Journées du réseau 2007

JOURNEES DE LA COOPERATION INTERNATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT 17-18 juillet 2007
DISCOURS DE BERNARD KOUCHNER
DISCOURS DE JEAN-MARIE BOCKEL
DISCOURS DE BRICE HORTEFEUX

Journées « CulturesFrance » 19-20 juillet 2007
Discours de Jean-Marie Bockel
Discours de Rama Yade


JOURNEES DE LA COOPERATION INTERNATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT
ALLOCUTION DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET EUROPEENNES,
M. BERNARD KOUCHNER

Mesdames, Messieurs,

"Pourquoi le cinéma américain s'est-il imposé au monde entier ?" La question fut posée un jour par Jean-Luc Godard à l'historien Georges Duby et au linguiste Pierre Encrevé. Question ambitieuse, mais réponse simple de Godard : "parce que les Américains ont lâché deux bombes atomiques en 1945. Avec une seule, ajouta-t-il, le cinéma ne passait peut-être pas partout, mais avec deux, c'était imparable…"

C'est en partie vrai, c'est assurément audacieux. Mais, et j'en demande pardon à Jean-Luc Godard, c'est très classique. Nous sommes-là dans un registre de puissance traditionnel. Mésestimé, contesté, mais terriblement vieilli.

Le Code civil avait certes conquis l'Europe au son du canon. Deux siècles plus tard, posons la même question mais symétrique : pourquoi ni le Viêt-Nam, ni l'Irak, n'ont-ils réellement érodé la puissance américaine ? Parce que l'industrie hollywoodienne, avec d'autres, a entre temps pris le relais, assurant par une puissance inouïe le triomphe de l'"american way of life". Parce que les lois du monde qui s'imposaient à Napoléon comme au président Truman ne sont désormais plus les mêmes. Parce que l'ordre des puissances a changé, au détriment des forces classiques - l'armée, la politique, les Etats - et au bénéfice de forces nouvelles - la culture, les réseaux, les sociétés civiles… Parce que l'esprit de conquête a cédé la place à la conquête des esprits.

Disant cela, je ne cherche ni à assimiler la force d'Hollywood à une agression militaire, ni à mettre en doute les vertus du modèle américain. Je ne fais que décrire ce nouvel âge de la diplomatie dans lequel nous a fait entrer la mondialisation des échanges.

Cet âge nouveau, dont nous ne connaissons que l'aube, vous en êtes les acteurs principaux, les forces vives, les inventeurs quotidiens.

C'est pourquoi je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui pour tracer la configuration nouvelle de la diplomatie française, les missions de notre ministère, vos missions, dans ce contexte.

Il s'agit donc de construire le ministère de la mondialisation.

Ce mot, mondialisation, fait peur aux Français. Vue d'un vieux pays tenaillé par le doute mais riche aussi d'une histoire, d'une culture et d'un rayonnement sans pareil, elle ressemble à un raz-de-marée unificateur, appauvrissant, stérilisant même. Et ses ravages sont réels, qu'ils frappent ceux que la mondialisation noie sous sa vague uniformisante ou ceux qui au contraire sont exclus du mouvement, nouveaux parias du "village monde".

Nous n'avons pas le temps, hélas, de discuter ici de ces réalités et des angoisses qu'elles suscitent. Mais je voudrais, au risque de simplifier, en retenir trois questions : comment permettre aux Français de mieux s'approprier la mondialisation ? comment favoriser une nouvelle manière de vivre ensemble pour des peuples projetés dans un même mouvement ? comment répondre démocratiquement à des problèmes globaux ?

Ces questions, Mes Chers Amis, c'est à nous qu'il appartient d'y répondre. C'est à nous d'expliquer la mondialisation aux Français pour leur permettre de s'en saisir et de la rendre un peu moins injuste, c'est à nous de les convaincre qu'elle recèle aussi son lot de défis et d'opportunités. C'est également à nous de favoriser les dialogues entre les peuples et de construire, aussi difficile cela soit-il, de nouvelles règles du jeu.

Nous devons faire de notre maison le ministère de la Mondialisation, une mondialisation positive, expliquée, généreuse.

La diplomatie des Etats, je le disais, n'est plus seule aux commandes. Les temps sont aussi aux sociétés civiles et à leur inventivité permanente, aux réseaux et à leurs connexions, à tous ces pouvoirs d'influence qui entraînent aujourd'hui le monde.

IPhone, Hollywood, Islam, Droits de l'Homme, Da Vinci Code… combien de divisions ? Des milliards d'êtres humains à relier par les nouvelles technologies, des milliards d'esprits à convaincre par l'intelligence et par la solidarité, des milliards de cœurs à conquérir par le dialogue et par la paix.

Vous avez tous les talents pour cela. A condition de pouvoir vous appuyer sur un projet politique, c'est-à-dire débattu par la société tout entière et partagé à tous ses niveaux. C'est pourquoi notre premier travail, pour construire ensemble ce ministère de la mondialisation, doit être un travail d'ouverture en direction des Français. Les citoyens pourront se saisir des enjeux diplomatiques et en feront de vrais sujets de politique. Ils en ont envie et nous en avons besoin ! Les seules vraies priorités d'une nation, nous le savons, sont celles que lui assigne son corps social.

C'est ainsi que nous ferons de la mondialisation une chance partagée par tous les Français. C'est ainsi surtout que nous ferons de la France un acteur majeur de cette révolution mondiale. Est-il tâche plus exaltante pour les aventuriers du monde que nous sommes un peu  tous ici ?

La DGCID est au cœur du projet.

Cette tâche, Mes Chers Amis, vous en avez déjà accompli une part essentielle. En vous, la France possède un réseau unique. Par vous, elle sait pouvoir compter sur des milliers de talents qui chaque jour font vivre son nom sur tous les continents. Grâce à vous, elle incarne pour bien des peuples des valeurs et des aspirations qui dépassent toutes les frontières. Oui, Mesdames et Messieurs, avec vous la France a déjà relevé le défi de ce monde intelligent où les idées valent parfois plus que les armes, où rien qu'une chanson peut convaincre un tambour.

En accompagnant l'implantation de l'Ecole centrale à Pékin, en scolarisant 165 000 élèves étrangers dans son réseau de lycées, en dispensant des cours de français à plus de 600 000 personnes à travers le monde, en aidant la publication de plus de 8 000 ouvrages dans 74 pays, la France participe à la formation des élites de demain : beaucoup d'entre elles, grâce à vous, seront francophones et - il faut l'espérer - francophiles.

En lançant Afriques et Caraïbes en création, en organisant les rencontres africaines de la photographie à Bamako, en montant les Printemps des arts français en Asie du Sud-est, vous faites plus que répondre aux exigences de la Convention relative à la diversité culturelle : vous faites vivre l'image d'une France attachée aux arts et amie des artistes et vous agissez aussi pour que les peuples du Sud préservent la vitalité de leurs cultures. C'était, m'a-t-on dit, le sens de la table ronde à laquelle participait Jean-Christophe Rufin, et qui était consacrée à la relation entre culture et développement. La cohérence de la DGCID s'impose dans ce lien profond que la dimension culturelle entretient avec le développement.

Voilà des exemples d'une diplomatie moderne. En plus de faire entendre la voix de la France, de telles initiatives contribuent à infléchir concrètement la mondialisation, à la rendre positive pour des millions de gens, à faire advenir entre les peuples et entre les communautés des liens d'amitié, de reconnaissance, de complicité même.

Fidèles à la belle devise de la DGCID - "le meilleur de nous pour un monde meilleur", vous incarnez, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président, ce que notre pays produit de plus valeureux : la générosité, la culture, le goût, l'intelligence, le plaisir du risque aussi, le plaisir et le risque.

Et vous êtes capables de toutes les évolutions : vous l'avez déjà prouvé, avec notamment la création de nouveaux opérateurs permettant de rationaliser l'action menée en matière culturelle (CulturesFrance) et universitaire (CampusFrance) ; ou encore avec la réforme de l'aide au développement de 2004 qui a été un bouleversement dans la philosophie de l'APD française.

Votre réseau a montré sa remarquable plasticité : peu coûteux (le taux d'autofinancement des établissements, je le rappelle, atteint aujourd'hui 43 %) ; de plus en plus attractif (plus de 600 000 étudiants sont inscrits aux cours de français), il est en permanente mutation. Un tiers des implantations situées en Europe de l'Ouest fermées depuis 2000, les doublons Alliances/Instituts supprimés, des redéploiements importants effectués, notamment au profit de la Chine, de la Russie ou de l'Algérie : ces faits sont mal connus, je m'emploierai à ce que cela change. Mais gardons-nous de l'autosatisfaction. Ces succès ne doivent pas nous empêcher de poursuivre nos efforts. Nous devons rester déterminés, inventifs et audacieux, tant sur le fond que sur l'organisation de nos politiques.

Je voudrais plus particulièrement évoquer trois domaines essentiels au rayonnement de la France : la promotion de la démocratie et des Droits de l'Homme, le rayonnement universitaire et la Francophonie.

Des valeurs, des savoirs, une langue : trois aspects du message de la France au monde.

Les Droits de l'Homme, d'abord.

L'une des principales difficultés que pose la mondialisation des échanges est de se nourrir d'une contradiction majeure : un marché mondialisé d'un côté, une démocratie nationale de l'autre. De là vient ce sentiment de dépossession, et la tentation parfois, pour faire de nouveau coïncider ces deux forces, d'un impossible protectionnisme.

Le risque existe de voir la démocratie contestée par des structures financières internationales. Le risque existe fort. D'autant qu'elle est parallèlement attaquée par des puissances politiques ou religieuses dont l'intérêt est de faire passer les Droits de l'Homme pour un impérialisme déguisé. Face à cette menace comme face au risque d'un marché tout-puissant, notre seule réponse sera celle d'une démocratie fortifiée, à l'intérieur des Etats comme au niveau international.

Nous avons trop souffert, j'ai trop souffert de la morgue hautaine de tous ceux qui voyaient dans les Droits de l'Homme une lubie inutile et répétaient que seule valait la sérieuse "realpolitik"… Qu'ont-ils gagné dans le commerce avec les bourreaux ? Quelle grandeur, quelle puissance française a-t-on servi en reniant nos valeurs pour quelques contrats hasardeux ? Nous savons depuis longtemps que la compétitivité de l'économie française tient à autre chose qu'à notre faiblesse morale. Et nous savons aujourd'hui que la fermeté sur nos principes est la plus sûre incarnation de notre force, y compris notre force commerciale.

C'est pourquoi je veux saluer l'action résolue que nous menons en matière de gouvernance démocratique : en élaborant une stratégie qui fait désormais référence, la France s'est placée aux avant-postes, refusant les facilités, les raccourcis, les simplifications auxquels certains avaient succombé. La démocratie ne se résume pas à des prescriptions techniques, souvent limitées à la seule question de la corruption - même si la lutte contre la corruption est essentielle. La démocratie ne se limite pas non plus à des valeurs manichéennes.

Faire vivre la démocratie au Sud, c'est agir avec les peuples, avec les sociétés civiles, c'est favoriser l'émergence de projets politiques communs, c'est donner leur chance aux échelons locaux. Notre diplomatie doit avoir le regard tourné vers les sociétés civiles, je le répète. Et les ONG françaises doivent nouer des contacts directs avec celles du Sud : il faut que vous puissiez les accompagner dans cette démarche.

