et devrait atteindre 69 % en 2003. Les outils privilégiés de l'aide bilatérale - le Fonds de solidarité prioritaire, les contrats de désendettement et de développement, les financements de l'AFD - doivent faire l'objet de toute notre attention pour nous permettre d'atteindre les objectifs fixés à notre APD, au-delà de l'effort exceptionnel réalisé en 2003 et 2004 dans le domaine de la dette.

3. Accroître notre coopération avec l'Afrique

Le continent africain, plus que tout autre, a besoin de la solidarité internationale. Celle de la France est naturelle car d'innombrables liens nous rattachent à ce continent.

En 2002, la part de l'Afrique dans notre APD bilatérale est passée de 59 à 64 %. Elle devrait se rapprocher de 70 % en 2003. La partie la moins favorisée du continent, au sud du Sahara, bénéficie nettement de ce recentrage : de 39 % en 2001, elle passe à 49 % en 2002 et devrait atteindre 60 % de notre aide bilatérale en 2003.

Cette priorité à l'Afrique n'est pas seulement bilatérale. Dans les enceintes multilatérales, la France plaide avec succès pour que la moitié des crédits d'APD soit consacrée à l'Afrique. C'est par exemple le cas au sein du guichet concessionnel de la Banque mondiale, l'AID. Elle est à l'origine ou partie à de nombreuses initiatives visant à favoriser une meilleure insertion du continent africain dans l'économie internationale.

C'est notamment le sens de " l'initiative commerciale pour l'Afrique " qui a été présentée par le président de la République lors du Sommet Afrique-France à Paris. Enfin, lors de ce même Sommet, comme plus récemment au G8 d'Evian, notre soutien au NEPAD a été réaffirmé et la parole a été donnée à ses représentants pour qu'ils puissent présenter leurs propositions.

4. Substituer le partenariat à l'assistance

Cette transition a débuté voilà quelques années. Nous devons la poursuivre activement. Il faut mieux associer les pays bénéficiaires à la conception et à la mise en œuvre de nos actions. Ce partenariat doit associer la société civile et les pouvoirs publics locaux si nous voulons :

- que nos actions répondent mieux aux besoins réels des populations ;

- que les bénéficiaires soient en mesure de s'approprier les apports de notre coopération ;

- que les receveurs puissent reproduire, sans notre aide, les expériences positives.

Le renforcement du partenariat prend de multiples formes. Quelques exemples :

- les commissions mixtes s'ouvrent aux acteurs non étatiques des deux partenaires ;

- des comités paritaires de suivi de la coopération sont créés (au Niger, au Tchad…) ;

- nos partenaires seront désormais associés aux évaluations périodiques de notre coopération au sein du Comité d'aide au développement de l'OCDE.

Nos nouveaux instruments de coopération s'inspirent de cet esprit de partenariat. Le Contrat de désendettement et de développement (C2D), conclu entre la France et un pays endetté, définit l'utilisation en commun des ressources dégagées par l'annulation de dette. Ses opérations s'intègrent dans les stratégies de réduction de la pauvreté préparées par le pays concerné après une large concertation avec sa société civile.

5. Développer la coopération décentralisée

La valeur ajoutée des collectivités locales françaises, pour notre coopération, est indéniable. Elles disposent de l'expertise nécessaire pour appuyer l'affirmation, au Sud, des libertés locales et renforcer les capacités des administrations décentralisées. Leurs actions sont souvent très visibles pour le citoyen, et plus à même de diffuser dans l'opinion française la grande cause de la solidarité internationale. J'ai lancé en octobre 2002 une consultation de l'ensemble des associations nationales d'élus territoriaux afin de recueillir leurs avis et leurs propositions sur les améliorations à apporter. Les conclusions de cette consultation ont été présentées au Premier ministre en mars 2003, lors de la Commission nationale de Coopération décentralisée. Elles ouvrent de nouvelles pistes concrètes d'action. Ainsi, il a été décidé de privilégier les appuis des collectivités françaises aux jeunes communes urbaines qui sont confrontées - du fait de la croissance démographique et de l'exode rural - à des défis colossaux. Elles indiquent aussi des progrès de méthode. L'échange d'informations entre les élus locaux et l'Etat sera amélioré grâce à un rôle accru de nos ambassades. En février, nous avons transféré aux régions la gestion des crédits du ministère destinés, dans le cadre des contrats de plan Etat-Région, à la coopération décentralisée. Par ailleurs, nous cherchons à sécuriser juridiquement les actions de solidarité internationale des syndicats intercommunaux dans les domaines de l'eau et de l'assainissement : en droit strict ces organisations ne sont pas autorisées actuellement à financer de telles opérations, même si elles le font déjà, pour certaines d'entre elles.

