Rapport 2003-2004 de la Cour des Comptes
Chapitre III : Affaires étrangères

L’enseignement français à l’étranger :
le rôle de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)



PRÉSENTATION

I - Le réseau de l’enseignement français à l’étranger : importance et inadaptation

A - Importance et diversité de ses moyens

1 - La pluralité des établissements

2 - Le nombre des élèves

3 - La variété statutaire des agents

4 - Les moyens financiers mis en oeuvre

B - Une organisation administrative complexe et inadaptée

1 - L’implication de deux ministères

2 - Des missions non nécessairement compatibles

3 - Un statut incompatible avec la situation du réseau

4 - Une autonomie de pure façade

II - Forces et faiblesses de l’enseignement français à l’étranger

A - Des réussites indiscutables

1 - L’universalité du réseau

2 - La réussite scolaire

3 - La réputation internationale du réseau

B - Des défaillances persistantes

1 - L’alourdissement des coûts

2 - La persistance des inégalités

a) Les droits de scolarité

b) Le traitement réservé aux différentes catégories d’agents

c) La situation des élèves étrangers

3 - Une attention insuffisante du devenir des élèves dans l’enseignement supérieur

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

RÉPONSE DU MINISTRE DES FINANCES

RÉPONSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

1) La qualité de l’enseignement est l’une des priorités de l’agence

2) Parmi les missions incombant à l’agence figure celle de veiller à la stabilisation des frais de scolarité

3) L’agence a entrepris d’améliorer sa connaissance des coûts réels des établissements

RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE


PRÉSENTATION

Après avoir consacré, en avril 2003, un rapport public particulier à la gestion du système éducatif en France, la Cour a jugé nécessaire d’examiner le réseau de l’enseignement français à l’étranger. Outre sa vocation à contribuer au service public de l’enseignement, celui-ci constitue en effet l’une des composantes majeures de l’action et de la présence culturelles de la France dans le monde.

A l’origine de l’implantation des établissements qui le composent se trouve fréquemment une initiative privée dans laquelle les parents d’élèves ont généralement joué un rôle prépondérant. C’est encore de cette manière que se constituent, partout où des Français sont expatriés, de « petites écoles », à l’existence souvent éphémère. Les congrégations religieuses ont, elles aussi, créé leurs écoles, dont le caractère confessionnel n’exclut pas le plus souvent l’ouverture à toutes les religions, notamment au Proche-Orient. La Mission laïque française, quant à elle, entend faire prévaloir, dans les établissements qui lui sont rattachés, un enseignement respectant le principe dont elle se réclame. Enfin, l’État dispose d’un ensemble d’établissements, parmi les plus importants par le nombre d’élèves scolarisés, regroupés depuis 1990 dans un établissement public, l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), dont la mission première est d’assurer, au profit des enfants des Français expatriés, l’instruction publique conformément au principe de l’obligation scolaire.

Ainsi cohabitent à l’étranger, comme sur le territoire national, des établissements relevant du secteur public, soumis à la tutelle de l’État et, en l’espèce en plus grand nombre, des établissements privés avec lesquels l’État entretient des relations qui, pour être plus distendues, n’en comportent pas moins des engagements réciproques.

L’enquête de la Cour a porté sur la totalité des établissements en gestion directe ouverts avant 2000 et sur un échantillon d’établissements conventionnés et homologués représentant plus de 30 % des élèves scolarisés dans ces établissements. N’ont pas fait partie du champ de ses investigations le réseau des Alliances françaises, dont le rôle pour la diffusion de la langue et de la culture françaises n’est plus à démontrer, pas plus que les activités du Centre national de l’enseignement à distance (CNED) qui n’ont cessé de se développer en direction de l’étranger, ni les groupes scolaires relevant de l’Alliance israélite universelle.

L’étude à laquelle la Cour s’est attachée ne recouvre donc pas la totalité des établissements qui concourent à l’enseignement français à l’étranger. Elle n’en regroupe pas moins une partie significative, représentative de la grande diversité de leurs statuts, de la dispersion géographique de leurs implantations, et de la disparité de leurs moyens et de leurs résultats. L’ensemble de ces établissements se retrouve néanmoins pour l’accomplissement de deux missions essentielles, communes à la totalité d’entre eux, mais dans des proportions variables l’instruction des enfants des Français expatriés, qui prévaut, comme il est normal, dans un système soumis à la tutelle de l’État, et la préoccupation, le plus souvent prioritaire dans le secteur privé, de former les enfants des élites locales.

Ce réseau, dont l’étendue et la dispersion dans un grand nombre de pays manifestent assez l’importance, tant pour le rayonnement culturel de la France dans le monde que pour la scolarisation en français d’un grand nombre d’élèves, n’en demeure pas moins un instrument mal adapté à la mise en oeuvre par l’État d’une action globale et coordonnée.

S’il est légitime de relever ses indéniables réussites, l’enseignement français à l’étranger n’en comporte pas moins des défauts, les plus notoires étant ceux liés à son caractère inégalitaire.


I - Le réseau de l’enseignement français à l’étranger : importance et inadaptation

Disposant de moyens considérables, tant humains que matériels, doté d’une structure administrative originale et soutenu financièrement par une subvention de l’État, le réseau des établissements français à l’étranger reste cependant imparfaitement adapté à sa mission.

A - Importance et diversité de ses moyens

Les moyens du réseau sont mesurables tant au travers de la pluralité des établissements qui le constituent que par le nombre des enfants scolarisés et la diversité des agents qui en assurent le fonctionnement ou encore par l’ampleur des moyens financiers qu’il mobilise.

1 - La pluralité des établissements

En 2002, le réseau compte 413 établissements scolaires répartis en trois catégories très dissemblables. Aux 74 établissements dits « en gestion directe » placés sous la tutelle de l’AEFE, s’ajoutent 194 établissements conventionnés, gérés par des associations de droit privé étranger ou français ; ces établissements concluent avec l’AEFE des conventions portant aussi bien sur les conditions d’affectation et de rémunération des agents titulaires que sur l’attribution de subventions, ainsi que sur les modalités d’application du décret du 30 août 1991 relatif aux bourses scolaires au bénéfice d’enfants français résidant avec leur famille à l’étranger.

Enfin participent au réseau 145 établissements auxquels le ministère de l’éducation nationale n’accorde qu’une homologation quoiqu’ils n’aient pas conclu de convention avec l’agence, ils peuvent bénéficier de subventions de fonctionnement et de bourses sur la base de la reconnaissance pédagogique qui leur est ainsi octroyée.

Ces 413 établissements sont présents dans 128 pays, de manière relativement équilibrée en nombre dans chaque continent: 101 en Europe, 131 en Afrique, 72 en Amérique et 109 en Asie-Océanie. Leur répartition par pays est en revanche plus inégale: certains pays en comptent ainsi plusieurs dizaines, comme le Maroc où l’on recense 32 établissements (dont 23 en gestion directe) ; les États-Unis en accueillent à peu près autant (uniquement des établissements conventionnés ou simplement homologués) ; le Liban en totalise 25 (le plus souvent simplement homologués) ; dans 78 pays, en revanche, dont on ne saurait pourtant sous-estimer l’importance pour la diffusion de notre culture en raison de l’ancienneté et de l’étroitesse des liens noués avec la France, puisqu’on relève les cas de la Pologne, du Portugal et de la Russie, il n’existe qu’un seul établissement d’enseignement français.

En fonction de la catégorie des établissements (en gestion directe, conventionnés ou homologués), des différences flagrantes sont de même relevées : 66 % des établissements en gestion directe sont situés en Afrique, 26 % en Europe; la proportion tombe à 6 % en Asie et, dans toute l’Amérique, on n’en compte plus qu’un seul.