L'aide n'est pas de l'assistanat. Et d'ailleurs, faut-il vraiment parler d'aide quand on agit pour un intérêt partagé ? L'aide vise à donner aux pays récipiendaires la capacité d'être maîtres de leur destin. L'initiative fast track en matière d'éducation de base, la création d'un Institut africain des sciences et technologies à Ouagadougou pour l'enseignement supérieur en sont des exemples. La table ronde consacrée aux capacités, de même que celle consacrée à la gouvernance, ont bien montré la spécificité de la vision française du développement : refus de l'assistance, source de tous les cercles vicieux ; refus aussi de l'arrogance du donneur de leçon. La France exprime juste le souhait que les pays du Sud deviennent les acteurs d'un destin qui trop souvent leur échappe. Car, je le rappelle, l'aide publique au développement est une exigence qui concerne le Sud, et en priorité l'Afrique, autant qu'elle concerne le Nord. En matière de démocratie comme de santé, de culture ou d'environnement, les défis du Sud sont nos défis.

J'en viens à mon second point : l'éducation.

La mondialisation de l'intelligence, elle aussi, est une médaille à deux faces. D'un côté, les espaces de liberté inespérés d'Internet, une source intarissable de savoir et de progrès à la portée de chaque individu. De l'autre, les oripeaux renouvelés d'un obscurantisme insidieux, dissimulé dans les méandres de la Toile ; la mise en péril de l'indispensable diversité culturelle par les puissances omnivores de l'argent.

J'ai déjà cité un certain nombre d'initiatives menées grâce à vous dans ce domaine. J'ai évoqué la contribution indispensable de notre réseau de lycées français, qui incarne au quotidien la présence de notre pays à travers le monde et fait de la France une terre amie pour tant d'élites locales. Je ne reviendrai donc pas sur nos actions en matière d'éducation. Je voudrais au contraire vous inciter à aller plus loin et vous assurer que je m'impliquerai personnellement pour mobiliser l'ensemble des acteurs concernés.

Dans la construction de ce ministère de la mondialisation, les universitaires doivent être pour nous des alliés prioritaires. Si elles veulent conserver leur rang (ce qui est, me semble-t-il, un impératif national), les Universités françaises doivent en effet s'ouvrir davantage au monde et partir à sa conquête. C'était je crois le sens des propos de Valérie Pécresse ce matin et je les partage pleinement. Pour partir à la conquête du monde, il nous faut impérativement lever un certain nombre de tabous, notamment sur l'apprentissage des langues étrangères. Ce gouvernement y travaille et il faut s'en réjouir. A nous d'accompagner les Universités dans cette nécessaire prise de conscience, à nous de les aider dans les combats qu'il leur faudra mener. Je pense que la réforme en cours des universités fournira un cadre approprié à ce défi.

D'ores et déjà, j'ai lancé une mission sur l'attractivité de l'enseignement supérieur français dans la compétition mondiale. J'en attends des propositions de mesures simples et réalisables. Elles nous permettront d'accroître durablement notre place dans la compétition mondiale de la formation des élites. Et elles aideront nos universités à devenir des acteurs de premier plan de la présence française dans le monde.

Venons en maintenant à la Francophonie.

Le rayonnement universitaire français n'est pas dissociable de celui de notre culture, et en particulier de notre langue. C'est le troisième point sur lequel je souhaitais m'arrêter.

J'avais écrit l'an dernier un petit texte un peu polémique très politique que j'avais intitulé "l'anglais, avenir de la francophonie". J'y affirmais que la Francophonie ne devait pas s'envisager sous l'angle d'une rivalité entre le français et l'anglais. Je défendais au contraire, à travers la Francophonie, l'indispensable richesse du multilinguisme face au risque d'un monde qui ne parlerait plus qu'un simili-anglais, espéranto appauvri de la globalisation marchande.

La Francophonie, Mes Chers Amis, c'est l'espace de dialogue et de partage constitué par tous ceux pour lesquels le français n'est pas une langue unique, mais un horizon d'ouverture au monde, une langue dédiée non pas au dialogue intérieur d'un peuple avec lui-même mais à la rencontre de l'altérité. Parler de l'anglais comme avenir de la Francophonie, c'était pour moi reconnaître que nous devons, nous aussi, avoir le souci de parler la langue des autres. Mais c'était aussi esquisser une interrogation sur ce qui a fait la succès planétaire de cette langue et dont nous devrions, je crois, nous inspirer.

J'ai commencé mon propos par une phrase obscure de Godard sur le cinéma américain. A la question des causes de son triomphe, je n'ai cité que la réponse de Godard. Je voudrais maintenant vous soumettre celle du linguiste Pierre Encrevé :

- "Hollywood, explique-t-il dans ses Conversations sur la langue française, a eu une idée de génie. Les studios ont choisi que leur cinéma se diffuse dans toute l'Europe continentale (et dans l'ensemble du monde) dans les langues de l'Europe et jamais en anglais : ils ont doublé tous leurs films ; et, simultanément, ils ont réussi à faire que le cinéma européen soit diffusé chez eux presque exclusivement dans nos langues : en V.O. sous-titrée, ce qui les privait de public. (…) C'est en lâchant leur langue que les Américains l'ont propulsée : au lieu de chercher à diffuser leur langue, ils ont imposé leurs images, nous ont fait rêver leurs rêves, et à partir de leurs films mais aussi de leur musique, du jazz et ensuite du rock, s'est créé un incoercible désir de culture américaine ; et les Européens ont voulu faire apprendre l'anglais à leurs enfants. (…) Il faut qu'il y ait du désir. Et là aussi le désir naît du manque."

Ce "fascinant détour" est peut-être lui aussi simpliste ou exagéré, mais je crois qu'il ne doit pas manquer de nous faire réfléchir sur la fin et les moyens de notre politique en faveur de la Francophonie.

Oui, le français est important. Oui, la langue française est une source inépuisable de bonheurs et d'émotions. Mais ne mélangeons pas le plaisir littéraire exceptionnel - et Dieu sait que j'y suis sensible ! - avec ce qui demeure la fonction principale d'une langue : véhiculer des idées. Si Jean-Paul Sartre a été le philosophe le plus important de son temps, ses livres étaient surtout lus dans des traductions. C'est sans doute dommage d'un point de vue littéraire, mais c'est mieux que d'en rester à une notoriété hexagonale : c'est le sens de nos programmes d'aide à la publication.

Mes Chers Amis, je veux qu'ensemble nous défendions la langue française, que de plus en plus d'enfants et d'adultes à travers le monde entreprennent l'effort souvent difficile de venir à elle. Je veux aussi que nous soyons plus attentifs à tous ceux qui ont avec nous le français en partage, et qui sont parfois tentés, devant notre peu d'empressement à défendre une francophonie ouverte et dynamique, tenter de s'en détourner. Je veux surtout que nous donnions envie de français et envie de France à un maximum de femmes et d'hommes. Je veux que nous exportions nos rêves et nos idées.

Les Droits de l'Homme, le rayonnement universitaire, la francophonie : ces trois enjeux de l'influence française à travers le monde constituent pour nous les priorités d'une action renouvelée. Je voudrais évoquer avec vous les modalités de ce renouvellement pour lequel je compte particulièrement sur votre nouvelle directrice, Anne Gazeau-Secret.

Avant tout, je voudrais lever quelques inquiétudes légitimes.

Le développement de l'action internationale d'autres ministères interroge la DGCID sur son rôle. Les ministères de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur, de la Santé, de la Culture, de l'Economie et bien sûr le nouveau ministère de l'Immigration... tous conduisent une action internationale légitime, et je me réjouis de la participation à nos travaux de Christine Albanel, Valérie Pécresse, Xavier Darcos et Brice Hortefeux. Mais cette action exige une cohérence, avec la DGCID et avec son réseau. Si je me suis battu pour que la DGCID reste sous la seule autorité du ministre des Affaires étrangères et européennes, c'est aussi pour cette raison que je l'ai fait.

Autre inquiétude : celle relative aux moyens et au sentiment d'éviction du bilatéral par le multilatéral.

La France, vous le savez, se bat pour l'émergence de politiques globales rassemblant Etats, institutions multilatérales et acteurs non gouvernementaux. La France veut une gouvernance mondiale de l'environnement et soutient la création d'une ONUE ; la France milite pour une meilleure gestion internationale des pandémies et soutient des initiatives comme ESTHER, UNITAID ou le Fonds mondial. Cela signifie-t-il qu'elle doive renoncer à son réseau bilatéral ? Plutôt que d'opposition entre bilatéral et multilatéral, parlons de complémentarité : nous avons besoin de politiques bilatérales fortes pour faire vivre une action multilatérale crédible.

Prenons le cas des initiatives en matière de santé : elles n'ont de sens que parce que nous nous appuyons sur un réseau bilatéral unique qui nous renseigne, qui conduit des recherche dans les pays du Sud, qui œuvre au renforcement des infrastructures médicales et la mise en place des assurances maladies. C'est pourquoi je chercherai à préserver les marges financières de l'action bilatérale, dans l'intérêt même de notre action multilatérale.

Dans les domaines de la culture ou de la formation des élites étrangères, n'hésitons pas, d'ailleurs, à unir nos forces à celles des entreprises françaises. Quand nous leur proposons des projets intéressants, elles sont désireuses de nous accompagner : répondons-leur positivement ! Travaillons avec elles.

Je sais que ces Journées ont été pour vous l'occasion d'échanger des bonnes pratiques. Le printemps français à Jakarta, par exemple abordé par la table ronde consacrée aux partenariats culturels, n'aurait pas existé sans une relation confiante et bien comprise avec le secteur privé.

Il faut maintenant généraliser et systématiser cette dimension de notre action, en trouvant d'autres alliances. Je pense notamment aux financements de l'Union européenne, dont l'étude a fait l'objet d'un atelier spécifique tout à fait bienvenu. Il nous faut aller chercher l'argent là où il se trouve !

La contrainte budgétaire nous commande aussi de mieux définir nos priorités par zones géographiques. Le dialogue de gestion, la procédure de programmation tels que raffermis par la LOLF ont été bénéfiques : nos crédits en 2007 ont ainsi été en partie redéployés vers de grands pays émergents comme la Chine et l'Inde. Nous devons aller plus loin et élaborer pour chaque zone géographique une stratégie générale fixant nos secteurs d'intervention prioritaires. Bien sûr, on ne fait pas en Inde comme au Niger ou aux Etats-Unis…

Cette évolution concerne aussi le réseau culturel. Il faut régionaliser plus clairement les missions, unifier les appellations pour chaque catégorie d'établissements et simplifier le dispositif pour une meilleure lisibilité.

Pour être plus efficace, nous devons enfin à tout prix faire vivre les synergies entre les différentes politiques de coopération. Nos politiques ne sont pas étanches entre elles. Lorsque l'on parle de diversité linguistique et de plurilinguisme, on ne peut pas oublier le rôle de notre audiovisuel extérieur, de TV5Monde, de France 24 et de RFI. On ne peut pas non plus l'isoler de la politique d'attractivité et de l'accueil des étudiants étrangers.

Puisque je l'évoque, je voudrais m'arrêter un instant sur l'audiovisuel extérieur.

L'éclatement actuel de notre système, son manque de cohérence, de moyens et de visibilité me paraissent mériter une réflexion globale et audacieuse. Dans un monde où les médias sont omniprésents, une offre télévisée attractive et de qualité est un outil diplomatique formidable, un vecteur d'idées et de valeurs à nul autre pareil. C'est ainsi que nous devons l'envisager, non comme un luxe à l'utilité contestable.

Cet outil diplomatique doit avoir des objectifs clairs. J'en vois trois : une mission d'influence culturelle et politique dans le monde, la promotion de la francophonie dans sa diversité et la réponse aux demandes des publics locaux.

Pour les atteindre, et sans entrer dans des détails budgétaires ou techniques sur lesquels nous travaillons en ce moment même, je crois qu'il nous faut travailler dans différentes directions :

Redéfinir précisément les orientations stratégique de l'audiovisuel extérieur public français : quels médias pour quelles régions du monde ? Quels partenariats avec les médias étrangers ?

