Congés maladie à l'étranger :
la légalité bientôt respectée au MAE...  
avec l'aide du juge !


Jusqu'à présent, les agents du MAE en poste à l'étranger (sur contrat d'expatrié), lorsqu'ils étaient malades, ou victimes d'un accident de travail (!), et ne pouvaient accomplir leur service, se voyaient appliquer un abattement très important sur leurs indemnités de résidence, qu'ils restent dans leur pays de résidence ou qu'ils rentrent en France pour se soigner.

Ceux qui suivent avec attention les actions revendicatives de la CFDT au ministère des affaires étrangères savent que notre syndicat n'a cessé de dénoncer l'illégalité de cette disposition du décret du 28 mars 1967 (qui fixe les émoluments des agents de l'Etat à l'étranger) parce qu'elle déroge au droit commun posé par la loi.

De comités techniques paritaires en réunions de concertation, l'administration, tout en admettant l'irrégularité et l'iniquité de cette pratique, n'avait commencé à bouger que très récemment en proposant de diminuer le volume de l'abattement appliqué. La CFDT-MAE lui avait signalé que, s'il s'agissait bien d'une avancée, le projet de l'administration ne suffisait pas à rétablir les agents dans leurs droits fixés par la loi : il fallait bien purement et simplement constater l'illégalité de cet article du décret de 1967 et appliquer la règle fixée par la loi à savoir, le maintien de la rémunération et de l'indemnité de résidence. En réclamant cela, il s'agissait aussi de rappeler à l'administration que les charges de nos collègues en poste (loyer, écolages…) ne s'arrêtent pas lorsqu'ils sont malades ou victimes d'un accident. L'administration ne pouvait de plus ignorer que l'abattement incriminé encourageait les postes à ne déclarer que partiellement, voire pas du tout, les "arrêts maladie", se plaçant ainsi, et les agents avec elle, dans des situations très périlleuses. Trop souvent aussi, les collègues continuaient à travailler malgré leur état de santé du fait de cet abattement.

L'an dernier, une collègue, victime d'un accident de travail, s'est vue appliquer cette mesure déplorable qui la plaçait dans une situation financière inadmissible, et a décidé, avec le soutien de la CFDT-MAE, d'en appeler au juge administratif. Le 25 juin dernier, le Conseil d'Etat tranchait et déclarait illégaux les mécanismes d'abattement et de dégressivité sur l'indemnité de résidence versée à un agent en position de congé de maladie, ce que la CFDT-MAE ne cessait de dire depuis longtemps.

Il semble qu'à présent l'administration soit en train de faire le nécessaire pour ramener le MAE dans le droit commun. Nous ne pouvons que nous en féliciter même si nous regrettons qu'une nouvelle fois il aura fallu passer par le juge administratif pour faire entendre des arguments de simple bon sens.


Conseil d'État
statuant au contentieux
261504

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

10ème et 9ème sous-sections réunies

Mme Laurence Marion, Rapporteur
Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement
M. Genevois, Président

Lecture du 27 juin 2005

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Laurence X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours gracieux tendant à ce que lui soit reversée l'indemnité de résidence à Washington qui lui est due pour la période du 18 février au 19 mars 2003, retenue sur sa rémunération ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de lui reverser cette prime dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 modifié fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : Le fonctionnaire en activité a droit : / 2° à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants ; qu'il est spécifié que le fonctionnaire conserve... ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence ; que l'indemnité de résidence ainsi visée est celle dont le fonctionnaire bénéficiait à raison de l'exercice de ses fonctions au moment de sa mise en congé de maladie ; qu'il n'en va autrement que si l'intéressé fait l'objet d'un changement d'affectation qui influe sur le montant de l'indemnité de résidence auquel il a droit ;

Considérant à la vérité qu'aux termes de l'article 5 du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger dispose, dans sa rédaction issue du décret du 25 mars 1993 que : L'attribution de l'indemnité de résidence est destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence et énonce, dans son article 24, tel qu'il résulte du décret du 25 mars 1993 que les émoluments de l'agent autorisé à bénéficier à l'étranger d'un congé de maladie comprennent : le traitement, 50 % de son indemnité de résidence, tout en précisant que lorsque le congé de maladie est accordé en France, les émoluments comprennent, outre le traitement, l'indemnité de résidence que percevrait un agent de même indice hiérarchique en service en France (Paris) ;

Mais considérant que ces dispositions réglementaires ne sauraient avoir pour conséquence de faire échec aux dispositions législatives prévoyant en cas de congé de maladie la conservation du bénéfice de l'indemnité de résidence et d'avoir ainsi pour effet de priver de l'indemnité de résidence auquel il a droit du fait de son affectation à l'étranger, le fonctionnaire retenu temporairement sur le territoire national par placement en congé de maladie en raison d'un accident de service alors que dans le cadre de cette affectation, il remplissait une mission temporaire en France et était par suite en droit de continuer à percevoir l'indemnité de résidence correspondant à son affectation à l'étranger ;

Considérant qu'il suit de là que Mme X, conseillère des affaires étrangères de première classe en poste à l'Ambassade de France à Washington, victime le 17 février 2003 d'un accident reconnu imputable au service alors qu'elle avait été appelée par ordre en France afin de participer, du 14 au 23 février 2003, à une mission, est fondée à soutenir qu'est dépourvue de base légale la décision par laquelle a été retenue sur sa rémunération une somme correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité de résidence perçue par elle pendant la période du 18 février au 9 mars 2003, date à laquelle elle a repris l'exercice effectif de ses fonctions à Washington, et l'indemnité de résidence que perçoit un agent de même indice hiérarchique en service en France et à en solliciter pour ce motif l'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision implique nécessairement que le ministre des affaires étrangères reverse à Mme X les indemnités qui ont été illégalement retenues sur sa rémunération du mois de juin et juillet 2003 ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat, d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de lui rembourser ces sommes dans un délai de deux mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 euros que demande Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
__________________

Article 1er : La décision du ministre des affaires étrangères en date du 1er septembre 2003 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de reverser à Mme X la somme de 6 701,62 euros dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme X la somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Laurence X, au ministre des affaires étrangères et au ministre de la fonction publique.