2 - Le nombre des élèves

Au total, 236 500 élèves sont inscrits dans les établissements d’enseignement français à l’étranger, dont 76 500 dans les établissements simplement homologués. Ce sont ainsi 160 000 élèves qui sont scolarisés dans les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés, ce qui équivaut au nombre d’élèves d’une académie métropolitaine de petite importance.

Sur ce dernier total, les enfants français sont aussi nombreux (près de 70 000) que les élèves de la nationalité du pays inscrits dans les établissements du réseau qui y sont implantés. A ce nombre s’ajoutent plus de 20 000 étrangers d’une autre nationalité que celle du pays concerné.

La répartition des élèves par zone géographique paraît assez homogène: ils sont 40 818 en Europe (dont 35 432 en Europe occidentale), 33 025 en Amérique (23 517 en Amérique du sud), 49 347 en Afrique (23 014 au Maghreb), et 35 676 en Asie et Océanie (17 552 au Moyen Orient).

Mais on n’en relève pas moins, si l’on considère leur répartition par pays, des contrastes saisissants : cinq pays comptent plus de 10 000 élèves (45 000 au Liban, puis, par ordre décroissant, le Maroc, l’Espagne, la Côte d’Ivoire et les États-Unis), mais dix pays en scolarisent moins de 50, la Slovénie avec 8 élèves se situant en dernière position.

Le nombre total des élèves a peu augmenté au cours des cinq dernières années (+ 1,78 %). Mais les variations locales constatées peuvent être plus marquées : ainsi, le nombre d’élèves a baissé de 3,35 % en Europe occidentale et de 16,60 % en Afrique alors qu’il a plus que doublé en Europe centrale et orientale.

Globalement enfin, le nombre d’élèves français a augmenté plus que l’augmentation moyenne de 1,78 %. Cette croissance s’établit à 6,18 % de sorte qu’il faut en conclure à une baisse assez significative du nombre d’élèves étrangers.

3 - La variété statutaire des agents

Les personnels qui assurent le fonctionnement des établissements en gestion directe et conventionnés, sont, pour la période 2001-2002, au nombre de 18 911, dont 106 coopérants du service national.

L’une des originalités du système d’enseignement français à l’étranger tient à la présence d’agents expatriés relativement nombreux (1 722 dont 85 % assurent des fonctions d’enseignant). Ils sont titulaires de la fonction publique, recrutés hors du pays d’affectation et détachés auprès de l’agence qui les rémunère pour une période de trois ans, renouvelable une fois pour le personnel enseignant.

Une autre catégorie d’agents, au nombre de 4 149, appelés « résidents », dont la quasi-totalité est constituée par des enseignants, est également composée de titulaires de l’éducation nationale ; mais à la différence des expatriés, ils sont recrutés dans le pays où ils sont affectés et où ils doivent résider depuis trois mois au moins, sauf dans le cas où ils y auraient suivi leur conjoint. Ils sont détachés auprès de l’agence qui les rémunère pour une période de trois ans, renouvelable.

Enfin, à ces deux catégories, viennent s’ajouter 12 934 agents de recrutement local dont près des trois quarts travaillent à temps complet au service des établissements qui les ont recrutés et dont un peu plus de la moitié exerce une charge d’enseignement. Ils sont indifféremment de nationalité française ou étrangère ; employés et rémunérés par les établissements scolaires qui les embauchent, ils passent avec eux des contrats conformes au droit local.

De 1998-1999 à 2001-2002, le nombre des agents titulaires (tous personnels confondus) a augmenté de 2,56 %. Mais cette croissance recouvre une diminution du nombre des expatriés et une augmentation significative des résidents (9,07 %). Parallèlement, le nombre total des agents de recrutement local a augmenté encore plus rapidement, surtout dans les établissements conventionnés, où ils représentent 76,92 % de l’ensemble des personnels en 2001.

Cette évolution n’est pas sans retentir sur les méthodes voire le contenu de l’enseignement français à l’étranger ; on relève une réduction de la proportion des enseignants dont le diplôme constitue une garantie objective de leur capacité. Cependant, le ministère des affaires étrangères n’ayant pas effectué un examen prospectif des conséquences de cette situation, il n’est pas possible d’en peser exactement les retombées sur le plan de la qualité de l’enseignement dispensé.

4 - Les moyens financiers mis en oeuvre

L’État ne s’est pas doté des moyens lui permettant de regrouper les éléments chiffrés, par définition très dispersés, nécessaires à la connaissance, fût-elle approximative, de la réalité du coût global de l’enseignement français à l’étranger. Il est vrai que le statut privé de la majorité des établissements ne favorise guère la remontée de l’information, ceux-ci ne se considérant pas comme tenus de fournir à l’État des renseignements sur leur situation financière.

Il est cependant regrettable que pour la partie au moins du réseau qui lui est le plus directement soumise (établissements en gestion directe et conventionnés), l’État ne soit pas parvenu à rassembler les données essentielles sur la ventilation des dépenses et des charges.

Les seuls éléments chiffrés disponibles sont fournis par le budget de l’AEFE qui ne consolide pas actuellement les budgets des établissements en gestion directe et n’est donc qu’un élément partiel d’évaluation budgétaire. Il atteint un peu plus de 400 M€ en 2002, plus de 80 % de ce montant correspondant à la prise en charge de la rémunération des agents expatriés et résidents, 10 % étant destinés aux bourses, le surplus, dont il faut retrancher la part des dépenses propres de l’AEFE (23 M€), servant à l’octroi de subventions en faveur des établissements.

Ces dépenses sont couvertes par la subvention de l’État (un peu plus de 300 M€ en 2002) à quoi s’ajoutent les remboursements en provenance des établissements correspondant à la partie des rémunérations des personnels résidents qui restent à leur charge, leurs traitements étant versés directement par l’agence qui en fait ainsi l’avance.

Pour parvenir au montant total du coût du réseau, il faut additionner à la contribution de l’État la part des dépenses couvertes par les établissements : ceux-ci prennent en effet en charge notamment l’intégralité des rémunérations versées aux agents de recrutement local, ainsi que la partie du traitement des résidents qui leur incombe. Ils assument de même une partie variable des frais de fonctionnement. De ce point de vue, il n’est pas indifférent de savoir si l’équilibre est atteint par établissement grâce aux variations des droits de scolarité ou s’il résulte de la contribution - il est vrai exceptionnelle - des autorités publiques locales, comme en Bavière et en Sarre.

Or, une telle récapitulation, permettant d’atteindre grosso modo le coût global du réseau, n’est pas actuellement disponible ; elle n’est pourtant pas inaccessible. Elle serait en tout cas nécessaire au pilotage d’un dispositif complexe dont il n’est possible de déterminer celles des composantes auxquelles l’État devrait apporter par priorité son concours financier qu’à la condition que le pilote dispose d’une connaissance complète et fiable du coût réel des établissements du réseau, par catégorie et par pays.

Faute de la maîtrise de ces données élémentaires, on ne peut pas escompter que soit instaurée, fût-ce même à l’état d’ébauche, une politique permettant de mieux orienter l’activité du réseau conformément à une vision globale de sa capacité à répondre aux besoins.

B - Une organisation administrative complexe et inadaptée

A l’égard du réseau des établissements français à l’étranger, le rôle du ministère de l’éducation nationale restant juridiquement circonscrit, le ministère des affaires étrangères exerce une responsabilité prééminente. Celui-ci a délégué sa propre mission depuis 1990 à l’agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE), auquel le législateur a fixé des missions tout à la fois très générales et difficilement compatibles entre elles.