Organiser une structure vraiment opérationnelle dirigée par des professionnels au service de notre politique d'influence.

Organiser une plus grande complémentarité entre les opérateurs, dans la diffusion comme dans la distribution, dans les contenus comme dans les langues.

Prendre la mesure des nouveaux modes de production et de consommation audiovisuels et placer notre audiovisuel extérieur sous le signe d'Internet.

Derrière ces préconisations générales, il y a un enjeu essentiel de puissance et de rayonnement. CNN, mais aussi la BBC ou Al Jazeera, sont aujourd'hui des vecteurs de premier plan. Si elle veut se doter d'un tel pouvoir d'influence, la France doit être capable de faire en ce domaine les efforts qui s'imposent. C'est en tout cas mon ambition : j'ai fait des propositions en ce sens au président de la République.

Je voudrais pour finir évoquer devant vous certaines échéances qui nous attendent, à commencer par la présidence française de l'Union européenne. Sa préparation doit être l'occasion de réfléchir aux priorités que nous souhaitons promouvoir, en Europe et ailleurs. Je vous rappelle que c'est en juillet 2008.

Je pense par exemple à l'aide au développement, qu'il faut aussi envisager à l'échelon européen. Cela nous place directement dans la perspective du Forum d'Accra de la fin 2008. Je souhaite que l'aide au développement soit une priorité claire et sans équivoque de la Présidence française, avec en point commun la tenue à Paris des Journées européennes du développement.

Je pense aussi à notre politique culturelle et linguistique. La diversité est une question qui interroge profondément notre identité européenne. A la recherche d'une unité qui se dérobe, beaucoup oublient que le propre de l'identité européenne réside dans sa pluralité, dans la rencontre de génies qui ont d'abord incarné des cultures nationales : si Cervantès, Rabelais, Dante ou Goethe figurent désormais au panthéon d'un patrimoine commun, ils ont d'abord été les symboles de langues et de nations jalouses.

La saison culturelle européenne sera l'occasion de faire valoir cette unité dans la diversité. Elle permettra aussi de mener des actions en faveur de la francophonie : si le Français n'est plus parlé en Europe, comment pourrons-nous le promouvoir en Afrique, au Maghreb, en Asie ?

Je voudrais enfin attirer votre attention sur le débat d'idées. Les positions que porte la France doivent être expliquées et défendues. Cela est particulièrement vrai sur l'Europe. Nous devons faire vivre le débat sur ce que c'est qu'être européen aujourd'hui, sur l'avenir politique de l'Union. Mais cela est vrai sur tous les grands sujets internationaux. Notre réseau doit par exemple apporter sa contribution à la proposition française d'Union méditerranéenne.

Il me paraît donc essentiel que les ambassades soient en mesure de participer au débat d'idée dans leur pays de résidence et s'attachent à mieux faire connaître intellectuels, chercheurs, universitaires et artistes français. Vos liens avec les think tanks implantés dans vos pays doivent être étroits et confiants : vous devez pouvoir leur proposer des noms, des thèmes, des idées. Le Département vous y aidera.

Mesdames et Messieurs, Chers Amis, j'ai été très long et je m'en excuse sincèrement. Mais, que voulez-vous ? j'avais beaucoup de choses à vous dire sur un sujet fondamental et qui me passionne.

Je sais que le travail accompli ici dans les différents ateliers, les échanges autour de vos expériences de terrain permettront d'enrichir et de moderniser nos pratiques. Je pense au développement des partenariats avec des entreprises, des collectivités locales et des opérateurs culturels français, à des programmes de coopération entre les acteurs de la recherche et de la formation, ou encore à la mutualisation des ressources en ligne du réseau... Autant de chantiers que vous menez au quotidien, autant de perspectives pour une diplomatie rénovée, attachée au partage des idées et plaçant la culture au cœur du développement.

Je voudrais vous remercier sincèrement pour le travail formidable et indispensable que vous effectuez chaque jour. Vous êtes les éclaireurs dont la France a besoin, vous êtes les têtes de pont de sa nouvelle diplomatie, héritiers de Diderot, de Pasteur ou de René Cassin, les précurseurs d'une grandeur réinventée.

Mes Chers Amis, pour terminer, je ne résiste pas au plaisir de vous citer André Malraux :

- "Un pays comme l'Angleterre n'a jamais été plus grand que lorsqu'il était sous la bataille de Londres. Mais la France n'a jamais été plus grande que lorsqu'elle était la France pour les autres. Il n'y a pas une route d'Orient sur laquelle on ne trouve des tombes de chevaliers français, il n'y a pas une route d'Europe sur laquelle on ne trouve des tombes des soldats de l'an II. Mais cette France-là n'était pas pour elle-même. Elle était pour tous les hommes. Et ce que nous devons tenter actuellement, c'est d'être ce que nous pouvons être, non pas pour nous-mêmes, mais pour tous les hommes."

Ce que je vous propose, mes chers mais, ce n'est pas, bien sûr, de parsemer les routes du monde de nouvelles sépultures, mais de faire en sorte qu'il n'y ait pas une bibliothèque d'Asie sur laquelle on ne trouve un livre français, pas un esprit africain éclairé dans lequel on ne trouve un peu d'âme française, pas un site web américain de qualité sans lien vers un site francophone.

Ensemble, nous allons construire ce ministère de la mondialisation qui rendra sa place à notre pays, qui rendra sa fierté à notre maison et à notre réseau./.


JOURNEES DE LA COOPERATION INTERNATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT
ALLOCUTION DU SECRETAIRE D'ETAT A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE,
M. JEAN-MARIE BOCKEL

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame la Directrice générale,
Messieurs les sénateurs
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Comme vous le savez, j'ai pris mes fonctions il y a un peu moins d'un mois. Durant ces trente premiers jours, je me suis efforcé de rencontrer la plupart d'entre vous, sur vos lieux de travail, à Paris et lors de mes premiers déplacements à l'étranger, au Gabon et au Mali. J'ai pu mesurer la passion qui vous anime, votre dévouement, votre professionnalisme. Vous m'avez également interrogé, parfois même fait part de vos doutes, de vos inquiétudes.

Ces journées 2007 me donnent ainsi l'occasion de vous répondre, tout en complétant utilement ma connaissance du monde de la coopération française. C'est une occasion unique, pour moi, de vous adresser collectivement quelques messages, puis, si vous le voulez bien, de vous entendre. Je souhaite en effet que nous construisions ensemble un dialogue efficace, libre et sans faux-semblant.

Mon premier message est un constat.

Vous qui pratiquez au quotidien les métiers du développement, vous qui êtes également aux avant-postes de la mondialisation, ce constat ne vous surprendra pas. Dans le monde dans lequel nous vivons, singulièrement celui où nous agissons, les nouvelles ne sont pas très bonnes. Certes, à l'échelle du monde, l'extrême pauvreté recule, et certaines régions, à l'image de l'Asie, connaissent même une croissance spectaculaire. Mais les inégalités se creusent entre les nations. En dépit des engagements pris à l'aube du XXIème siècle par la communauté internationale, les pays qui étaient les plus pauvres en l'an 2000 le sont tout autant ou presque, en 2007.

En Afrique, à quelques trop rares exceptions près, l'écart avec le reste du monde ne cesse de se creuser. Or si nous avons bien collectivement une obligation de résultat et d'ambition, nous devons également rester modestes et surtout lucides. Tout ne peut pas venir de l'aide extérieure, et il ne suffit pas d'organiser la charité pour redonner espoir à tous les exclus de la croissance et de la prospérité.

D'abord parce que la responsabilité du développement est une responsabilité partagée, et la France entend l'assumer pleinement. Mais, disons le clairement, la réussite de cette ambition commune, dépend d'un effort collectif produit par l'ensemble des nations et de leurs dirigeants.

Ensuite parce que nous refusons de nous satisfaire de liens d'assistance qui placent les uns en situation de puissance et les autres en situation de dépendance. Notre ambition, hors l'aide humanitaire est plutôt de permettre aux individus et aux peuples de s'insérer dans la globalisation et d'en devenir des acteurs de plein exercice. Il faut par conséquent sortir de la logique de l'aide, vécue comme un simple don, pour entrer dans une logique d'investissement, où bailleurs et récipiendaires sont conjointement responsables.

Mon second message est une règle de méthode.

Pour être efficaces, nous devons aller à l'essentiel. Nous avons besoin de concevoir en commun les vraies priorités du développement. J'en vois cinq, qui correspondent aux principaux défis auxquels l'humanité est confrontée aujourd'hui.

Le premier est le défi écologique à travers la préservation des biens publics mondiaux. Si la maison brûle et que nous regardons ailleurs, pour reprendre une image qui a fait son chemin, nous courrons collectivement le risque de voir tous nos espoirs de développement réduits à néant.

Comment prétendre être au rendez-vous des grands Objectifs du Millénaire pour le Développement, si nous négligeons notre maison commune ? Comment imaginer réduire la pauvreté dans le monde si les déserts gagnent sur les terres fertiles ? Comment faire coexister pacifiquement les nations si l'accès à l'eau potable se raréfie, au point d'engendrer des conflits ? Comment réduire l'urbanisation sauvage, les bidonvilles, si les peuples se concentrent sur les littoraux, et pire, si demain, avec la fonte des glaciers, il leur faudra survivre dans des terres inondées et donc insalubres ?

Le second défi vous est tout aussi familier. On en parle trop peu et le plus souvent trop mal ou de manière polémique. Il s'agit des problèmes démographiques.

Voilà dix ans que le continent africain connaît, une croissance de son PIB de l'ordre de 5 à 6 % en moyenne. Cette croissance soutenue, enviable à bien des égards, n'est malheureusement pas synonyme de prospérité. C'est une croissance, si l'on peut dire, sans développement.

La moitié de cette croissance est absorbée mécaniquement par l'augmentation démographique. A ce rythme, il faudrait encore des décennies pour que l'Afrique rejoigne ne serait-ce que le niveau de vie actuel de pays émergents. En 2050, 85 % de la population mondiale vivra au Sud, seulement la moitié y vivait en 1950. Au Niger, pays parmi les plus pauvres au monde, la fécondité  atteint le niveau record de 7,46 enfants par femme. Sa population pourrait passer à 50 millions d'habitants en 2050, contre 12,5 millions en 2006 et 2 millions en 1950.

Le défi est par conséquent immense et il faut que chacun en prenne la pleine mesure. Outre les politiques de contrôle de naissance, deux secteurs auront un impact direct sur la fécondité : la santé et l'éducation. Lorsqu'une femme sait qu'elle a deux fois plus de chance de perdre ses enfants en bas âge, elle n'a pas d'autre choix que de privilégier des naissances à répétition. En l'absence par ailleurs d'éducation, les jeunes femmes n'ont pas la maîtrise de leurs choix de vie.

Le troisième défi, au-delà de l'accompagnement des politiques urbaines, est celui du développement rural. Avec à la clef un enjeu plus précis : comment être en mesure d'assurer pour toutes les nations la sécurité alimentaire ?

Le monde s'urbanise à pas de géant. Dans moins de cinquante ans, trois mille villes au moins auront plus d'un million d'habitants. Pourtant, le monde d'aujourd'hui reste pour l'immense majorité des pays les plus pauvres encore largement rural. En Afrique sub-saharienne, l'agriculture, le plus souvent de subsistance, occupe toujours les deux tiers de la population active. Et les femmes sont particulièrement concernées : la proportion de celles qui gagnent un salaire en dehors du travail de la terre ne dépasse un tiers.