6. Accentuer le partenariat avec la société civile

L'objectif, avec ces acteurs, est le même qu'avec les collectivités territoriales : à savoir accentuer leur présence dans le champ de la coopération internationale et renforcer leur partenariat avec l'Etat.

Avec les associations et les ONG, ma priorité a été l'instauration d'un climat de confiance et de concertation. Je me suis employé à intensifier les échanges, notamment dans le cadre de la préparation du G8. Nous avons discuté de la fiscalité des dons, des relations avec l'Union européenne, des modalités de financement public de leurs actions ou encore des moyens d'inciter les jeunes à s'engager dans le volontariat associatif.

S'agissant du codéveloppement, c'est-à-dire de la création par des personnes immigrées en France d'activités et d'emplois dans leur pays d'origine, nous lui avons donné une nouvelle impulsion avec la nomination, en la personne de M. Christian Connan, d'un ambassadeur délégué au codéveloppement, dont la tâche sera de mieux intégrer le codéveloppement à notre politique de coopération. Nous testons cette démarche avec 4 pays : le Maroc, le Mali, le Sénégal et les Comores. A titre d'exemple, la nouvelle convention qui régit notre coopération avec le Maroc intègre la notion de codéveloppement. Par ailleurs, une concertation est lancée avec plusieurs réseaux bancaires pour définir des modes d'épargne incitatifs.

7. Encourager le volontariat associatif

Le volontariat international, qui a pris la suite du service national, remplit bien ses objectifs pour les services de l'Etat et les entreprises françaises à l'étranger, mais il se révèle mal adapté aux actions de coopération et de solidarité. En outre, il est limité aux moins de 28 ans. Par ailleurs, il existe un peu plus de 2000 volontaires gérés par des associations qui effectuent des missions de solidarité de plus d'un an, généralement au sein d'une structure locale, alors que la ressource potentielle est nettement plus abondante. Enfin, le statut de ces volontaires n'est pas satisfaisant du point de vue juridique.

J'ai donc lancé une concertation avec les associations concernées, à l'issue de laquelle j'ai préparé un projet de loi sur le volontariat de solidarité internationale qui définit un contrat de droit privé entre une association et un volontaire majeur, sans limitation d'âge. Ce texte est en cours d'examen sur le plan interministériel, en vue d'une présentation au Parlement cet automne.

J'espère que ce nouveau cadre permettra un développement de cette forme de volontariat.

8. Renforcer l'expertise française en matière de coopération

La politique française de coopération dispose, avec ses assistants techniques, d'un atout extrêmement précieux. Ce savoir-faire français doit être préservé et renouvelé.

C'est pourquoi la déflation de l'assistance technique, conséquence de la sortie d'une coopération de substitution, a été freinée. Dans le budget initial pour 2003, les crédits réservés à l'assistance technique avaient été stabilisés. Nous avons encore un espoir raisonnable de pouvoir revenir, au moins en partie, sur les régulations qui nous ont été imposées.

Par ailleurs, depuis 2002, une réserve non pré-affectée de crédits d'assistance technique a été créée pour réagir avec souplesse aux besoins en expertise de courte et moyenne durée et prendre en compte le niveau régional. Des pôles régionaux d'expertise sont ainsi créés. Le premier l'a été à Dakar en matière d'éducation. Cette ligne dite "souple" est montée en puissance en 2003 et devrait encore augmenter en 2004.

Enfin, la France dispose depuis le 1er janvier 2003 d'un groupement d'intérêt public, intitulé France Coopération internationale, chargé notamment de valoriser l'expertise française auprès des organisations internationales et de faciliter la mobilisation des experts publics.