Ainsi investi du rôle de chef de réseau, l’AEFE n’a pas été en mesure de mettre en oeuvre les pouvoirs que la loi lui a conférés, de sorte que subsiste depuis 13 ans une situation provisoire qui contrevient aux objectifs fixés par le législateur. Il en résulte l’impuissance de l’établissement public à s’imposer dans la pleine compétence de son autonomie de gestion.

1 - L’implication de deux ministères

Deux départements ministériels jouent un rôle significatif dans la détermination des établissements ayant vocation à s’agréger au réseau et plus généralement dans l’organisation de l’enseignement français à l’étranger. Ainsi, la commission chargée d’émettre un avis sur les demandes d’homologation est composée de représentants des ministères de l’éducation nationale et des affaires étrangères ainsi que de l’AEFE. Quant à la liste des établissements homologués, elle est établie par le ministre chargé de l’éducation nationale en accord avec le ministre des affaires étrangères.

Cette homologation n’est accordée que si certaines conditions, précisées par le décret n° 93-1084 du 9 septembre 1993, sont respectées ouverture de l’établissement aux enfants de nationalité française résidant hors de France; enseignement dispensé conformément aux objectifs,

programmes et règles d’organisation applicables dans les établissements d’enseignement public français ; préparation des élèves aux mêmes examens et diplômes que les élèves de ces établissements ; contrôle du respect de ces critères par l’inspection générale de l’éducation nationale.

Le ministère de l’éducation nationale assure principalement une mission d’expertise pédagogique dans la procédure d’homologation des établissements. Comme il est normal, le poste diplomatique concerné fait connaître un avis circonstancié sur la demande de l’établissement.

Cette homologation, qui a une portée à la fois juridique et pédagogique, peut être retirée à tout moment, ou être limitée à un niveau d’enseignement particulier au sein de l’établissement. De fait, elle est généralement attribuée pour tous les niveaux scolaires, mais il existe des cas d’homologation partielle, limitée par exemple aux classes maternelles ou, dans les collèges, à la classe de 6ème et, dans les lycées, à toutes les classes à l’exception des terminales.

Par cette intervention, l’éducation nationale concourt d’une manière essentielle à la configuration et à la consistance du réseau. Toutefois, sous réserve de cette fonction normative, à laquelle il faut ajouter le détachement de nombreux enseignants et la participation à leur sélection, ce ministère n’intervient ni dans la gestion des établissements français à l’étranger, ni dans l’administration des élèves français expatriés ; tout au plus participe-t-il à la mise en place d’un partenariat entre les diverses académies métropolitaines et les établissements, et apporte-t-il son appui technique en matière de formation.

Il ne semble pas, d’ailleurs, qu’il ambitionne d’exercer une responsabilité élargie en la matière, le ministère des affaires étrangères exerçant à l’égard de l’enseignement français à l’étranger le rôle primordial.

2 - Des missions non nécessairement compatibles

Créée par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 sous la forme d’un établissement public national à caractère administratif, l’AEFE a vu ses missions définies explicitement dans le corps même de la loi. Il est permis de regretter que, pour couvrir totalement le champ de ce que pourrait ou devrait être l’action culturelle de la France à l’étranger, les objectifs les plus élargis aient été fixés à l’agence, alors qu’il est patent qu’ils ne sont pas nécessairement compatibles entre eux, à tout le moins sans qu’une hiérarchie entre les priorités ainsi énoncées soit esquissée.

La première obligation fixée à l’AEFE est d’assurer à l’étranger le service public de l’instruction, cette obligation valant exclusivement pour les enfants français. Mais concomitamment il est fait état du nécessaire renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers, pareille orientation ayant pour objet cette fois de bénéficier à tous les élèves, qu’ils soient français ou étrangers. Ce but, en soi parfaitement louable, doit en outre tenir compte de l’obligation de contribuer au rayonnement de la langue et de la culture françaises, qui ne concerne en principe que les élèves étrangers auxquels ce type d’action est destiné.

Aucun arbitrage clair n’est opéré entre des objectifs aussi différents, d’autant que les moyens financiers disponibles pour ces actions n’autorisent pas des interventions de l’État dans chacune des directions ainsi proposées.

3 - Un statut incompatible avec la situation du réseau

Le législateur, lorsqu’il institua l’AEFE, avait comme intention de créer un organe central de gestion et d’animation des établissements d’enseignement français à l’étranger.

Plus de 13 ans après la création de l’agence, force est de constater qu’elle ne remplit toujours pas le rôle pour lequel elle a été instituée. En effet, la mise en oeuvre du processus de coordination stratégique et d’intégration comptable qui devait être engagé n’a pas à ce jour commencé.

Constatant cette carence, le ministère, au lieu de prendre les mesures adéquates en vue d’imposer l’application de la loi, à moins qu’il n’ait jugé, peut-être à raison, qu’il n’était ni sage, ni opérationnel de contrarier une autonomie locale qui correspond à la nature des choses, s’est au contraire comporté comme si l’AEFE ne jouissait par rapport à sa tutelle ni de l’autonomie de gestion, ni de la compétence propre correspondant à son statut d’établissement public.

Dans ces conditions, l’AEFE exerce un faible rôle d’entraînement à l’égard du reste du réseau qui ne lui est soumis statutairement que par une loi restée sans texte d’application effectif. Dans ce domaine, les moyens d’action que l’agence utilise se limitent à de simples recommandations ou incitations à l’égard des établissements privés, en contrepartie des subventions accordées occasionnellement (10,2 M€ en 2002) et, dans les établissements seulement homologués, strictement réservées à leur fonctionnement.

Malgré l’homogénéité plus marquée des établissements en gestion directe, il n’est pas possible de méconnaître les différences liées aux caractéristiques des pays d’implantation et à la diversité de taille des lycées. Il n’est pas aisé d’intégrer dans une organisation centralisée des établissements dont les contraintes de gestion sont par définition disparates.

Ainsi, l’AEFE, malgré les textes qui la fondent et qui reconnaissent en particulier son autonomie, n’est pas parvenue à assurer vraiment la direction centralisée des établissements en gestion directe dont elle a la charge.

Au surplus, l’administration centrale a différé l’intervention des décrets d’application conférant à la loi de 1990 sa pleine portée administrative et financière. Ainsi, le regroupement comptable des établissements en gestion directe, prévu par la loi n’est, à ce jour, toujours pas réalisé. Il faut donc faire encore application du décret n° 76-832 du 24 août 1976 qui aurait dû être abrogé, mais qui, à titre provisoire, depuis plus de treize ans, fonde l’autonomie administrative et financière maintenue d’établissements dont les comptes, au lieu d’être intégrés dans un compte unique (celui de l’AEFE), continuent d’être apurés individuellement par la Cour des comptes. (1)

(1) Depuis l'achèvement du contrôle de la Cour, est paru le décret n° 2003-1288 du 23 décembre 2003 (JO du 30 décembre 2003) relatif à l'organisation administrative, budgétaire et comptable de l'AEFE modifiant le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle et d'enseignement dépendant du ministère des affaires étrangères.

4 - Une autonomie de pure façade

Les textes qui ont institué l’AEFE ont en principe consacré son autonomie par rapport au ministère des affaires étrangères. Dans la réalité, l’agence est au contraire étroitement soumise aux ingérences permanentes du ministère pour son fonctionnement, et les pratiques sont nombreuses qui retiennent en partie la délégation fonctionnelle qu’elle reçoit de lui en application de la loi.

Ainsi, elle ne dispose pas de la pleine maîtrise de son budget; celui-ci résulte certes d’un projet établi par ses soins avant d’être transmis au ministère des affaires étrangères ; mais il n’est fixé qu’après accord entre ce ministère et celui de l’économie et des finances, sans que l’AEFE participe aux discussions qui conduisent à son adoption.

Cette situation semble d’autant plus contestable que les problèmes de l’agence sont d’une nature telle qu’ils ne s’intègrent pas naturellement dans la logique de ceux dont le ministère a habituellement la charge.