A défaut de relever ce défi du développement rural, comme l'ont fait de nombreux pays d'Asie, avec la révolution verte, nous devrons continuer à faire face à la croissance anarchique des villes, à la désertification des campagnes, à la montée de la criminalité, à la multiplication des conflits, à l'exode des plus démunis. Tout cela conduisant inéluctablement à une émigration de la misère dont personne ne peut vouloir.

Le quatrième défi est celui de la gouvernance.

Gouvernance mondiale, tout d'abord, à travers la mise en œuvre de principes couramment admis au sein de chacun de nos Etats : redistribution des revenus, solidarité entre les générations, protection des plus faibles…

La réalisation de ces objectifs requiert une communauté internationale soudée qui ne soit pas sourde à la voix des plus démunis. Cela suppose également une organisation mondiale où chacun puisse être efficacement représenté et faire valoir valablement ses points de vue et ses droits. Il est enfin nécessaire que les règles du commerce international soient équitables et qu'elles permettent aux plus faibles de tirer le meilleur parti des échanges mondiaux. Reconstruire ici ou là des filières agricoles, pour le coton par exemple, est un travail de Sisyphe si l'on ne limite pas au préalable les distorsions de concurrence. Qu'il s'agisse de subventions abusives ou de  normes sanitaires parfois clairement protectionnistes.

Ces efforts en vue d'une meilleure gouvernance mondiale n'auront de sens que s'ils sont relayés par les pays en voie de développement. La faiblesse des investissements, nationaux ou étrangers, en Afrique, comme le faible niveau de l'épargne, sont autant d'indicateurs préoccupants.

Là où règne l'arbitraire, là où la démocratie est bafouée, les Droits de l'Homme violés, les décisions de justice jamais ou rarement appliquées, là où se développe la corruption, la communauté internationale se doit de parler vrai. Ne renonçons jamais à des valeurs et à des exigences qui servent d'abord les peuples avant d'être au service des Etats. L'histoire le prouve : les lâchetés d'aujourd'hui peuvent être les conflits de demain.

Le cinquième défi, enfin, est celui de la diversité culturelle et linguistique. Peut-on concevoir un monde en paix où des millions d'individus seraient privés du droit le plus élémentaire de transmettre aux générations futures leurs langues, leurs histoires, leurs rêves ?

Dans un monde saturé d'images, qui appartiennent aux autres, il est vital que chaque nation, que chaque peuple, puisse trouver ses propres modes d'expression afin de pouvoir se définir, de pouvoir exister et se faire connaître. Les pays les plus pauvres, les exclus de la croissance et de la prospérité, sont également les grands absents du rendez-vous mondial de l'information, de la communication et de la culture.

J'aurai l'occasion après-demain, à l'ouverture des journées de CulturesFrance, de revenir plus longuement sur notre action culturelle et linguistique, sur le sens du combat pour le français, sur la modernité de la francophonie, sur le rôle de la recherche et de la formation pour les élites de demain.

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Dans ces conditions, que pouvons-nous faire ?

Quels sont les moyens à notre disposition pour relever ces défis ?

Je l'ai dit tout à l'heure. La France ne peut pas tout.

Pour être efficace, il nous faut choisir, nous concentrer, aller à l'essentiel : réorientons au plus vite nos actions, en dégageant des priorités claires et en nombre limité.

J'entends conduire cette démarche en étroite concertation avec vous.

Je n'ignore pas que nous venons de négocier dans la plupart des pays de la Zone de Solidarité Prioritaire des Documents Cadres de Partenariat, qui nous engagent sur une période de cinq ans. Certains d'entre vous ont procédé à une première évaluation de leur impact et ont d'ores et déjà esquissé de nécessaires  inflexions.

Il ne s'agit pas de faire du passé table rase, les évolutions devront se faire progressivement et dans la durée. Mais nous devons aller vers davantage de concentration, en privilégiant nos actions dans chacun des pays sur un ou deux axes stratégiques parmi les priorités évoquées. Ces choix devront être déterminés en concertation étroite avec nos partenaires. L'efficacité et la visibilité de notre action sont à ce prix. A terme, il nous faudra sans doute envisager de mutualiser nos interventions avec nos partenaires européens dans les pays où notre présence n'est pas significative. Nous ne pouvons pas tout faire, partout.

Parallèlement à cet effort de concentration, il nous faut également ordonner nos modalités d'intervention. Notamment en tenant compte de la réalité des géographies dans lesquelles nous opérons. Plus essentiellement encore, en dégageant de nouvelles règles, simples et compréhensibles, portant à la fois sur la conditionnalité de l'aide et sur ses modalités.

La conditionnalité d'abord.

Il n'est pas normal que les Etats aidés le soient de manière indifférenciée, sans prendre en compte le sérieux de leurs engagements, notamment en matière de gouvernance. Là encore, les critères doivent être simples de manière à pouvoir les expliciter au plus grand nombre, récipiendaires et donateurs, en cas de désaccord entre bailleurs et gouvernants.

J'en vois au moins quatre : le pouvoir a-t-il été élu de manière démocratique ? Les politiques publiques bénéficient-elles aux populations qui en ont le plus besoin ? Les Droits de l'Homme sont-ils respectés ? Quels sont les efforts en matière de lutte contre la corruption ?

Si la réponse à chacune de ces questions est négative, le dialogue politique doit prendre le relais. Cela suppose préalablement, bien sûr, un accord a minima des principaux bailleurs. Une initiative dans ce sens pourrait être prise par l'Union européenne, premier contributeur net de l'aide publique au développement.

En conséquence, les modalités de l'aide doivent être réformées.

En fonction de la situation de départ des pays et de leurs performances en matière de gouvernance, au sens large, trois cas de figure pourraient être envisagés : les pays à faible gouvernance, les pays de gouvernance démocratique et les pays intermédiaires.

- pour les pays à faible gouvernance, le recours aux formes de coopération non-gouvernementales doit être privilégié (ONG, coopération décentralisée, codéveloppement). L'approche par projets, la plus adaptée à ces formes de coopération, permettra un suivi plus rigoureux de la dépense et limitera le risque du "chèque en blanc". Dans le même temps, et notamment dans le cas des pays en sortie de crise ou pour les Etats dits "fragiles", l'accent devra être mis sur le renforcement des capacités et sur l'appui à la reconstruction de l'Etat ;

- pour les pays de gouvernance démocratique, l'approche sectorielle peut être privilégiée. Il s'agit ici de conforter les politiques publiques favorables au développement, en interférant le moins possible sur la cohérence du dispositif. Dans les cas où la gestion des finances publiques apparaît comme particulièrement transparente et efficace, l'aide sectorielle peut être étendue à l'ensemble des politiques publiques, sous la forme d'une aide budgétaire indifférenciée. Ce qui implique, là encore, que nous soyons pleinement prêts à nous intégrer à la communauté des bailleurs de fonds, à ne pas avoir forcément le souci de notre seule visibilité, mais aussi celui de l'efficacité collective ;

- pour les pays intermédiaires, les deux options doivent sans doute être combinées.

Nous avons la chance aujourd'hui, grâce à l'opérateur pivot de l'aide française, l'AFD, de disposer d'une gamme très large d'outils. Ces outils que sont les subventions, les prêts souverains et non souverains, les  garanties et le financement de l'assistance technique doivent être mis au service d'une vraie politique. Laquelle suppose une définition systématique des enjeux de notre intervention, de nos intérêts, parce que nous en avons, de nos forces et faiblesses, de nos capacités réelles de faire bouger les choses sur le terrain.

Ces outils doivent bien sûr s'insérer dans le cadre d'intervention d'ensemble des bailleurs, en phase avec les politiques nationales, dans l'esprit des engagements souscrits au titre de la Déclaration de Paris pour une aide harmonisée et efficace.

Il nous faut, enfin, lever l'hypothèque permanente qui pèse sur les budgets de la coopération française.

Il ne saurait y avoir, d'un côté, une ambition politique forte, et de l'autre, des moyens en constante diminution. C'est un élément essentiel de la crédibilité de la France sur la scène internationale. La parole donnée doit être respectée. Je me battrai en ce sens. Car nous n'atteindrons pas notre objectif de 0,7 % du PIB consacré à l'APD en 2015 si nous ne consentons pas annuellement des efforts importants.

Il nous faudra sans doute aussi recouvrer des marges dans notre aide bilatérale. En 2005, sur un budget de plus de 8 milliards d'euros d'APD, nous avons consacré moins de 3 milliards à l'aide bilatérale, hors allègements de dettes. Il nous faut trouver un point d'équilibre. Nous ne pouvons compter exclusivement sur les autres pour réaliser nos ambitions et mettre en œuvre notre vision.

De même nous ne pourrons pas convaincre nos concitoyens, nos contribuables, nos parlementaires, si nous ne faisons pas preuve d'efficacité et si nous ne sommes pas capables, jour après jour, d'afficher nos résultats grâce à l'évaluation systématique de nos actions. Nous devons bien sûr faire connaître nos réussites, mais aussi avouer plus franchement nos échecs pour en tirer de vraies leçons et ne pas vivre dans ce déni des réalités qui caractérise de nombreux bailleurs de fonds.

Le renforcement de l'action publique doit également s'accompagner d'une nouvelle gouvernance de l'aide tenant compte de la multiplicité des acteurs et des partenaires, formant des coalitions au service du développement. L'action publique sert alors de force d'incitation et d'impulsion, d'accélérateur, de puissance d'organisation et de coordination.

Parmi les coalitions les plus prometteuses, il faut citer les réseaux de solidarité qui se tissent partout dans le monde entre les diasporas et les pays d'émigration. La France, à travers l'action du ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, entend faire de cette nouvelle solidarité l'un des axes forts de sa politique de développement. Nous veillerons avec mon collègue, M. Brice Hortefeux, à ce que cela n'entraîne pas pour autant de fragmentation de notre politique d'aide, qui doit conserver toute sa cohérence et poursuivre des objectifs communs.

Parmi les acteurs non-gouvernementaux de l'aide publique au développement, outre les initiatives individuelles, la contribution des migrants, ou encore le rôle des entreprises et des fondations, je tiens à insister ici sur deux formes particulièrement innovantes de coopération : l'action des ONG, d'une part, l'action des  collectivités territoriales, d'autre part.

Au cours des dernières années, les ONG de développement ont acquis une légitimité accrue. Elle tient, selon moi, à trois éléments : la proximité naturelle qu'elles entretiennent avec les bénéficiaires directs de l'aide ; la professionnalisation de leurs interventions ; leur capacité, enfin, à s'adresser directement et efficacement aux médias et à l'opinion.

De leur côté, les collectivités territoriales sont également devenues des acteurs incontournables du développement. La gouvernance territoriale, la décentralisation, la formation des cadres territoriaux et des élus locaux, sont aujourd'hui autant d'éléments-clés dans les politiques de développement. L'action des villes, des agglomérations de communes, des départements, des régions, est essentielle : elle met en relation directe des expertises, des savoir-faire, mais aussi et surtout des femmes et des hommes qui ont le constant souci d'adapter leurs actions aux réalités du terrain.

Vous l'aurez compris, pour relever les grands défis du développement, leur participation est indispensable et la bataille du développement ne se gagnera pas sans elles.

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je souhaite terminer mon propos sur les atouts dont nous disposons pour porter ensemble cette ambition et cette vision.

Le premier de ces atouts, ce sont les femmes et les hommes au service du développement et du rayonnement de la France dans le monde. Vous êtes le principal actif de la maison France à l'étranger, vous faites vivre et avancer, chacun et chacune dans vos postes ou à Paris, chacun et chacune dans vos missions singulières, le chantier toujours ouvert de la coopération.