9. Améliorer l'efficacité de nos instruments

Si nous devons donner plus, et donner en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, nous devons aussi donner mieux. C'est un objectif général qui doit guider toutes nos actions.

Il impose d'abord de moderniser nos instruments. J'ai déjà évoqué cela avec l'adaptation de l'assistance technique ou l'élaboration d'un instrument spécifique d'annulation de la dette, les "Contrats de désendettement et de développement". D'autres adaptations sont en cours, notamment celle du Fonds de solidarité prioritaire. Cet instrument privilégié de l'aide-projet est ainsi autorisé, depuis mars 2003, à financer l'aide-programme.

L'amélioration de l'efficacité de nos actions passe aussi par une meilleure harmonisation de nos méthodes avec celles des autres bailleurs de fonds. Nous y travaillons activement au sein de l'Union européenne ou du Comité d'aide au développement de l'OCDE.

Enfin, la recherche de l'efficacité passe par l'amélioration des méthodes de travail. Le ministère s'emploie ainsi à renforcer son effort de définition de stratégies, aussi bien par pays en poursuivant le travail d'élaboration des Documents Stratégiques Pays (DSP), que par secteurs en produisant des notes de stratégie sectorielle (eau, énergie…) et que sur les grandes questions transversales comme les biens publics mondiaux, la diversité culturelle, le développement durable, la bonne gouvernance. Il convient également de généraliser la pratique de l'évaluation.

10. Promouvoir la Francophonie et la diversité culturelle

La Francophonie doit être l'un des piliers de notre politique internationale.

Elle constitue l'une des enceintes où le dialogue et la concertation peuvent être approfondis sur des questions aussi sensibles que la sécurité collective, la promotion de la diversité culturelle et de la démocratie, les règles du commerce international ou les modalités du développement durable.

Le mouvement francophone a confirmé, lors du Sommet de Beyrouth, en octobre 2002, son dynamisme. Les positions adoptées, notamment sur le terrorisme, le Proche-Orient et l'Afrique, reflètent largement nos vues.

Les opérateurs de la Francophonie sont des partenaires importants de notre coopération. Le président de la République a décidé l'affectation d'une dotation supplémentaire de 20 M euros pour le Sommet de Beyrouth. Les priorités de ce plan de relance portent sur l'éducation et l'allocation de bourses, le renforcement de la paix et de la démocratie ainsi que sur la promotion du français dans l'Union européenne. J'indique au passage que ce dernier objectif est particulièrement important car c'est en Europe que la bataille pour le français est la plus difficile et donc la plus nécessaire.

Parallèlement, la Francophonie poursuit un processus de réforme de ses instruments et de ses procédures. Une plus grande synergie doit être désormais recherchée entre la coopération multilatérale francophone et notre coopération bilatérale. J'insiste sur ce point, qui répond à une logique budgétaire, mais aussi politique.

A côté de la Francophonie, vous le savez, d'autres grandes initiatives ont été lancées par la France en 2003 pour favoriser la diversité culturelle. Nous nous efforçons d'appuyer l'élaboration, à l'UNESCO, d'une convention internationale sur la diversité culturelle. Je pense aussi à la chaîne internationale d'information que le président de la République a annoncée et dont le dossier progresse. Je citerai enfin le Plan images Afrique, doté de 13,5 M euros sur trois ans, qui rénove les mécanismes de soutien et de promotion des productions cinématographiques et audiovisuelles africaines.

*

* *

Voilà, Mesdames et Messieurs, un premier bilan d'étape de la politique de coopération et de promotion de la Francophonie que j'ai l'honneur de conduire aux côtés du ministre des Affaires étrangères. Nous sommes sur la bonne voie, celle d'une relance de la coopération internationale française, même si, encore une fois, nous traversons actuellement une période difficile que j'espère temporaire. Dans cet effort commun, je compte sur votre contribution, sur votre conviction et sur votre rigueur, sur vos compétences et votre efficacité.