Par ailleurs, il est notoire que l’AEFE n’a pas la pleine maîtrise des investissements des établissements qu’elle gère directement ; ceux-ci, relevant en règle générale du patrimoine de l’État, bénéficient en effet de crédits d’investissement (constructions et gros travaux) attribués sur le titre V du budget du ministère des affaires étrangères qui, même si c’est avec la collaboration des services concernés de l’agence, décide seul de leur attribution et en assure seul le suivi.

Elle dispose, en revanche, de la possibilité d’accorder des subventions d’investissement aux établissements conventionnés. Mais, bien que celles-ci soient notablement inférieures aux demandes exprimées, elles atteignent un montant tel (5 M€ en 2002), que l’agence serait en mesure de réclamer en contrepartie de ses concours la tenue d’un état des investissements les plus urgents à réaliser afin de pouvoir faire face aux besoins les plus criants. Or, elle n’a jamais envisagé de faire procéder à un audit de la situation immobilière de ces établissements. Le regroupement de pareils renseignements serait pourtant d’autant plus nécessaire que le parc immobilier des établissements vieillit et que les problèmes liés à leur sécurité ne cessent de se multiplier et de s’aggraver.

Les conditions du partage des responsabilités immobilières, en ce qui concerne les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés, demeurent ambiguës. Ainsi, le ministère des affaires étrangères réalise parfois des investissements dans des locaux qui sont sa propriété et qu’il loue ensuite à des établissements conventionnés lesquels bénéficient ainsi indirectement de crédits d’État, alors même que leur loyer reste fixé à un montant souvent symbolique. De même, l’agence, à la demande du ministère, doit parfois participer, sur son budget, à des dépenses d’investissement concernant des établissements en gestion directe (exemple récent du lycée de Meknès) ; parfois même, cette participation doit être assurée par l’établissement, sur son propre budget (lycée de Munich).

De surcroît, la tutelle de l’administration centrale du ministère des affaires étrangères est doublée par celle que les ambassades exercent sur les établissements scolaires de leur ressort. S’il est normal que les services culturels locaux puissent connaître et contrôler l’action de ces établissements et entretenir avec eux des rapports étroits et permanents, cela ne devrait pas aboutir à instaurer une situation telle qu’ils en viennent à être considérés comme de simples services à la disposition de l’ambassade. Or, l’examen des situations locales montre que c’est souvent le cas.

Les budgets des établissements en gestion directe préparés localement, comme il est normal après concertation avec les ambassades concernées, sont transmis à l’agence très souvent par l’intermédiaire des ambassades, alors même que ces dernières ont été précédemment consultées. Il n’est pas satisfaisant que s’établisse une sorte d’échelon de contrôle intermédiaire qui n’a pas sa raison d’être. Par ailleurs, les délais de transmission sont souvent excessifs ; ainsi, pour l’exercice 2001, aucun budget n’était parvenu à l’agence à la date limite fixée pour leur envoi et, plus particulièrement, aucun des budgets des établissements du Maroc n’y avait été enregistré au 20 février 2001.

La question est ici posée de la marge d’autonomie réelle que le ministère des affaires étrangères compte accorder à l’agence, étant précisé qu’il n’est pas bon ni juridiquement convenable que les pouvoirs qu’elle devrait exercer se trouvent à ce point encadrés et contrariés.


II - Forces et faiblesses de l’enseignement français à l’étranger

Il convient de faire état des réussites indiscutables dont le réseau des établissements français à l’étranger peut légitimement se prévaloir. Néanmoins, celles-ci ne sauraient venir en atténuation des défaillances non moins patentes d’un système dont le caractère inégalitaire ne s’est pas atténué.

A - Des réussites indiscutables

Lorsqu’il est question de l’enseignement français à l’étranger, les appréciations sont spontanément élogieuses, celles exprimées par les principaux partenaires de la France qui ne disposent pas d’un pareil atout culturel n’étant pas les moins louangeuses.

Elles font valoir notamment la densité du maillage que forment des établissements présents presque partout dans le monde ; elles ne manquent pas de relever la qualité d’un enseignement dont témoignent les résultats obtenus aux examens ; elles mettent enfin l’accent sur la haute réputation dont il jouit, notamment auprès des élites locales.

Ces succès sont évidents et ne sauraient être sous-estimés, même s’ils comportent leur limite en un immédiat contrepoint.

1 - L’universalité du réseau

L’universalité n’est certes pas totale. Il existe des zones où l’enseignement français est absent et fait parfois cruellement défaut.

Le maillage paraît insuffisant notamment en Asie. Il n’empêche que la répartition géographique des établissements est particulièrement dense là où les intérêts français sont prépondérants.

Pareil constat ne signifie pas que le réseau doive rester intangible. S’il n’est pas question de déroger à la prudence qui doit présider à ses adaptations, celles-ci sont non seulement normales, mais nécessaires, car les besoins eux-mêmes en matière de scolarisation des enfants d’expatriés évoluent. Par ailleurs, des orientations nouvelles dans la politique de la France à l’égard de l’étranger peuvent justifier des aménagements, voire des redéploiements, qui ne peuvent se décider que longtemps à l’avance, car tout élève intégrant le réseau français dans une classe doit, en principe, pouvoir y poursuivre ses études jusqu’à la fin de son parcours scolaire.

Sur ce sujet, il n’existe aucun document exprimant qu’une réflexion ait à ce jour été engagée, en sorte que le réseau donne l’impression d’être géré sans véritable stratégie d’ensemble, les établissements étant ouverts ou fermés plus en fonction des circonstances que d’un plan de développement préalablement défini et progressivement adapté aux besoins.

Il est certes normal que des implantations nouvelles puissent être décidées dans l’urgence, en fonction tout à la fois des changements intervenus dans la situation de certains pays et des nouvelles orientations de la politique de la France à leur égard; il en est ainsi pour la réouverture récente des lycées d’Alger ou de Kaboul. En revanche, les mesures de désengagement progressif envisagées dans certains pays mais non rendues publiques n’ont pas fait l’objet d’une programmation permettant d’en étaler les effets dans le temps.

L’évolution qui est ainsi engagée dans certains pays ne paraît pas correspondre à un programme arrêté en concertation avec toutes les parties en cause et qui, dans la transparence, fixerait les échéances.

2 - La réussite scolaire

Elle est consacrée notamment par le pourcentage des succès au baccalauréat général qui, pour les établissements scolaires français à l’étranger, était de 93,32 % pour l’ensemble des séries en 2002, alors qu’il était de 78,8 % en France. Ce pourcentage est encore meilleur (94,73 %) pour le baccalauréat technologique. Il est, habituellement, aussi élevé pour les élèves étrangers que pour les élèves français.

Ces pourcentages de réussite obtenus en 2002 ne sont pas une exception et, pour le baccalauréat, les résultats des établissements français à l’étranger s’établissent régulièrement depuis plusieurs années à plus de 12 points au-dessus de ceux de la France.

Cependant, si de tels succès militent en faveur de la qualité de l’enseignement dispensé à l’étranger, ils sont souvent acquis au prix de sévères mesures de sélection comme celles pratiquées au lycée Charles de Gaulle de Londres.

Il faut admettre, d’autre part, que l’environnement socioprofessionnel des établissements est souvent favorable à de tels niveaux de réussite scolaire, dans la mesure où la grande majorité des élèves est issue de milieux particulièrement favorisés.

3 - La réputation internationale du réseau

Partout reconnue et souvent vantée, la réputation des établissements français se traduit concrètement par le nombre élevé des demandes d’inscription d’élèves étrangers, en général ressortissants du pays d’accueil mais aussi, souvent, originaires d’autres pays. Dans la majorité des pays concernés, les candidatures sont trop nombreuses pour pouvoir toutes être retenues.