Permettez-moi de rappeler des chiffres que vous connaissez mieux que quiconque : notre dispositif de coopération, avec les 45 agences de l'AFD, les 174 antennes des services de coopération, notre réseau culturel, avec ses 144 instituts et 222 alliances, nos 232 établissements scolaires français à l'étranger, constituent les éléments vitaux d'un ensemble qui s'adapte en permanence. Cet effort de rationalisation et de modernisation, tenant notamment compte des évolutions géopolitiques et diplomatiques, doit être maintenu.

Ne nous voilons pas la face. Notre ministère, comme tous les autres ministères, va faire l'objet d'audits dans le cadre de la modernisation de l'Etat et de la révision des politiques publiques.

Il nous faut dans ce cadre agir plutôt que subir, proposer des réformes et des adaptations continues de structures, sinon d'autres le feront pour nous à notre place. Nous devons en particulier nous donner les moyens d'un véritable pilotage stratégique et managérial, avec des instruments modernes d'analyse de nos coûts, d'une programmation qui ne soit plus exclusivement géographique mais aussi sectorielle.

Je tiens à dire en particulier qu'aujourd'hui nous ne mettons pas assez de moyens sur un secteur dont j'ai déjà parlé et qui est la clé de la réussite de toutes les actions de développement et de coopération, celui de la gouvernance démocratique.

Chaque fois que cela est possible nous devons déléguer et externaliser en dehors du ministère les micro-tâches de gestion qui trop souvent paralysent votre action. La contractualisation des objectifs doit devenir à tous les niveaux de responsabilité la règle, avec des vraies délégations de responsabilités et une évaluation sur les résultats obtenus. Vous devez être jugé sur votre imagination, votre capacité à impulser des politiques nouvelles, à construire des partenariats, et non pas, permettez-moi d'être cru, sur votre capacité à remplir les rubriques des "fiches-navette" ou à exercer un contrôle tatillon et bureaucratique sur nos opérateurs...

A partir de ces atouts, nous devons engager la préparation de l'avenir.

Et d'abord assurer la relève générationnelle. Les coopérants entrés au ministère après les indépendances ont pris leur retraite ou sont sur le point de la prendre. Ils sont la mémoire et l'histoire de la coopération française. Et je tiens ici à leur rendre hommage.

Mais il nous faut aussi nous tourner résolument vers l'avenir. Les métiers de solidarité internationale attirent la jeunesse. Donnons-nous les moyens de leur assurer des conditions de carrière à la hauteur de leurs espérances et de leur engagement.

Il nous faut pour cela revoir ensemble notre politique de recrutement. Elle doit reposer sur une étude fine des métiers de la coopération, qui, comme vous le savez, sont extrêmement diversifiés. Nous devons surtout organiser le déroulement des parcours, pour attirer les meilleurs, les plus motivés. Je vais y travailler avec les services de la Direction générale de l'administration du Quai d'Orsay. Je souhaite ainsi remettre à plat le statut des coopérants en procédant à une refonte de la loi de 1972.

Enfin, pour donner à nos missions tout leur sens, nous avons besoin d'apprendre à mieux faire connaître nos métiers, à communiquer davantage sur nos réalisations.

Pour être entendus et surtout crédibles, il nous faudra fournir la preuve de l'efficacité de nos politiques : la mesure de l'impact de nos projets est ici essentielle. Nous devons systématiser les évaluations externes et diffuser largement leurs résultats. Nous devons, comme a déjà commencé à le faire l'Agence française de Développement, formaliser des objectifs de résultats pour les populations dans toutes les politiques que nous entendons mettre en œuvre.

J'entends aussi conduire le travail d'explication de nos métiers en direction du grand public et de la jeunesse en liaison étroite avec les ministères de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Je souhaite également organiser de véritables campagnes de communication en m'appuyant le plus largement possible sur ces fantastiques relais d'opinion, acteurs majeurs de la solidarité internationale, que sont les ONG et les collectivités territoriales.

Notre politique de coopération a besoin d'une nouvelle donne. Nous inspirant de certains de nos partenaires européens, nous avons à construire un nouveau ministère, celui du développement international et de la mondialisation solidaire.

Dans un monde ouvert, multipolaire, fait d'échanges et d'interactions permanentes, la réduction des inégalités est un puissant facteur de justice et de paix. En se mettant à l'heure du monde, celle de l'action collective et pragmatique, je souhaite que la France devienne le catalyseur d'un développement enfin partagé. Loin de l'empilement des engagements successifs et des affrontements administratifs stériles, le moment est venu de l'action réaliste et cohérente, de la modestie efficace, d'une synergie ambitieuse de nos forces et de nos intelligences.

Voilà, je l'espère, une feuille de route capable de donner confiance et espoir à tous les agents et acteurs du développement. Ensemble nous ferons, j'en émets le vœu le plus sincère et le plus passionné, de la coopération française un outil performant mis au service de nos valeurs de solidarité et de partage.

L'heure est à l'action : Chers Amis, au travail !./.


JOURNEES DE CULTURESFRANCE
ALLOCUTION DU SECRETAIRE D'ETAT A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE,
M. JEAN-MARIE BOCKEL

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

J'ai eu l'occasion, lors des Journées de la Coopération internationale et du Développement, d'ouvrir un dialogue avec vous.

J'ai évoqué le sens de nos métiers, le renouvellement de nos approches et de nos méthodes, et plus largement, la nécessaire réforme de la coopération française.

Au-delà de la diversité des cultures et des langues qui est l'un des enjeux du développement international, je souhaite aborder aujourd'hui nos actions en matière de coopération culturelle et linguistique.

Il s'agit là, vous le savez, d'un enjeu déterminant, tant à l'échelle nationale de la diplomatie française qu'à l'échelle internationale des échanges culturels.

Vous connaissez, encore mieux que moi, le caractère stratégique de votre action.

Notre rayonnement culturel participe à cette mondialisation des cultures qui déplace sans cesse les frontières.

Et, parlons clair, il constitue l'un des attributs de la notoriété, quand ce n'est pas tout simplement celui de la puissance.

Ainsi comment ne pas être conscients des enjeux économiques liés aux activités du secteur culturel ?

Les métiers de la culture connaissent une croissance forte et soutenue.

En France, la part économique des activités culturelles est équivalente à celle de l'industrie automobile et elle représente deux fois la part du secteur des assurances. L'emploi culturel a progressé deux fois plus vite que le reste de l'emploi depuis 1990.

Le patrimoine culturel et artistique contribue largement à l'attractivité touristique de notre territoire. Les industries culturelles, relayées par vos actions de terrain, valorisent ce patrimoine.

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je n'ignore pas pour autant qu'une ambition sans moyens, mais aussi sans bonne gouvernance, tourne le plus souvent à la frustration, quand ça n'est pas tout simplement à la colère.

Dans un rapport qui a fait date, le député Yves Dauge avait parlé, en 2001 déjà, d'un malaise mêlé de révolte.

Malaise d'autant plus frappant, selon le rapporteur, qu'il touchait non pas une technocratie rétive au changement, mais "des hommes et des femmes d'un dynamisme sans pareil (…), ressentant durement leur isolement et leur paupérisation sous une tutelle parfois futile, souvent décalée et tatillonne, et se désespérant de voir la France gaspiller ses atouts".

Qu'en est-il aujourd'hui, six ans plus tard ?

Pour répondre à cette interrogation, permettez-moi de passer en revue nos principaux instruments d'action: la promotion de notre culture et de sa langue, la recherche et la formation des élites, la présence française dans le paysage audiovisuel mondial.

J'évoquerai d'abord, l'immense chantier de la défense et de la promotion du français dans le monde.

Il s'agit là d'un vecteur majeur de notre rayonnement et partant de notre influence. Avec 200 millions de locuteurs francophones dans le monde, 85 millions d'apprenants et quelques 600 000 élèves inscrits dans nos établissements culturels, nous disposons d'un capital considérable. Il convient néanmoins de le faire fructifier.

Beaucoup a été fait dans la période récente.

Des stratégies régionales ont notamment été élaborées afin de concentrer notre action de promotion sur des objectifs prioritaires.

L'Europe en tout premier lieu, avec la bataille pour le maintien du statut du français comme langue de travail de l'Union européenne, et par conséquent pour sa place de grande langue de communication internationale.

Sur ce point, les dernières évolutions ne sont guère encourageantes. Il nous faut par conséquent renforcer les moyens alloués au plan de formation destiné aux fonctionnaires et diplomates travaillant à Bruxelles ou en relation avec l'Union européenne.

Un effort particulier doit être consenti en direction des pays d'Europe qui viennent de nous rejoindre. Je souhaite impliquer davantage la Francophonie dans cette bataille essentielle, en profitant notamment de la présidence française de l'Union européenne.

Nous devrons également mettre l'accent sur l'Afrique francophone, le Maghreb, le Proche-Orient, qui constituent les bassins de francophonie les plus étendus, là où le français porte des enjeux de développement.

Sans négliger pour autant les grands pays émergents, dont les élites jouent d'ores et déjà un rôle déterminant sur la scène internationale.

Notre "investissement" linguistique doit donner à la France toute sa visibilité auprès des futurs décideurs économiques et politiques.

Il est important que le français puisse être davantage perçue comme une langue des affaires.

Je tiens à saluer le succès de l'initiative "Oui je parle français", élaborée, à destination des entreprises françaises présentes à l'étranger, avec l'Alliance française, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et le Forum francophone des affaires.

Notre présence linguistique se construit.

Particulièrement à travers l'enseignement et la formation, et elle requiert des moyens adéquats. Je me félicite à cet égard qu'ait été adopté un plan triennal de formation de 10 000 professeurs de français dans le monde.

Concernant les méthodes d'apprentissage du français, il est essentiel de tirer rapidement tout le parti possible des nouvelles technologies et de l'audiovisuel éducatif. Sites et portails Internet, jeux vidéo, téléphonie mobile, participent au rajeunissement de l'image de notre langue.

Il nous faut également veiller à ce que le réseau des 428 établissements à programme français, le premier au monde en nombre d'élèves, puisse continuer de disposer des moyens nécessaires. Non seulement pour accueillir dans de bonnes conditions les enfants de la communauté française mais aussi pour former les élites francophones de demain. C'est une mission essentielle, puisque sur les 250 000 élèves scolarisés dans nos lycées 66 % ne sont pas français. C'est dire combien demeure fort le désir de français ou d'éducation "à la française".

L'action culturelle extérieure constitue un deuxième grand chantier. Elle est située au croisement de notre diplomatie d'influence et de notre action en faveur de la diversité des identités, des cultures et des échanges.

Le réseau culturel français mérite d'être défendu.

Contrairement à certaines idées reçues, il n'est pas pléthorique. Les centres et instituts français ne sont pas plus nombreux que les centres du Goethe Institut ou du British Council.

Il est par ailleurs relativement peu coûteux puisque son coût total représente à peine plus que la subvention de la seule Bibliothèque nationale de France. (ajout oral du ministre : mais comparaison n'est pas raison et cet argument ne me plait pas trop...)

Il n'est pas non plus figé car il a déjà évolué dans ses implantations, dans ses missions et dans ses modes de fonctionnement.

Il n'est pas non plus en perte de public puisqu'au contraire son audience est en augmentation.

Cette réalité encourageante ne doit pas pour autant obscurcir notre jugement.

Le réseau est aujourd'hui à la limite de l'asphyxie financière. Sa capacité d'autofinancement, très conséquente (43 % en moyenne), atteint ses limites. Certains centres sont aujourd'hui en voie de paupérisation et leur programmation en pâtit.

Au-delà des nécessaires moyens supplémentaires, nous avons aussi le devoir d'établir de claires priorités, de gagner en cohérence, voire parfois en efficacité. Notre investissement culturel doit aussi pouvoir se mesurer en termes d'impact et de bénéfices partagés.