Le président de la République et le gouvernement ont affiché clairement leur volonté. Nous avons pour mission de traduire cette volonté dans les faits, en utilisant au mieux les moyens disponibles, mais aussi en ayant confiance dans les engagements pris et en faisant partager cette volonté et cette confiance à nos interlocuteurs dans les pays avec lesquels nous coopérons et auxquels nous apportons notre aide. Notre détermination doit être communicative, particulièrement dans les circonstances actuelles où la France se porte aux avant-postes du combat pour le développement et de la lutte contre la pauvreté et les maladies, malgré les difficultés qu'elle rencontre, comme tous ses partenaires européens, en raison de la conjoncture économique et financière internationale.

Je suis confiant dans votre capacité de relayer ces messages dans les responsabilités qui sont les vôtres, particulièrement pour celles et ceux d'entre vous qui les exercez sur le terrain, au contact quotidien de nos partenaires et de nos opérateurs.

D'avance je vous en remercie./.


ALLOCUTION DE LA MINISTRE DELEGUEE
AUX AFFAIRES EUROPEENNES,
MME NOELLE LENOIR

 (Paris, 16 juillet 2003)

Mesdames, Messieurs,

L'Europe et la France sont à la veille d'un grand événement. C'est à l'automne que se tiendra, au Parlement français, le débat sur la ratification du Traité d'élargissement. Et, le 1er mai 2004, n'en doutons pas, dix nouveaux Etats rejoindront donc la famille européenne (les trois Etats baltes, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Slovénie, Malte et Chypre). Ce processus d'élargissement est d'ailleurs déjà largement en voie de finalisation puisque Chypre a ratifié ce traité la semaine dernière et que les premières ratifications chez nos partenaires déjà membres ont déjà eu lieu, notamment en Allemagne.

Cet élargissement est une échéance fondamentale car elle implique une refondation des institutions européennes. Ce fut l'objet du travail réalisé de manière magistrale par la Convention sur l'avenir de l'Europe présidée par Valéry Giscard d'Estaing. L'Europe réunifiée connaît ainsi, grâce à la future constitution dont elle doit se doter en 2005, un nouveau départ.

Mais cet élargissement est aussi une échéance fondamentale pour nos relations bilatérales avec l'ensemble des Etats concernés. Il ne s'agit plus en effet seulement d'entretenir des liens diplomatiques avec ces pays. Nous devons être conscients que nous sommes en train de construire avec eux notre destin commun. Pour cela, il nous faut mieux connaître ces nouveaux membres de la famille européenne, leurs dirigeants, leur société civile, et échanger avec eux nos modes de pensée et d'organisation. C'est là, en tant qu'acteurs du réseau français de coopération, que vous êtes appelés à jouer un rôle absolument déterminant. C'est pourquoi j'ai choisi, après l'exposé si brillant de Dominique de Villepin, de centrer mon propos sur votre rôle spécifique dans la réussite de l'élargissement.

Car, aujourd'hui, ce que je veux vous dire, est que la réalisation de l'élargissement, le 1er mai 2004, ne met pas fin à notre travail dont le bilan jusqu'ici est spectaculaire. Il faut continuer à jeter les fondations d'un élargissement réussi par notre coopération bilatérale qui doit, pour cela, s'articuler étroitement avec ce que fait l'Europe, c'est-à-dire aussi nous-mêmes.

Après avoir abordé les raisons du succès de nos actions en Europe ces dernières années je tracerai avec vous la trame des priorités de notre coopération avec les pays de l'élargissement au cours des prochaines années.

Depuis dix ans, la France a su contribuer à préparer l'adhésion à l'Union européenne des futurs Etats membres.

Le soutien aux efforts déployés par les pays de l'Europe centrale et orientale pour préparer leur adhésion à l'Union européenne a constitué, naturellement, le cœur de notre coopération bilatérale avec ces pays. La mise à niveau de leurs capacités, notamment administratives, est en effet pour nous "la priorité des priorités", tant au niveau bilatéral qu'au niveau européen.

Je souhaite rendre hommage, d'abord, à notre action bilatérale. A compter de 1998, la coopération culturelle et technique française dans les dix pays candidats a permis le renforcement de leurs capacités administratives, la formation de leurs cadres et l'adaptation à l'acquis communautaire de leurs législations et de leurs réglementations. La reprise intégrale de l'acquis est une tâche immense, mais absolument essentielle. Car l'adhésion de ces Etats ne devrait pas se faire "au rabais". A défaut, c'est tout l'édifice européen qui s'en trouverait fragilisé.