Cette réputation n’empêche pas cependant l’existence d’une concurrence internationale de plus en plus vive; elle se développe alors même que les frais de scolarité sont presque toujours plus élevés dans les réseaux étrangers, notamment ceux des États-Unis et de la Grande-Bretagne. L’exemple du Liban en constitue une illustration frappante car il fait apparaître l’effritement d’une situation qui naguère correspondait à une sorte de monopole de l’enseignement français. Or, notre position précédemment dominante est aujourd’hui rudement mise à mal par des établissements, notamment anglo-saxons, devenus plus attrayants.

B - Des défaillances persistantes

Les défaillances du réseau d’enseignement français à l’étranger ont pour cause le coût d’un système qui, pour se maintenir, développe des conséquences qui risquent d’être de moins en moins bien acceptées, dans la mesure où celles-ci s’analysent en une persistance des inégalités en tous genres.

Par ailleurs, le système tel qu’il existe et fonctionne révèle une inaptitude notoire à orienter les élèves étrangers vers l’enseignement supérieur français, ce qui ne vient pas plaider pour son efficacité.

1 - L’alourdissement des coûts

L’augmentation des coûts de l’enseignement français à l’étranger est manifestée par le double accroissement du montant de la subvention accordée par l’État à l’AEFE, et des droits de scolarité perçus sur les familles des élèves fréquentant cet enseignement.

Le montant de la subvention de l’État, de 313,6 M€ environ en 2002, est en augmentation d’un tiers par rapport à 1994 ; cette augmentation varie selon les années mais reste permanente, à la seule exception de 1997, où la subvention a baissé de 1,93 %.

Quant aux droits de scolarité, leur augmentation est générale ; leur répercussion sur le budget de l’agence est frappante, puisque leur part en représente plus de 50 % depuis 2000.

Afin de contenir la tendance en apparence irrésistible à l’augmentation continue des coûts de cet enseignement, l’État a infléchi substantiellement sa politique de recrutement du personnel en substituant, à effectifs constants de titulaires, aux agents expatriés dont le coût est élevé des résidents dont les rémunérations, bien qu’elles aient été réévaluées, sont nettement plus faibles.

Cette substitution conduit certes à une diminution relative du montant global des traitements payés par l’AEFE mais elle a aussi, entre autres conséquences inattendues, celle d’augmenter les difficultés de recrutement des agents résidents. En effet, si le nombre des postes d’expatriés demandés est toujours très supérieur à celui des postes offerts, il n’en est pas de même pour les postes de résidents, particulièrement dans les nombreux pays où la vie est difficile soit pour des raisons climatiques, soit à cause d’une situation politique tendue voire dangereuse : dans un tel environnement, les rémunérations qui y sont offertes paraissent insuffisantes en considération des risques encourus, ce qui explique les difficultés de recrutement.

Elle conduit également à un transfert de financement, puisque la diminution de la subvention de l’État est nécessairement compensée par une augmentation des droits de scolarité. En effet, si l’AEFE est chargée du règlement des rémunérations des résidents, elle reçoit des établissements, en contrepartie, le remboursement partiel correspondant au montant qui reste à leur charge. De la sorte, pour équilibrer leur budget que vient alourdir le poids accru de la charge salariale des résidents, les établissements sont conduits à augmenter les droits de scolarité.

L’administration centrale, en faisant ainsi rémunérer les personnels enseignants de plus en plus par les établissements scolaires et de moins en moins par l’État au moyen de la subvention versée par le ministère des affaires étrangères à l’AEFE, va à contre-courant de ce qui se pratique pour l’enseignement en France, où l’État prend en charge les traitements des professeurs, non seulement du public, mais également du privé sous contrat.

2 - La persistance des inégalités

Elles peuvent être considérées au triple niveau des droits de scolarité imposés aux familles, du traitement réservé aux différentes catégories d’agents qui concourent au fonctionnement de l’enseignement, et de l’accueil des élèves étrangers.

a) Les droits de scolarité

Une des missions essentielles de l’AEFE est d’aider les familles des élèves à supporter les frais liés à l’enseignement, « tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité ».

Or, non seulement les montants moyens de ces frais ont sensiblement augmenté au cours des dernières années mais, de plus, ces augmentations sont marquées par des variations, parfois considérables, selon les établissements ou, dans un même établissement, selon les classes, voire la nationalité des élèves.

Si la scolarité est gratuite dans certains établissements, quel qu’en soit le statut, les droits peuvent atteindre plus de 5 000 € dans certains établissements en gestion directe (Tokyo), près de 9 500 € pour les conventionnés (Shanghai), voire près de 12 000 € pour les homologués (Washington). En Tunisie, ils varient dans une proportion de 1 à 20 pour les 11 établissements en gestion directe qui y sont implantés, et, dans certains d’entre eux, les différences peuvent aller de 1 à 3 d’une classe à l’autre, ou du simple au double entre les élèves français d’un même lycée.

L’AEFE ne peut certes pas imposer une égalité générale et absolue des frais de scolarité dans les établissements : elle n’agit en effet directement que sur les seuls établissements en gestion directe et, pour ceux-ci, doit tenir compte de situations locales souvent très diverses ou de contraintes extérieures (pédagogie, accueil des élèves), ce qui peut comporter exceptionnellement une contrepartie financière appréciable ainsi, pour les établissements rattachés au lycée de Munich (Fribourg, Sarrebruck, Stuttgart), la scolarité gratuite résulte d’accords internationaux et d’aides financières accordées par les Länder.

Il conviendrait que les écarts considérables constatés dans le montant des droits de scolarité soient plus clairement justifiés. Les différences sont en effet ressenties comme particulièrement injustes, voire choquantes, lorsque les parents n’obtiennent pas d’explications convaincantes, les critères retenus restant trop souvent hermétiques.

L’alourdissement de la charge pour les familles des frais de scolarité, dont le caractère inégalitaire vient d’être souligné, n’a pas entraîné généralement de revendications en faveur de la gratuité de l’enseignement. Pourtant, la justification première du déploiement d’un réseau d’établissements de statut public relevant de l’AEFE est constituée par l’obligation scolaire faite aux enfants d’expatriés français. Il devrait donc en résulter normalement la gratuité de cette scolarité, que les textes - notamment ceux ayant institué l’agence - ont cependant formellement écartée.

Les arguments qui militent en faveur de la non gratuité de cet enseignement sont bien connus de la Cour qui avait posé la question dès le premier contrôle qu’elle exerça en 1997 sur l’AEFE. La Cour n’a pas cessé de considérer que les droits de scolarité devaient être appréciés dans leurs conséquences financières tant pour l’État que pour les entreprises françaises. L’absence de gratuité comporte en effet un coût financier et économique qui n’a jamais fait l’objet d’une tentative d’évaluation. En effet, la gratuité priverait de justification une partie de l’indemnité de résidence et des indemnités familiales accordées aux agents de l’État en poste à l’étranger, qu’ils scolarisent leurs enfants en France (où ceux-ci ont droit à la gratuité de l’enseignement) ou qu’ils les inscrivent dans les établissements du réseau. De même pourrait-on faire l’économie de bourses attribuées aux familles. Serait également à comptabiliser, comme cessant de peser sur les entreprises, la charge assumée par celles d’entre elles qui assurent le paiement des frais de scolarité acquittés par leurs personnels dont l’activité s’exerce à l’étranger.

La Cour, quant à elle, ne peut que réitérer à l’intention des pouvoirs publics la recommandation de procéder aux analyses nécessaires à l’appréciation des diverses modalités d’application aux expatriés des principes de l’obligation scolaire et de la gratuité.