A l'image de la nouvelle gouvernance réformant nos politiques d'aide au développement, nous aurons toujours raison d'inventer et de proposer des changements plutôt que de les subir.

Poursuivons donc les redéploiements en allant dans le sens d'une plus grande régionalisation et d'une simplification accrue de notre dispositif.

Ces réformes de structures devront s'accompagner d'un large plan de communication destiné à rendre visible la modernisation continue de notre réseau.

Enfin, notre ministère doit pouvoir assumer pleinement son rôle de pilotage en s'impliquant davantage dans la définition et la mise en œuvre d'une véritable politique culturelle internationale.

Politique qui concerne aussi bien les domaines d'intervention de l'agence CulturesFrance, avec notamment la mise en œuvre d'un plan efficace pour la promotion des artistes français à l'étranger, que le patrimoine et les musées, avec la mise en place de l'Agence internationale des musées de France.

N'oublions pas non plus d'accorder une attention particulière à la place de la jeunesse mais aussi du sport dans notre action culturelle extérieure.

Ce pilotage stratégique est parfaitement en phase avec le renforcement de notre opérateur culturel, CulturesFrance.

En faisant le choix d'étendre la palette d'interventions de l'opérateur historique du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture, nous avons fait le pari de la clarification des métiers et surtout de la professionnalisation de l'action culturelle.

Je souhaite que la nouvelle agence puisse recevoir à terme le statut d'établissement public qui lui permettra de fonctionner avec toute l'efficacité dont est capable l'ensemble de ses personnels.

Ce nouveau statut donnera à CultureFrance la possibilité de diversifier ses modes de financement, notamment à travers la signature de partenariats européens. De plus, l'agence saura se rapprocher, davantage encore, des acteurs non institutionnels que sont les entreprises ou les universités.

CultureFrance pourra ainsi jouer à plein son rôle d'ingénierie culturelle et de pivot dans la constitution de coalitions culturelles.

L'agence travaillera également au renforcement des structures existantes qui ont fait leur preuve. Nous ne pouvons pas tout recommencer tout le temps. L'ambition de notre action culturelle ne doit pas se limiter à une politique événementielle. Nous devons nous inscrire dans la durée et laisser des traces pérennes de notre action. 

Je souhaite, enfin, en tant qu'élu local, que vous intégriez davantage les collectivités territoriales françaises à votre action à l'étranger. Là aussi, libérons les énergies et les talents, en profitant du savoir-faire partagé et des proximités, tissées au fil des ans, qui ne demandent qu'à être valorisés.

Permettez-moi d'évoquer maintenant la recherche et la formation des élites.

Non seulement parce que la France, comme la plupart des grands pays industrialisés, est engagée dans la compétition internationale des savoirs. Et que de la recherche d'aujourd'hui dépendent les progrès, les activités et les emplois de demain.

Mais aussi, parce que la recherche et la formation constituent de puissants leviers de développement.

Notre réseau à l'étranger doit ainsi contribuer à la mobilisation de toutes nos ressources : par notre capacité de veille scientifique et technologique, par le développement des échanges et des collaborations scientifiques, par la mise en valeur de la recherche française dans les grands débats.

En France, nous devons poursuivre les efforts entamés au cours des dernières années pour ouvrir plus largement encore aux étrangers nos grandes écoles et nos universités.

Avec 265.000 étudiants, chiffre en croissance de plus de 50 % en cinq ans, la France se place au troisième rang mondial.

La création du nouvel opérateur CampusFrance, en mars 2007, simplifie le paysage institutionnel et devrait faciliter les démarches des étudiants aussi bien pour accéder aux études en France que pour s'y installer. Cet effort de simplification et de rationalisation, d'amélioration des conditions d'accueil, devrait nous permettre de consolider notre place et de réaffirmer notre ambition en matière d'attractivité des élites mondiales.

La recherche française est très attendue par nos partenaires du Sud.

Considérée à juste titre comme un "nouveau chantier de l'aide", la recherche répond à une double mission : à la fois dans ses applications concrètes dans tous les domaines du développement du Sud (santé, agriculture, notamment), mais aussi dans sa capacité à entraîner dans son sillage la recherche au Sud, à favoriser son insertion dans les réseaux internationaux.

La France dispose à cet égard d'un réseau unique d'instituts de recherche. Réseau qui constitue, comme vous le savez, une part non négligeable de l'APD de la France. Nous avons donc une obligation d'efficacité, de résultats, qui là encore repose sur l'existence d'indicateurs de performance fiables et d'évaluations régulières.

Je souhaite que dès la rentrée, sans doute dans le cadre du CICID, nous soyons en mesure d'élaborer une stratégie cohérente qui fasse de l'IRD l'agence de recherche pour le développement que nous appelons tous de nos vœux. De même, le rapprochement du CIRAD avec l'INRA, déjà maintes fois évoqué, devrait également se traduire par des actes.

Je souhaite évoquer devant vous, pour terminer, la présence française dans le paysage audiovisuel mondial. Notre présence sur les ondes et sur Internet est la meilleure garantie, à long terme, de notre influence mais aussi de l'existence réelle de la diversité culturelle.

C'est bien là que se jouera, pour l'essentiel, la bataille de demain : celle des images et de l'information.

De cette compétition des images, nous ne pouvons être absents. Pour faire entendre notre voix, pour limiter tout monopole sur l'information et l'image, la France a fait le choix dès le départ d'une communauté de destin, celle des nations ayant le français en partage.

Depuis 1984, année de regroupement en consortium de plusieurs chaînes francophones, jusqu'à la réforme en 2000 conduisant à la création d'un seul réseau mondial, TV5 a permis à plus de 176 millions de foyers de pouvoir accéder à une information et à une programmation diversifiées. TV5MONDE, chaîne en français à dominante culturelle, est ainsi devenu l'un des 3 plus grands réseaux mondiaux de télévision, aux côtés de MTV et de CNN.

Aujourd'hui, au-delà du monde francophone, il nous faut également toucher les élites quelles que soient leurs ères culturelles et linguistiques.

C'est tout le sens de la création voulue par la France d'une chaîne d'information multilingue, diffusée en continu, France 24.

Destinée avant tout aux relais d'opinion, France 24 devra notamment proposer des contenus rédactionnels spécifiques et des exclusivités pouvant faire événement.

Il existe une forte complémentarité éditoriale entre les deux chaînes dont nous devrons tirer pleinement parti avec nos partenaires.

Parallèlement, il nous faudra poursuivre les efforts engagés pour moderniser RFI et lui permettre de s'adapter aux modes de consommation actuels de la radio. RFI devra sans doute redéfinir ses zones de diffusion, préciser le choix de ses programmes en langue étrangère et poursuivre son positionnement sur Internet.

A cet égard, je souhaiterais que nous puissions ensemble anticiper l'avenir. Nous avons besoin d'investir rapidement et massivement le media Internet, à l'échelle internationale.

Le constat d'une omniprésence des contenus en anglais ne doit pas nous freiner. Afin de rester présent dans la bataille de l'information, nous devons disposer d'un outil adapté, en langue anglaise, à forte visibilité, facilitant l'accès des internautes au débat d'idées à la française. Ce portail nous fait aujourd'hui cruellement défaut.

Je souhaite conclure en rappelant, qu'au-delà de la légitime recherche d'influence, notre Francophonie doit aussi être à l'avant garde du monde.

Nous avons besoin d'une Francophonie qui conjugue le français au pluriel de la richesse des échanges culturels.

Cette Francophonie n'est ni crispée, ni défensive ni agressive, encore moins repliée sur elle-même.

Elle travaille au contraire à son affirmation, à la fois porteuse de son histoire et de son esprit, mais aussi ouverte à la diversité et à la jeunesse.

Diversité d'abord de la Francophonie puisque notre langue n'est pas celle d'une culture unique. Il existe bien des francophonies au pluriel.

Diversité ensuite au-delà des frontières francophones.

La Francophonie, issue d'une langue d'ouverture et d'échange, est un outil de partage qui construit, avec d'autres grandes ères linguistiques, une "internationale de la culture".

"Notre patrie" est bien, pour reprendre Camus, "la langue française" mais cette langue se nourrit des diversités qui la travaillent et l'entourent.

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Vous l'aurez compris, je compte sur votre énergie, sur votre imagination, pour être à la hauteur des enjeux internationaux auxquels nous sommes confrontés.

Vous portez aujourd'hui la voix de la France, d'une France qui regarde au-delà d'elle-même, vous êtes les dépositaires de son rayonnement et de son partage.

Je compte sur vous !./.


JOURNEES DE LA COOPERATION INTERNATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT
DISCOURS DU MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU CODEVELOPPEMENT,
M. BRICE HORTEFEUX

(Paris, 18 juillet 2007)

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame la Directrice générale de la Coopération internationale et du Développement,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de participer pour la première fois à ces Journées annuelles de la Coopération internationale et du Développement. Votre présence si nombreux à cette réunion est un signe de curiosité sans doute, mais aussi, je l'imagine, de la considération que vous portez déjà au nouveau ministère dont j'ai la responsabilité.

Que vous serviez à Paris en administration centrale ou en poste, sur le terrain, comme conseillers de coopération, directeurs d'alliances françaises ou de centres culturels, vous êtes les principaux acteurs de la coopération française.

La direction générale de la Coopération internationale et du Développement a été mise à la disposition du ministère dont j'ai la charge : par conséquent, nombre d'entre vous êtes, désormais, mes collaborateurs. Je me réjouis que cette collaboration puisse être, dans les faits, la plus étroite possible.

Si la création d'un ministère unique chargé de la politique d'immigration a été nécessaire tant pour des raisons de simplification administrative que d'efficacité politique, le choix du président de la République d'inscrire le codéveloppement dans l'intitulé même du ministère n'a rien d'anodin.

Ce choix est l'expression de deux principes, qui fondent l'action de mon ministère :

Je voudrais revenir sur ces deux principes et sur leurs implications opérationnelles, avant de dire quelques mots autour des thèmes de la culture, du savoir et du développement, que vous avez plus particulièrement choisi d'aborder cette année.

*

Premier principe : nous allons mettre en œuvre une politique d'immigration choisie et concertée, tenant compte de l'intérêt de la France sans méconnaître les intérêts des pays d'origine.

Permettez-moi, d'abord, une rapide définition.

L'immigration choisie et concertée, c'est le contraire de l'immigration zéro, qui n'est ni possible ni souhaitable. Et c'est aussi le contraire de l'immigration subie - subie par les Français, subie par les immigrés résidant légalement en France et subie, aussi, par les migrants clandestins eux-mêmes, qui sont souvent les victimes de filières et qui ne trouvent en France que l'échec.

L'immigration choisie et concertée, c'est le refus de la fatalité et la volonté déterminée de maîtriser l'immigration en dialoguant avec les pays d'origine, pour que l'immigration soit organisée dans l'intérêt de la France et de ces pays.

L'immigration choisie et concertée, c'est un système dont les règles sont claires et prévisibles, pour les Français comme pour les migrants. C'est un système où le candidat à l'immigration en France doit être autorisé à venir s'y installer, avant son entrée sur notre territoire. Rien de plus logique à cela : pour venir vivre en France, pour venir y étudier, travailler ou rejoindre sa famille, il faut que la République en soit d'accord et qu'elle signifie clairement au migrant, dans son pays, qu'elle est prête à l'accueillir.

L'immigration choisie et concertée, c'est donc une immigration régulée, d'autant mieux acceptée par nos compatriotes qu'ils auront conscience de sa contribution positive à la vie de notre nation.

La transformation de notre politique d'immigration a une exigence : le rééquilibrage des différentes composantes de l'immigration, au profit de l'immigration pour motifs professionnels.