Notre politique est donc cohérente : demander le respect de l'acquis d'abord, aider ensuite à le respecter. Cette politique est d'ailleurs dans notre propre intérêt car, ce faisant, nos ambassades ont l'occasion de promouvoir notre langue et notre culture, et du même coup notre vision de la diversité européenne : une diversité culturelle et linguistique que la France est du reste heureuse d'avoir fait inscrire comme objectif de l'Union européenne dans le projet de Constitution européenne.

Pour défendre ainsi la diversité culturelle en Europe, nous avons utilisé un instrument que vous connaissez bien, le COCOP. Profondément réformé, ce fonds a vu sa compétence étendue à tous les domaines de coopération, y compris culturels, linguistiques, universitaires et audiovisuels. Doté au cours des dernières années de près de 30 M euros à destination de la coopération avec les dix PECO, il a pu y financer plusieurs centaines de projets, des projets administratifs indispensables à la reprise effective de l'acquis, mais aussi des projets dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la science et des médias. Toutes ces actions s'articulaient autour d'un thème commun : diffuser les principes de base de la construction européenne et expliquer les opportunités de mise en réseau que l'Europe offre aux nouveaux membres.

Au-delà de ces projets, nos ambassades, nos établissements culturels, nos centres, instituts et alliances ont concentré leurs propres actions sur la préparation de l'élargissement de l'Union. Je souhaite rendre ici hommage à tous nos services qui ont su s'organiser en vue de cette échéance si majeure.

Ainsi, les cours de français ont-ils été opportunément ciblés vers ceux qui représenteront leurs pays auprès des institutions européennes. Deux structures ont été spécialement créées à cet effet : le Centre européen de langue française à Bruxelles et, au sein du ministère, le Fonds d'intervention pédagogique. Dans certains pays, comme les Etats baltes, des programmes spécifiques ont été élaborés en collaboration avec les gouvernements, pour diffuser l'apprentissage de notre langue à l'ensemble de la fonction publique. Ce sont des centaines de diplomates qui sont ainsi devenus francophones. Une même orientation européenne a été donnée à nos programmes de bourses dans les pays d'Europe centrale et orientale, aux cycles de conférences, aux programmes d'actions de recherche intégrées, ainsi qu'aux filières francophones ouvertes dans les universités d'Europe centrale et baltes. A titre d'exemple, des diplômes inter-universitaires d'affaires européennes et de droit européen sont en cours de création dans les universités de Lettonie et de Lituanie.

Mais vous ne me contredirez pas si je souligne que cet effort national n'a de sens que s'il est relayé par une action déterminée au niveau européen.

Car il faut être clair : l'avenir du français se joue aujourd'hui en Europe. Effectivement, il ne servirait à rien de mener à bien des programmes de formation au français si, dans le même temps, nous laissions l'anglais s'imposer comme langue unique à Bruxelles, voire à Luxembourg ou à Strasbourg. Comment, en effet, pouvoir prétendre sauvegarder le statut international de la langue française, si se confirme son érosion au sein des institutions européennes ? A cet égard, je me réjouis d'avoir obtenu la prise en compte du plurilinguisme dans la réforme du statut des fonctionnaires européens qui doit entrer en vigueur avant le 1er mai 2004. Au terme de longues négociations qui m'ont amené à rencontrer plusieurs fois le commissaire Neil Kinnock et des représentants de la présidence grecque, la décision a été prise de faire figurer le plurilinguisme parmi les exigences du statut de la fonction publique communautaire. Comment ? Eh bien, désormais, la possibilité de progresser dans l'échelle hiérarchique sera directement conditionnée à la maîtrise d'une deuxième langue étrangère. En d'autres termes, il faudra être en mesure d'utiliser trois langues pour obtenir une promotion comme fonctionnaire communautaire. Nous avons ainsi imposé une réelle obligation de plurilinguisme dans l'Union européenne qui s'avère exemplaire par rapport à d'autres organisations internationales.