De surcroît, ayant à faire face à une augmentation constante du nombre de demandes d’inscription d’élèves et ne pouvant obtenir de l’État les moyens financiers supplémentaires qui lui seraient nécessaires pour y répondre, les établissements sont conduits à augmenter les droits de scolarité pour prendre en charge les postes supplémentaires d’enseignants.

Par ailleurs, les établissements, pour restreindre les inscriptions d’élèves étrangers faute de places disponibles, introduisent, à leur détriment, des droits de scolarité souvent prohibitifs et modulés en fonction des possibilités d’accueil des classes. De telles pratiques, qui ne manquent pas d’être connues, pourraient se voir censurées au titre des règles de l’Union européenne.

Les bourses scolaires attribuées aux seuls élèves français n’atténuent que très partiellement les inégalités ainsi constatées, même si les sommes que l’AEFE leur consacre ne sont pas négligeables. Le budget des bourses scolaires a été de 38,11 M€ en 2002 (soit 10 % du budget de l’agence) pour un nombre de demandes de bourses de 21 841 (+ 4 % par rapport à 2001) et un nombre de bourses accordées de 18 548 (+ 4,64 % sur la même période).

b) Le traitement réservé aux différentes catégories d’agents

Les agents titulaires relèvent d’un double statut qui, en distinguant les expatriés des résidents, permet de faire des économies sur les charges salariales. Jusqu’en 2001, la situation financière des résidents n’a cessé de se dégrader par rapport à celle des expatriés ; ainsi, de 1998 à 2001, le coût moyen de l’agent résident a augmenté de 7,71 %, alors que celui de l’agent expatrié progressait de 14,46 %.

Malgré de nouvelles dispositions favorables aux résidents introduites par un décret du 4 janvier 2002, créant un avantage familial attribué par enfant à charge et instaurant une indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale, le coût de ces mesures étant évalué à près de 26 M€, les situations financières des expatriés et des résidents restent encore sensiblement inégales, à l’avantage des premiers.

La catégorie la moins bien partagée reste celle des agents de recrutement local qui peuvent être aussi bien des nationaux français que des étrangers. Ils concluent avec les établissements qui les emploient des contrats appliquant la législation locale du travail. Leur gestion est en droit indépendante de l’AEFE, dont le service du personnel ne dispose que de renseignements fragmentaires. L’agence n’a donc qu’une connaissance imprécise de leur situation (effectifs, affectations, déroulements des carrières), alors même qu’ils représentent plus des deux tiers du nombre total des agents des établissements scolaires à l’étranger.

Leur protection sociale n’est pas toujours assurée de manière satisfaisante, certains pays ayant un droit du travail sommaire par rapport à la législation française. Certes, l’AEFE a lancé une enquête dans tous les établissements afin d’uniformiser autant que possible la situation de ces agents en les faisant bénéficier d’un certain nombre de garanties jugées fondamentales. Mais rien n’est prévu pour l’application de ces principes; les délais nécessaires à leur mise en oeuvre restent indéterminés, de même que l’évaluation financière d’une telle entreprise.

c) La situation des élèves étrangers

La mission principale de l’AEFE est bien d’accueillir par priorité les élèves français ; depuis six ans, la croissance des effectifs scolaires est presque entièrement due à l’augmentation du nombre des élèves français. Cependant, le nombre des élèves étrangers reste élevé, en valeur absolue (91 500) et en proportion (57,75 %) du nombre total des élèves des établissements en gestion directe et conventionnés.

Il n’est pas sûr que la stagnation relevée de cette dernière catégorie d’élèves ne soit pas la conséquence des mesures financières dissuasives prises dans le désordre des situations locales en raison de l’impossibilité d’accroître les capacités d’accueil des établissements au profit des élèves étrangers.

Pareille régulation de fait, intervenant en dehors de directives précises, par l’accroissement des obstacles, notamment financiers, suscités localement au recrutement des élèves étrangers, mérite d’être critiquée dans la mesure où l’État, au lieu d’imprimer les évolutions qui s’imposent au réseau et d’en assumer les conséquences, se trouve ainsi amené à les subir.

Il convient de rappeler l’autre mission qui incombe en principe à l’agence : contribuer à la diffusion de la culture française à l’étranger. Une telle obligation comporte des conséquences normales et inévitables concernant l’accueil des élèves étrangers.

Si, faute de moyens, il devenait nécessaire de restreindre les possibilités d’accueil, une telle orientation ne devrait pas dépendre de décisions prises sans instruction par des responsables locaux introduisant dans la fixation des droits de scolarité des dispositions dissuasives à l’égard des familles étrangères.

Avant d’arrêter des mesures concrètes, l’agence a lancé en 2000 une réflexion sur les perspectives du réseau, en y associant l’ensemble des postes. Les directives qui ont été ensuite adressées aux établissements, un peu générales pour être d’application commode, restent trop largement lettre morte: elles ne sont pas vraiment prises en compte par les établissements en gestion directe, alors que l’AEFE devrait être en mesure de les imposer.

Quant aux établissements conventionnés, il est naturellement difficile à l’agence de leur prescrire sa ligne de conduite, alors qu’elle n’exerce essentiellement sur eux qu’une action indirecte de recommandations.

Au travers des arbitrages qui devront nécessairement être rendus sur ce problème politiquement très délicat dont la solution engage fortement l’orientation du réseau, c’est l’avenir même de l’enseignement français à l’étranger qui se trouve posé.

3 - Une attention insuffisante du devenir des élèves dans l’enseignement supérieur

Le nombre des étudiants étrangers poursuivant leurs études supérieures en France, bien qu’en augmentation depuis 1995, mais après une baisse antérieure prolongée, reste très limité. Le ministère des affaires étrangères fait état d’un chiffre qui serait désormais de 200 000 environ, proche, selon lui, de la situation des autres pays européens, mais qui est très éloigné de l’objectif de 500 000 qui était encore récemment fixé à échéance de dix ans ; de plus, l’égalité qui serait ainsi obtenue avec les autres pays européens peut sembler décevante, alors que la France consacre à son enseignement à l’étranger des moyens substantiels.

Plus particulièrement, les élèves étrangers issus du réseau des établissements scolaires français à l’étranger ne choisissent qu’en nombre restreint de poursuivre leurs études supérieures en France. Quoiqu’ils aient été accueillis et formés, moyennant un coût élevé, par le réseau de l’AEFE, ils poursuivent en majorité leurs études hors du réseau français, principalement aux États-Unis, mais également dans d’autres pays (Grande-Bretagne, Allemagne, Canada...), qui sont loin d’avoir consenti pour eux le même effort, tant pédagogique que financier.

L’AEFE n’est pas directement responsable de cette situation, dont la cause semble tenir beaucoup plus à l’attrait sans cesse croissant de la langue anglaise et à un engagement insatisfaisant de l’État à ce sujet.

Certes, celui-ci met de réels moyens financiers à la disposition des étudiants étrangers, en développant pour eux des systèmes d’aides adaptées (bourses d’excellence; programmes Major et Eiffel) ; mais ces moyens restent limités, le nombre annuel de bourses d’excellence accordées restant de l’ordre de 115, pour une valeur de 2 M€. De même, des structures ont été développées, telles que le centre national des oeuvres universitaires et scolaires, ou plus récemment crées, telles l’agence EduFrance, ayant en particulier pour objet d’aider les étudiants étrangers à s’installer en France.