L'objectif qui m'a été fixé par le président de la République est clair : à terme, l'immigration économique devra représenter 50 % du flux total des entrées à fins d'installation durable en France.

Nous en sommes encore loin : en 2006, 11.000 immigrés ont été accueillis en France, en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne, pour des motifs professionnels. Ainsi définie, l'immigration de travail ne représente aujourd'hui que 7 % des flux migratoires vers la France.

Pourtant, que constate-t-on ? Le bâtiment, les travaux publics, l'hôtellerie, l'hospitalisation privée, les services à la personne mais aussi l'informatique rencontrent des difficultés à recruter. La densité médicale de notre pays sera inférieure dans dix ans à ce qu'elle était il y a quarante ans ! S'agissant de l'informatique, une guerre mondiale des talents fait actuellement rage. Il est à la fois essentiel et urgent d'attirer et de former les meilleurs chez nous.

Nous le savons, une ouverture maîtrisée de notre marché du travail à des salariés étrangers peut être source de gains de croissance et donc d'une prospérité accrue pour notre pays.

Sans pour autant piller les cerveaux des pays qui en ont le plus besoin, notre pays va s'ouvrir à l'immigration professionnelle.

Nous disposons pour cela des outils créés par la loi du 24 juillet 2006 qu'a fait voter le président Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'Intérieur.

Nous allons, tout particulièrement, mettre en œuvre le dispositif, novateur, de la carte "compétences et talents". Je vous en rappelle l'esprit : il s'agit d'accueillir en France des personnes ayant un profil et un projet utiles à la France et à leur pays d'origine. J'ajoute que cette carte, d'une durée de trois ans, ne sera pas réservée à une élite de super diplômés : elle a vocation à bénéficier à des personnes qualifiées, alors même qu'elles n'auraient aucun diplôme.

Il s'agit d'organiser, non pas un "pillage des cerveaux", mais une "circulation des compétences". C'est pourquoi, lorsqu'elle bénéficiera à un étranger ressortissant d'un pays en voie de développement inclus dans la zone de solidarité prioritaire, la carte "compétences et talents" ne pourra être renouvelée qu'une fois : après six ans de séjour en France, son titulaire devra retourner dans son pays d'origine, pour le faire bénéficier de l'expérience acquise en France. De surcroît, pendant la durée de son séjour en France, il sera tenu de participer à une action de coopération en faveur de son pays.

J'installerai très prochainement la commission chargée de piloter ce dispositif, sous la présidence d'un grand chef d'entreprise. Je souhaite que les premières cartes "compétences et talents" soient délivrées en octobre. Les ambassadeurs et les consuls sont donc invités à s'y préparer : les demandes de cartes "compétences et talents" pourront, en effet, être effectuées dans les pays d'origine, par les personnes qui souhaitent en bénéficier. Il est nécessaire que le réseau diplomatique et consulaire soit rapidement mobilisé, pour être en situation de répondre effectivement aux demandes qui seront adressées dès cet automne.

Parallèlement, j'ai engagé une concertation avec les partenaires sociaux, pour nous permettre d'accueillir en France des travailleurs étrangers, munis de cartes de séjour "salarié", dans les secteurs professionnels et les zones géographiques caractérisés par des pénuries de mains d'œuvre.

La "circulation des compétences" ne concerne évidemment pas que les actifs : elle doit se préparer en amont, par une politique volontariste d'accueil des étudiants étrangers.

Disons les choses comme elles sont : le nombre d'étudiants étrangers en France a augmenté de 75 % en moins de dix ans, pour atteindre 265 000 en 2005. Mais cette évolution ne signifie par, pour autant, que le système d'enseignement supérieur français soit véritablement attractif.

J'observe, d'une part, que les pays les plus avancés économiquement nous envoient très peu d'étudiants : alors que nous accueillons plus de 100 000 étudiants africains, seuls 2 000 viennent des Etats-Unis, 1 500 du Japon et 400 d'Inde. Je préfèrerais que la France soit à la fois capable d'accueillir les futures élites africaines et celles des pays de l'OCDE. Nous en sommes loin !

J'observe, surtout, que le nombre des étudiants étrangers inscrits dans des filières généralistes est surreprésenté, au détriment des études plus orientées vers la pratique et les besoins économiques des pays d'origine. Ainsi, sur 10 000 étudiants sénégalais, seulement 500 sont en IUT alors que 2 300 sont en lettres et sciences humaines. De même, sur environ 1 500 étudiants japonais en France, seulement 5 sont ingénieurs !

La feuille de route fixée par le président de la République et le Premier ministre est claire : avec la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, il nous faut diversifier l'origine des étudiants étrangers accueillis en France et recruter davantage d'étudiants dans les disciplines scientifiques. Nous devons assumer nos responsabilités à l'égard des pays les plus pauvres, qui ont besoin de la France pour former leurs élites, mais nous voulons également que la France devienne un pays qui attire les meilleurs étudiants du monde entier.

Des progrès ont été réalisés avec la création des Centres pour les études en France (CEF) puis de l'agence Campus France, qui regroupe les différents acteurs de la promotion de l'enseignement supérieur. Mais il faut aller plus loin : nous définirons et nous mettrons en œuvre une nouvelle politique d'orientation et d'accueil des étudiants étrangers.

*

Deuxième principe : la politique d'aide au développement dans les pays sources d'immigration doit être pensée à la lumière de la question des flux migratoires.

A long terme, le développement est la seule solution permettant de maîtriser les flux migratoires.

A l'évidence, la pression de l'immigration clandestine, qui s'exerce sur le Nord, se nourrit des déséquilibres du Sud. Aujourd'hui, plus d'un tiers des 900 millions d'Africains vit avec moins d'un euro par jour. La moitié de la population de ce continent a moins de 17 ans.

L'un des grands enjeux des années à venir est de redonner à la jeunesse d'Afrique confiance en elle-même, pour lui faire comprendre qu'il existe un avenir en dehors de l'émigration. Car la France, et l'Europe, ne peuvent pas accueillir tous ceux qui voient en elles un Eldorado. Aujourd'hui, le continent africain représente 65 % des flux migratoires réguliers vers la France à des fins de séjour permanent : quand trois étrangers viennent s'installer en France, deux sont Africains.

Il faut tendre la main à l'Afrique, pour que sa jeunesse puisse trouver un avenir en Afrique, au lieu de le chercher vainement en Europe.

La clef de cet avenir, c'est l'effort de développement.

Nous devons, dès lors, encourager le développement des pays d'origine en prenant en compte, mieux que par le passé, la question des flux migratoires.

En lien avec Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères et européennes, et Jean-Marie Bockel, le secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, j'entends participer à la définition et à la mise en œuvre d'une politique d'aide au développement des pays sources d'immigration, qui prenne en compte, de manière opérationnelle, la question des flux migratoires.

Le président de la République et le Premier ministre m'en ont donné la mission : le moment est venu de nouer des partenariats avec les pays les moins développés, en particulier en Afrique, pour réguler ensemble, dans l'intérêt des deux parties, les flux migratoires. Les pays d'origine nous feront part de leurs besoins et s'engageront à nous aider à lutter contre l'immigration illégale, en échange de quoi nous accueillerons un certain nombre de ressortissants et formerons leurs élites, charge à celles-ci de mettre ensuite leur formation au service de leur pays.

C'est tout l'enjeu de la négociation, avec les pays d'origine de l'immigration, des accords de gestion concertée des flux migratoires, qui comprennent un volet relatif à l'aide au développement.

Chacun de ces accords doit prendre en compte les aspirations et les besoins propres à chaque pays partenaire. Mais tous ont le même esprit : il s'agit de parler, sans tabou, des questions migratoires et des questions de développement.

Le président Sarkozy avait signé un accord de cette nature avec le Sénégal, le 23 septembre 2006. J'en ai signé un autre avec le Gabon, le 5 juillet, en présence du président Omar Bongo. J'ai engagé des discussions avec le Bénin, en rencontrant le président Boni Yayi le mois dernier à Cotonou. J'ai également recueilli l'accord de la République du Congo pour préparer un tel accord. Dans les prochains mois, j'ouvrirai des discussions avec d'autres pays africains.

Je suis convaincu, en outre, de la nécessité d'une approche très pragmatique de l'aide publique au développement. Parce que la maîtrise des flux migratoires doit être une priorité, je suis persuadé que nous devons privilégier les actions sectorielles et géographiques qui permettent d'y répondre. Cela nécessite une réflexion sur la concentration des crédits de coopération ayant un impact direct sur les flux migratoires, comme c'est notamment le cas pour la coopération en matière de santé, d'état civil, d'aide au secteur productif et universitaire.

Je ferai valoir cette approche au sein des différents organes de gestion de l'aide publique au développement, qu'il s'agisse du Comité interministériel de la Coopération internationale et du Développement, ou du conseil d'administration de l'Agence française du développement.

Dans le même mouvement, j'entends donner une impulsion nouvelle à l'implication des ressortissants étrangers vivant en France dans le développement de leurs pays d'origine.

Il nous faut, pour cela, utiliser tous les outils dont nous pouvons disposer.

Il s'agit, d'une part, de mobiliser les crédits du codéveloppement stricto sensu, en finançant des microprojets que les diasporas mettent en œuvre dans les pays sources d'immigration. En particulier, j'entends augmenter très fortement notre effort d'aide à la réinsertion économique des migrants souhaitant retourner volontairement dans leurs pays d'origine.

Mais il convient, tout autant, de mobiliser l'épargne des migrants. Les transferts de fonds des migrants en France dans leur pays d'origine représentent 8 milliards d'euros. Cette somme est consacrée à 80 % à la consommation courante. J'ai la conviction que son utilisation même partielle à des fins d'investissement productif pourrait devenir un levier essentiel du développement des pays sources d'immigration.

C'est pourquoi j'ai demandé à la Direction générale du Trésor de conduire, avec la Fédération bancaire française, un travail approfondi, pour faciliter les mécanismes de transfert de l'épargne des migrants vers des projets d'investissement utiles aux pays d'origine.

Nous mettrons notamment en œuvre, à la rentrée, le "compte épargne codéveloppement", qui permettra aux migrants séjournant en France de faire fructifier leur épargne avant de l'investir dans le pays d'origine, en bénéficiant d'une incitation fiscale.

J'ajoute que nous devons utiliser, autant que possible, le levier européen.

J'ai à l'esprit le grand rendez-vous de 2008 : la France aura la chance, dans un an, de présider l'Union européenne et, ce faisant, d'afficher ses priorités.

A l'évidence, notre dialogue bilatéral avec les pays d'origine sera d'autant plus riche que nous saurons aussi aborder les questions essentielles dans les enceintes multilatérales.

C'est dans cet esprit que la France organisera, au deuxième semestre 2008, deux ans après Rabat, une Conférence euro-africaine sur les migrations et le développement.

*

J'en viens, après ces considérations de principe, au thème premier de vos échanges : la culture, le savoir et le développement.

Vous m'excuserez de ne l'aborder qu'une fois venue ma conclusion, mais il me paraissait important de poser, si j'ose dire, les termes du débat.

Je me résumerai d'une phrase : dès lors que l'immigration choisie et concertée organisera une vraie "circulation des compétences", elle participera au rayonnement culturel de la France.

Grâce à l'immigration choisie et concertée, la France sera plus attractive, plus accueillante aux étudiants, aux chercheurs, aux ingénieurs, aux artistes, aux talents étrangers.

J'y vois, bien sûr, un atout pour la Francophonie.