Quant aux instruments proprement dits de coopération européens, nous avons su les mettre à profit. Je tiens à rendre hommage à tous ceux qui ont su inciter nos administrations à participer aux Jumelages organisés par le programme PHARE dont l'utilité n'est plus à démontrer. Ainsi, sur plus de 700 jumelages lancés dans les pays candidats depuis 1998, un quart environ a été confié à la France en qualité de chef de file, ce qui place notre pays en deuxième position après l'Allemagne (près d'un tiers des jumelages). Par ce biais, ce sont plus de 100 conseillers "pré-adhésion" français qui ont aidé les administrations des pays candidats à intégrer l'acquis communautaire.

Dans tous les domaines : l'agriculture, la recherche, les finances publiques, l'environnement, ou encore le renforcement des capacités administratives, notre apport a été, je n'hésite pas à le dire, décisif. Il était en effet nécessaire d'aider les nouveaux membres à accélérer, comme ils l'ont fait, le rythme des réformes à mettre en œuvre pour préparer leur adhésion à l'Union.

Voilà le bilan de notre coopération en Europe. Dix ans après le Conseil européen de Copenhague qui, en décembre 1993, lançait le processus d'élargissement, il y a tout lieu d'en être fier. Je souhaite en remercier, personnellement ici, tant les responsables et collaborateurs de nos services de coopération en ambassades ici présents, que les autres administrations françaises qui ont amélioré la professionnalisation de notre action de coopération internationale en Europe.

Après l'élargissement, comment la France peut-elle envisager sa coopération dans les pays d'Europe centrale et orientale ?

Quelle doit être, après le 1er mai 2004, la stratégie de notre coopération à l'égard des nouveaux membres ? Quelles marques devons-nous imprimer à notre action auprès de nos actuels et futurs partenaires européens ? Je souhaite vous faire part de mes priorités pour les années à venir.

Il faut accompagner l'entrée des nouveaux membres pour parachever la réussite de l'élargissement.

Il faut d'abord continuer à favoriser l'intégration des nouveaux membres, notamment là où des clauses transitoires leur ont été octroyées et où l'acquis communautaire reste encore à reprendre. Mais surtout, il importe d'éviter que les nouveaux membres ne relâchent leur effort, et que nous mêmes nous reposions sur nos lauriers.

L'Union européenne, vous le savez, compte apporter une "facilité de transition", d'un montant global de 380 M euros, pour les années 2004 à 2006. Certes, c'est beaucoup moins que le budget des instruments de pré-adhésion des années précédentes, dont PHARE. Toutefois, n'oublions pas que cette aide se combinera avec les importants fonds structurels que ces pays vont recevoir dès 2004. Notre mission urgente est donc d'encourager les administrations françaises à participer à ces programmes.

Je suis convaincue qu'il est temps pour ce faire de réformer nos instruments de coopération bilatérale. Dans ce but, le COCOP sera remplacé, à compter du 1er janvier 2004, par un dispositif déconcentré qui permettra aux ambassades d'agir au plus près des besoins grâce à une gestion directe des moyens. L'objectif est de rendre les modalités de la coopération bilatérale plus souples et plus flexibles, c'est-à-dire plus réactives. Ce faisant, je vous appelle néanmoins à garder le cap, c'est-à-dire à articuler toujours plus étroitement vos projets avec les programmes européens. Notre feuille de route est claire, il faut :

- élever le niveau d'adaptation des administrations de nos futurs partenaires,

- former de nouvelles générations de fonctionnaires destinés à rejoindre les institutions européennes,

- augmenter les capacités de gestion des collectivités locales de nos nouveaux partenaires qui devront absorber les fonds structurels qui leur sont consentis,

- favoriser la recherche et le développement technologique sans lesquels l'Europe ne pourrait prétendre à devenir, à terme, la première économie de la connaissance au plan mondial. Sans parler de satisfaire l'exigence de mobilité des chercheurs dont je fais, pour ma part, un impératif catégorique de notre action pour l'Europe.

Il nous faut maintenir un soutien élevé à nos amis roumains et bulgares et aux autres dont l'adhésion ne sera pas immédiate.

Le programme PHARE ne disparaît pas après 2004. Il reste au contraire doté de crédits considérables : 1,2 milliard d'euros pour la Bulgarie, 2,8 milliards d'euros pour la Roumanie et 1 milliard d'euros pour la Turquie, pour des jumelages à venir.