Il conviendrait enfin de mieux connaître les vraies raisons qui détournent les élèves formés à l’étranger par notre réseau de poursuivre leurs études universitaires en France. La connaissance qu’en ont les pouvoirs publics est insuffisante et fragmentaire. Il est probable que les étudiants étrangers souhaitant poursuivre leurs études supérieures en France se heurtent encore trop souvent à des obstacles ou des incompréhensions difficilement admissibles, tels que le manque d’informations claires, les difficultés d’obtention du visa d’entrée en France, ou le désintérêt marqué des académies d’accueil à faciliter leurs conditions matérielles d’implantation. Une action plus efficace, tant de l’État que de l’AEFE, doit être conduite en ce domaine, à l’instar de celle menée dans d’autres pays, tel le Canada par exemple qui semble avoir obtenu au cours de ces dernières années les succès les plus visibles.


CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Il n’existe pas d’étude d’ensemble conduite afin de mesurer l’efficacité du réseau d’enseignement français à l’étranger.

Qu’un tel instrument fasse défaut est non seulement en soi regrettable, mais c’est aussi le signe qu’aucune réflexion prospective et critique n’a jamais été menée sur le sujet, comme si l’on pouvait se contenter de l’appréciation habituellement positive portée tant par les usagers du réseau qui, dans l’ensemble, se déclarent satisfaits, que par les observateurs enclins à l’appréciation volontiers admirative.

Or, une évaluation rigoureuse et sans concession, établie en tenant compte du coût réel des établissements tant pour les collectivités publiques et privées qui en assurent la gestion, que pour les familles et les entreprises qui règlent les droits de scolarité, est le préalable indispensable à la définition de la politique publique à mettre en oeuvre en vue d’adapter le réseau aux besoins prévisibles de la scolarisation à l’étranger, pour le faire toujours mieux servir au rayonnement de la France.

Actuellement, l’État s’efforce de répondre aux besoins tels que les exprime un réseau disparate, par nature incapable d’établir entre eux une hiérarchie raisonnée. Il est de ce fait conduit à répondre à la demande, sans vision d’ensemble des problèmes, ayant tendance à favoriser les revendications émanant de groupes de pression les plus divers qui, pour être plus insistantes n’en sont pas nécessairement plus judicieuses.

La méthode pratiquée par l’État a pour conséquence de le faire balancer entre la tutelle étroite qu’il exerce sur les établissements relevant de l’AEFE et les recommandations platoniques en direction des établissements privés.

L’incapacité d’adopter une méthode vraiment efficace traduit l’absence de détermination des objectifs à atteindre. De ce point de vue, l’État manifeste son impuissance à hiérarchiser les priorités, en tenant certes compte des exigences particulières dues aux situations locales, entre un enseignement consacré aux enfants d’expatriés et la promotion d’une école dont la vocation première est d’atteindre les élites locales.

La solution qui pourrait être esquissée consisterait pour l’État, sur la base d’une connaissance exacte des moyens disponibles, après avoir fait un recensement prospectif des besoins en matière de scolarisation à l’étranger, à déterminer les priorités qui correspondront aux actions à entreprendre dans le cadre de la politique de la France dans le monde. Dans ce contexte, le rôle de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger ne devrait pas échapper à un réexamen d’ensemble concernant tant son statut que ses missions.

Il s’agirait en somme de sortir de la gestion des affaires courantes au profit d’une vision stratégique globale portant sur ce que pourrait et devrait être l’enseignement français à l’étranger. Une telle ambition est conforme à la mission de l’État et à la vocation de la France.


RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE,
DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE

Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ne fait pas les mêmes observations que la Cour des comptes en ce qui concerne :

Sur les aspects plus qualitatifs, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ne constate pas que la position des lycées français est « rudement mise à mal par la concurrence internationale d’établissements, notamment anglo-saxons, devenus plus attrayants ». Il ne constate pas non plus une dégradation de la qualité de l’enseignement dispensé dans ces lycées qui ne lui semble pas directement liée au statut des personnels enseignants (expatriés, résidents ou recrutés locaux).

En conséquence, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ne peut être d’accord avec les propositions avancées par la Cour.

La Cour insiste sur la priorité de la scolarisation des élèves français, alors que le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie reconnaît l’importance des missions de rayonnement culturel et de coopération éducative.

La Cour met l’accent sur les avantages qu’aurait un système de gratuité de l’enseignement français à l’étranger, alors que le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie considère que seule une augmentation régulière des droits de scolarité - au minimum au rythme de l’inflation - peut permettre un développement soutenable des établissements.

Enfin, la Cour critique la politique générale de l’AEFE qui conduit à augmenter la participation des établissements au financement du système, alors que le ministère des l’économie, des finances et de l’industrie note que les surcoûts auxquels doivent faire face certains établissements sont directement liés aux exigences spécifiques des parents d’élèves (faiblesse des tailles des classes) ou d’investissements (équipements sportifs). Ces surcoûts n’ont pas à être financés par le contribuable national, notamment dans le contexte actuel de l’agence encore marqué par la revalorisation des rémunérations des personnels résidents, de plus de 23 % en 2002.

Naturellement, certaines analyses de la Cour rejoignent celles du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, notamment celles ayant trait à l’absence de connaissance des coûts réels de la scolarisation, au partage des compétences entre l’AEFE et ses tutelles peu propice à un pilotage efficace du réseau, ainsi qu’à l’absence de réflexion stratégique d’ensemble fondée sur des priorités définies établissement par établissement.

(2) Établissements situés à Beyrouth, Bruxelles, Buenos Aires, Conakry, La Paz, Lisbonne, Londres, Madrid, Mexico, Pékin, Rabat, Sao Paulo, Tamatave, Tunis, Tokyo, Varsovie et Washington.

(3) Dans 12 établissements sur 17, les droits de scolarité ont progressé de moins de 1 % par an en termes réels entre 1998 et 2002.

(4) Les rémunérations des personnels résidents ont progressé en moyenne de 9,5 % par an depuis 1998; le montant moyen des bourses a augmenté de 9,4 % par an depuis 1994

RÉPONSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

En définissant par la loi du 6 juillet 1990 les missions confiées à l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, le législateur a délimité le cadre dans lequel s’inscrit son activité. Treize ans plus tard, l’action de l’agence peut être évaluée au regard de ses missions, des résultats qu’elle a obtenus et des contraintes qui ont pu peser sur son fonctionnement.

En premier lieu, il importe de bien distinguer, ce que l’agence ne peut pas faire, ce qu’elle ne veut pas faire et ce qu’elle entend réaliser.

La mission de l’agence, telle que définie par la loi du 6 juillet 1990, est d’aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l’enseignement dispensé par les établissements scolaires à l’étranger. Le principe de la gratuité de cet enseignement, que la Cour souhaiterait voir appliquer, n’a pas été retenu par le législateur. Il ne revient donc pas à l’agence d’assurer la prise en charge de l’ensemble des coûts du dispositif d’enseignement à l’étranger. Notre réseau scolaire à l’étranger - c’est ce qui le distingue du système éducatif en France - repose sur le double engagement financier de l’État et de ses usagers. Il lui revient d’apporter un appui aux établissements en fonction des besoins exprimés et des priorités retenues.

Si le réseau d’enseignement français est d’extension mondiale, et s’il incombe à l’agence de le préserver et de le développer, l’établissement n’a pas vocation à soutenir la création d’écoles, de collèges ou de lycées français dans tous les pays et sur le seul critère de la qualité des relations bilatérales que l’État considéré entretient avec la France. Il est au contraire de la responsabilité de l’agence d’apprécier au cas par cas l’intérêt et la viabilité de l’implantation d’un établissement, lorsque celui-ci demande à être associé à l’exercice des missions de service public qu’elle assure. Dans de nombreux pays développés, la qualité du système d’enseignement et son ouverture internationale font que beaucoup de familles françaises choisissent de scolariser leurs enfants dans des établissements nationaux. Dans l’Union Européenne, l’augmentation de la mobilité communautaire et la concurrence d’établissements internationaux est, de même, un phénomène que l’agence doit prendre en compte dans sa politique d’appui raisonné aux établissements. De façon générale, le rôle de l’agence est donc à la fois d’accompagner le développement du réseau et de le faire évoluer à bon escient.