Si nous réussissons à attirer dans nos grandes écoles, nos universités et nos entreprises des talents venus de pays anglophones, hispanophones ou sinophones, nous ferons œuvre utile pour la francophonie : accueillis en France, ils apprendront notre langue et découvriront notre culture. Dans cet esprit, je souhaite engager des discussions avec des pays émergents, en Asie ou en Amérique latine, pour organiser de tels échanges. Nous devons nous ouvrir aux talents venus d'Inde, de Chine, des Philippines, de Malaisie ou d'Amérique du Sud. C'est la nouvelle frontière de l'immigration choisie et, ce faisant, du rayonnement culturel de la France.

Parallèlement, nous savons que la langue et la culture française participent au développement des pays francophones les moins avancés. En exportant nos savoirs et en les diffusant dans des pays en développement grâce à nos chaînes de télévision internationales comme TV5, RFI et France 24, notre pays contribue à informer et à former les élites des pays en développement. La promotion de l'audiovisuel extérieur est l'une des clefs du développement.

J'ajoute que, en demandant aux candidats à l'immigration familiale d'apprendre le français dans leurs pays, nous allons aussi contribuer à diffuser notre langue et notre culture. Comme vous le savez, le projet de loi que je défendrai en septembre devant le Parlement créera un test de langue française auquel seront soumis les candidats au regroupement familial. Le réseau des Alliances françaises et des Instituts culturels va s'en trouver renforcé.

*

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame la Directrice générale de la Coopération internationale et du Développement,
Mesdames et Messieurs,

Vous l'avez compris : la mission du ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement est aussi stimulante qu'elle est récente.

J'ai souhaité vous présenter les deux principes de mon action, car c'est aussi, à partir d'aujourd'hui, votre action.

Parce que ma responsabilité est grande, votre concours sera décisif. Grâce à votre expertise et votre connaissance du terrain, nous pourrons honorer les engagements du président de la République et transformer, durablement, la politique d'immigration.

L'enjeu, nous le connaissons : les choix que nous ferons aujourd'hui dessinent le visage que la France aura dans vingt ou trente ans.

Choisir l'immigration, réussir le développement des pays d'origine : ce sont des défis dont dépend, pour une large part, la cohésion de notre communauté nationale./.


Journées « CulturesFrance »
Discours de la Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et aux droits de l’Homme
Mme Rama Yade

Merci au directeur de CulturesFrance, Olivier Poivre d’Arvor, de m’avoir invitée à venir m’exprimer devant vous aujourd’hui. Merci aussi à Alain Seban de m’avoir ouvert les portes du Centre national d’art contemporain.

Pour ceux qui ne me connaissent pas, je vais me présenter. Je m’appelle Rama Yade. Cela fait exactement un mois, jour pour jour, que le Président de la République et le Premier ministre m’ont nommée Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et aux droits de l’Homme, auprès de Bernard Kouchner.

Il est donc possible que vous sachiez très peu de choses de moi. Alors, je vais brièvement me présenter. Je suis née à Dakar, au Sénégal, il y a exactement 30 ans. Je suis arrivée en France à l’âge de 9 ans pour une période que je croyais temporaire. Mais le provisoire a duré. J’ai grandi dans les Hauts-de-Seine, à Colombes, dans un quartier populaire, d’où j’ai longtemps rêvé de mon lointain Sénégal, gardant la nostalgie des pêcheurs de Gorée, des plages de Dakar et de mes grands parents dont les récits sur les épopées impériales de l’Afrique m’ont marquée à jamais. Le temps faisant, je n’étais pas encore française mais je le devenais progressivement. Peut-être l’étais-je déjà, avant même de venir en France : c’est du centre culturel de Dakar que ma mère rapportait les livres qui me donneront la passion de la France et de sa culture. A côté, de ma passion pour Youssou N’dour, j’ai aimé Charles Aznavour et Jean Ferrat. A côté, de ma passion pour l’histoire des empires d’Afrique de l’Ouest, j’ai aussi aimé l’histoire de France. A côté de mon goût pour les poésies de Senghor, j’ai aimé celles de Lamartine et de Victor Hugo. La culture, ce mot magique dont vous êtes les promoteurs, a été un élément essentiel de ma construction. Quelque part, je vous dois beaucoup, à vous qui faites le réseau culturel français, à travers ses alliances et ses centres culturels. Je vous remercie donc, au nom du Gouvernement, de faire chaque jour le rayonnement culturel de la France, et d’entretenir à chaque instant, ses charmes.

C’est donc avec une émotion toute particulière que je voudrais rendre hommage aux hommes et femmes de culture que vous êtes.

Et en tant que membre du Gouvernement, la règle voudrait que je vous parle de concurrence, d’effectifs, de la LOLF, du budget mais je vous avoue que je n’en ai pas envie. J’ai encore envie de rêver de culture, et de rêver tout court. De cette culture qui n’est pas une marchandise. De cette culture qui n’est pas une ligne budgétaire. De cette culture qui n’est pas un marché. L’artiste français que vous promouvez à l’étranger n’est pas un intermittent ; la création n’est pas de la production ; l’inspiration n’est pas un vain mot. L’engagement ne relève pas seulement d’une éthique de responsabilité mais d’une éthique de conviction. Vous conjuguez, loin de la France, rêve et réalité, idéalisme et réalisme. J’ai envie de partager ce rêve culturel avec vous. J’ai envie de partager l’ambition que vous nourrissez pour notre pays. Et l’on n’est jamais plus ambitieux pour son pays que lorsqu’on en est loin.

J’avais rêvé un temps de travailler au Quai d’Orsay, sans doute parce qu’étant née dans un pays étranger, je voulais au fond de moi parcourir le monde, en découvrir la diversité, cette diversité qui est mon essence même. Par empathie pour les peuples, j’ai envie d’être indienne quand je suis en Inde, américaine quand je suis aux États-Unis, mexicaine quand je suis au Mexique. Mais depuis que je suis secrétaire d’État aux Affaires étrangères, m’éloigner de la France, même pour quelques heures, me fend le cœur. D’Alger ou de Genève, je ressens avec force la singularité de notre pays, cette singularité dont les Français n’ont plus toujours conscience à cause d’un manque de confiance en eux. Et vous qui êtes aux avant-postes aux quatre coins du monde, savez plus que quiconque ce que je veux dire : en étant l’incarnation physique et culturelle de la France, vous en êtes les promoteurs, les promoteurs de l’idée de la France des Lumières, la France de la Révolution, la France des Libertés n’est pas tout à fait finie.

Et le réseau culturel que vous représentez, je l’imagine comme un espace de liberté. Comme le centre culturel de Berlin-Est que nous avions ouvert avant la chute du Mur de Berlin. Comme l’institut français de Prague qui comptait un certain Milan Kundera parmi ses étudiants. Comme notre Centre de Johannesburg quand l’apartheid y régnait. Comme quoi, la France peut s’enorgueillir que les révolutions commencent souvent au seuil de nos centres culturels. Derrière chaque centre culturel, se cachent sans aucun doute des révolutionnaires : il faut donc s’en méfier ! Justement, il y en a un que je souhaiterais voir ouvrir bientôt, c’est celui de Grozny, peut-être l’année prochaine. Grâce au dynamisme des jeunes bénévoles d’Études sans frontières, grâce aux risques que prennent aussi certains jeunes tchétchènes, de nouvelles générations viendront se ressourcer dans la culture française et trouver le savoir nécessaire pour reconstruire leur pays. Comme ils m’y ont invitée, je serai à leurs côtés, pour inaugurer ce bijou culturel. Comme je serai toujours aux vôtres pour promouvoir nos arts et nos lettres.

Oui, la culture dans le sens de création artistique, comporte en elle-même, le principe de liberté, de liberté d’expression en particulier.

Ce Secrétariat d’État que le Président de la République m’a fait l’honneur de me confier, comporte, dans son intitulé même, une contradiction manifeste, aux yeux de beaucoup: Affaires étrangères et droits de l’Homme. Mais je ne suis pas à une contradiction près. J’appartiens au Sénégal et à la France. J’ai étudié dans des écoles catholiques alors que je suis de culture musulmane. Je suis la belle-fille d’un grand chanteur yiddish qui a survécu à la Shoah et qui vit aujourd’hui à Dakar où il apprend à de petits Sénégalais à chanter des chansons polonaises. Dans le civil, je suis administratrice du Sénat, qui parait-il est une assemblée conservatrice mais je me sens profondément progressiste. J’ai grandi dans une cité populaire et je suis de droite. Et il parait que la droite et la culture ne font pas bon ménage. Hérésie ! Je veux vous prouver le contraire, avec, en prime, une bonne dose de « sarkozysme ». Alors, concilier Affaires étrangères et droits de l’Homme, pourquoi pas ? Je voudrais que vous m’aidiez à faire cette synthèse. A créer de la magie. Il faudra en bousculer des habitudes, refuser des préjugés, résister aux conservatismes. Mais qui mieux que des passionnés de la culture comme vous pour produire ce miracle ? Qui mieux que des Français peuvent réaliser cette synergie ? Qui mieux que la jeunesse ?

Quand Nicolas Sarkozy et François Fillon ont eu l’idée de me nommer dans le Gouvernement, de vieux conservatismes justement se sont réveillés. Ne serait-elle pas trop ci, trop ça ? Trop colorée ? Trop différente ? Trop femme ? Trop grande ? Trop jeune ? Trop insolente. Alors, j’ai convenu de tout. Mais pas l’obstacle de la jeunesse ni celui de l’insolence. Quand on a un Président de la République qui été maire à 28 ans, un Premier Ministre qui a été député à 27 ans, alors, oui, je n’ai que 30 ans et je revendique cette filiation-là. Cela peut être considéré comme un défaut mais je le prends comme un avantage. Parce que derrière moi, c’est toute une jeunesse française qui crie famine. Qui demande qu’on lui fasse confiance. Qui demande de prendre le relais, sans rien renier des anciens et sans vanité. Que les centres, les alliances, les instituts aident les jeunes et vous verrez qu’ils ne trahiront pas l’héritage, l’esprit des hommes qui ont fait briller la France et qui ont fait qu’elle incarne encore aujourd’hui quelque chose de particulier dans le monde.

En amoureuse des belles lettres, j’ai passé ma vie à assimiler les héritages culturels et littéraires : cet héritage m’a rempli de satisfactions. Je voudrais maintenant qu’on laisse la jeunesse élever la culture à une hauteur nouvelle : les jeunes artistes, les jeunes écrivains, les jeunes créateurs doivent pouvoir aussi, avec leur belle insolence, bouleverser les legs, innover, toujours, encore, et tous les jours. Comme l’a écrit André Malraux, « la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ». Que voulez-vous, la jeunesse est une rébellion constante, une insoumission permanente : rébellion contre les préjugés, contre l’ordre établi. Comme les hommes de culture sont éternellement jeunes, parce que transgressifs, par nature, portons ensemble finalement la promotion des droits de l’Homme par la culture et par la connaissance. Par ces droits de l’Homme, essayons ensemble de combler petit à petit, mais avec entêtement, le fossé qui sépare cet idéal de la réalité. Après cela, on aura toujours le temps de grandir, on aura toujours le temps de devenir pragmatiques, on aura toujours le temps de composer. Et, comme vous le voyez, on peut être de droite et révolutionnaire ! On peut aussi être modeste. Alors, je compte sur vous pour m’aider dans cette immense tâche qui m’attend. J’ai besoin de votre savoir-faire et de votre connaissance du monde. Et, moi, je suis à votre entière disposition !

Et pour conclure, le Général de Gaulle disait qu’ « en notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l’homme ». J’ai envie de mener cette bataille, sans l’arrogance, avec modestie, et avec détermination. Condoleeza Rice avait parlé d’avant postes de la tyrannie pour qualifier certains pays. Je voudrais que vous, vous soyez les avant-postes de la liberté et des droits de l’Homme. On peut construire cela ensemble.

Merci