Compte tenu des liens qui unissent la France à la Bulgarie et à la Roumanie, nous avons dans cette perspective une carte maîtresse à jouer. Nous l'avons d'ores et déjà utilisé, par exemple en nommant un conseiller auprès du Premier ministre roumain lequel vient en outre de faire appel, comme "Conseiller justice", à Pierre Truche, ancien premier président de la Cour de cassation. Nous allons incessamment désigner un conseiller technique au cabinet du Premier ministre de Bulgarie. Ces conseillers assistent les gouvernements dans leurs négociations d'adhésion, ce qui est d'importance majeure pour nos liens futurs avec ces pays au sein de l'Union.

En Turquie nous envisageons également la réorientation de notre coopération, dans la ligne des travaux de la dernière commission mixte franco-turque.

Quant aux pays des Balkans, qualifiés de candidats potentiels, dont la Croatie qui, elle, s'est officiellement déclarée candidate, ils méritent toute notre attention. Le chemin sera long pour eux d'ici à leur adhésion, très long. Mais notre devoir est de veiller attentivement à la consolidation de leurs démocraties si fragiles.

Je n'oublie pas enfin, nos nouveaux voisins de l'Est et du Sud de l'Europe. L'adhésion n'est certes pas pour eux une perspective. Mais notre coopération avec ces Etats n'en doit pas moins s'inspirer de ce qui a si bien marché dans le processus d'élargissement. Ainsi, les jumelages entre administrations se développent avec la Russie et vont voir le jour avec les pays méditerranéens. Cela correspond à notre souhait.

Il est une troisième priorité à laquelle je souhaite vous sensibiliser tout particulièrement : la coopération décentralisée.

La décentralisation est le complément obligé de l'intégration européenne. Les sociétés civiles de nos pays ne peuvent comprendre l'Europe si celle-ci ne s'inscrit pas, en effet, sur le terrain. Or, l'Europe concrète passe par la coopération décentralisée. Je suis toujours impressionnée de constater, lors de mes déplacements au titre des "Rencontres pour l'Europe" dans les différentes régions de France, à quel point les collectivités locales sont des acteurs dynamiques de la coopération bilatérale. Oh, combien de jumelages entre villes et régions ont-ils été à la clé du rapprochement entre les peuples de l'Europe ! Combien d'échanges culturels, ou d'échanges de jeunes stagiaires ont pu tracer la voie de coopérations plus étroites encore au plan économique ou politique !

De plus, et c'est un atout, les collectivités locales ont souvent acquis un savoir-faire dans la gestion des fonds structurels, qui s'ajoute à leur compétence traditionnelle en matière de gestion des services publics. L'expertise des acteurs locaux peut être un modèle pour nos partenaires et nous aider, par ailleurs, à mieux faire comprendre le modèle social européen que la France entend défendre.

Notre action à cet égard n'est d'ailleurs pas sans succès : ainsi, le projet de Constitution européenne inclut une base juridique permettant à l'Europe d'assurer les principes fondamentaux de l'organisation des services publics.

J'ajoute que je me félicite de ce que le Premier ministre ait accepté de nommer un parlementaire en mission à mes côtés pour effectuer un bilan, mais surtout pour formuler des propositions pour renforcer la coopération décentralisée avec les pays de l'élargissement. Ce parlementaire, Michel Hunault, député de Loire-Atlantique, est bien entendu ouvert aux suggestions que vous lui ferez et qui enrichiront le travail d'enquête approfondi qu'il a entamé ces dernières semaines.

En guise de conclusion, je voudrais attirer votre attention sur les changements à l'œuvre qui amènent à modifier notre façon d'agir et de nous situer en Europe. De même qu'il n'y a plus de grandes différences entre les politiques européennes et les politiques nationales internes qui forment souvent un tout, de même faut-il éloigner de nous l'idée d'une séparation tranchée entre le bilatéral et la coopération européenne. Doublement citoyens de votre pays et de l'Union européenne, vous êtes également des militants de l'influence française en Europe et de l'intégration de l'idée européenne en France.

Je vous en remercie car c'est ainsi que l'on donne sens à cette aventure inédite, largement initiée par la France, qu'est la construction européenne./.