S’agissant des objectifs assignés à l’agence, il convient de souligner trois points particuliers.

1) La qualité de l’enseignement est l’une des priorités de l’agence

A l’actif des établissements d’enseignement français à l’étranger, la Cour relève à juste titre la réussite scolaire. Elle s’inquiète cependant de ce que n’auraient pas été anticipées les retombées sur la qualité de l’enseignement de la diminution du nombre des expatriés et de l’augmentation des personnels de recrutement local.

Rien ne permet aujourd’hui d’avancer que la qualité de l’enseignement dispensé dans les établissements relevant de l’agence serait menacée. Les chiffres cités par la Cour en matière de résultat au baccalauréat en témoignent. D’autres indicateurs, comme les résultats à l’évaluation en début de CE2, pourraient aussi le confirmer.

Le maintien de la qualité de l’enseignement est lié à l’affectation dans les établissements de personnels titulaires. Il résulte aussi des actions d’appui pédagogique que mène l’agence en liaison étroite avec le ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche : réalisation de missions d’inspection et d’audit, détachement en résidence à l’étranger d’inspecteurs de l’éducation nationale, affectation dans le réseau de professeurs chargés de responsabilités de coordination et de formation, mise en oeuvre d’un programme de formation continue dont les sessions sont ouvertes à toutes les catégories d’agents (environ 20 000 journées - stagiaires pour les seules sessions régionales en 2002-2003). Le « projet pédagogique et éducatif pour l’enseignement français à l’étranger », signé en 2000 par les ministres des affaires étrangères, de la coopération et de l’éducation nationale constitue un cadre de référence commun pour les établissements scolaires à l’étranger et l’agence veille à ce que les projets d’établissement en traduisent concrètement les orientations.

L’agence entend poursuivre cette action d’appui pédagogique et a prévu d’accroître sur son budget 2004 les crédits qui lui sont consacrés.

2) Parmi les missions incombant à l’agence figure celle de veiller à la stabilisation des frais de scolarité

L’analyse de la Cour fait apparaître une augmentation des coûts de l’enseignement français à l’étranger et met en avant le poids accru de la charge salariale des résidents pour expliquer l’accroissement des droits de scolarité. Cette analyse ne correspond pas à l’évolution des droits de scolarité telle qu’elle a pu être mesurée par une étude de l’inspection générale des finances conduite à la demande du ministère des affaires étrangères entre juin et septembre 2003.

Au cours des dix dernières années, sur un échantillon de 16 établissements rassemblant 32 000 élèves et représentatif de la diversité du réseau en termes de statut (établissements en gestion directe et établissements conventionnés) et d’implantation, une étude montre que les droits de scolarité n’ont augmenté en moyenne que de 4 % par an dans un contexte d’inflation annuelle moyenne de 5,3 %, et qu’ils ont même baissé en monnaie constante dans la moitié des établissements considérés.

Cette enquête souligne également que, loin de pouvoir être réduite à une seule cause, la progression des droits de scolarité, lorsqu’elle est constatée, s’explique par une combinaison de facteurs. L’alourdissement des coûts de personnels de recrutement local, les exigences de certains établissements en matière d’encadrement pédagogique ou d’équipements, les variations de change ainsi que des phénomènes parfois brutaux d’ajustement des ressources aux coûts sont à l’origine des principales augmentations constatées.

Sur l’ensemble du réseau des établissements liés à l’agence, l’augmentation des droits de scolarité ne constitue donc pas un fait général et ne peut être rapportée à la seule augmentation des coûts de personnels.

3) L’agence a entrepris d’améliorer sa connaissance des coûts réels des établissements

Il s’agit là d’une autre priorité. L’agence s’attachera à mener cette analyse des coûts en liaison étroite avec l’établissement concerné et dans le cadre d’un dialogue renforcé avec les familles.

Le cadre budgétaire instauré par le nouveau décret (5) portant organisation administrative et financière de l’agence, en consolidant le budget des établissements à gestion directe, favorisera des analyses plus fines et plus complètes ainsi que la mise en oeuvre d’indicateurs de gestion.

La Cour souligne également la nécessité pour l’agence de mener une réflexion prospective sur l’ensemble du réseau afin de pouvoir disposer d’une vision globale de l’enseignement français à l’étranger.

Cette réflexion est menée par l’agence, en concertation active avec ses principaux partenaires, depuis le mois de mai 2003. A l’instigation du ministère des affaires étrangères, l’agence a engagé un exercice prospectif avec les membres de son conseil d’administration, en formation élargie. Un plan d’orientation stratégique portant à la fois sur les missions et les moyens de l’agence a été approuvé lors du conseil d’administration du 16 décembre 2003. Il propose des axes prioritaires (6) déclinés en une série d’actions concrètes assorties de calendriers prévisionnels. Plusieurs des points relevés par la Cour dans son rapport, notamment l’autonomie de l’établissement, la priorité à donner aux investissements, l’accueil des élèves étrangers, y font l’objet de propositions spécifiques.

Au-delà, l’objectif de ce plan est de fixer une stratégie pour l’évolution du réseau des établissements français à l’étranger susceptible de guider les partenaires de la communauté scolaire, l’agence et sa tutelle, dans les cinq prochaines années.

Enfin, la Cour dénonce « une autonomie de pure façade » de l’agence, qui ne disposerait pas de la pleine maîtrise de son budget. Il convient de rappeler que le budget de l’établissement public est, comme il se doit, adopté par son conseil d’administration, après que le projet de budget, préparé par les services de l’agence, a été étudié lors d’une réunion associant l’agence, le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères.

Ce budget intègre la subvention de l’État qui ne constitue qu’une part des ressources de l’agence (7) et dont le montant est fixé en conférence d’orientation budgétaire, à partir des données fournies par l’agence, conférence au cours de laquelle est négocié l’ensemble du budget du ministère.

[5] Qui a donné lieu à un avis consultatif du Conseil d’État et est en instance de publication.

[6] Quatre axes prioritaires concernent les missions de l’agence (développer la capacité du réseau à assumer sa mission de service public d’enseignement à l’étranger, approfondir le projet pédagogique et éducatif français à l’étranger, affirmer le rôle de l’agence comme opérateur de coopération éducative et préciser les relations de l’agence avec les établissements) et les moyens y afférents (maîtriser l’évolution des droits de scolarité, faire face aux besoins d’investissements et de maintenance immobilière, rechercher de nouveaux financements et introduire de nouvelles modalités de gestion).

[7] Cela apparaîtra d’autant plus clairement dans le budget consolidé prévu par le nouveau décret précité.


RÉPONSE DU MINISTRE DE LA JEUNESSE,
DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE

Les modalités de l’intervention du ministère de l’éducation nationale appellent les développements suivants :

S’agissant de la fonction de gestion des personnels, le ministère observe que les procédures de « détachement des enseignants, et la participation à leur sélection » fonctionnent avec efficacité et dans un contexte de grande coopération réciproque entre la direction des personnels enseignants et l’AEFE. Cette procédure est fortement mobilisatrice : 2 500 dossiers ont ainsi été contrôlés et étudiés pour environ 80 postes à pourvoir à la rentrée 2003.

Dans le contexte actuel, il y a sans aucun doute matière à une réflexion sur le circuit de traitement de l’information, qui allège les tâches matérielles actuellement assurées par l’administration centrale tout en préservant l’apport que constitue la connaissance des dossiers et du réseau par les services de gestion des personnels enseignants.

Quant au partenariat avec les académies, la signature de conventions avec 14 académies témoigne de la volonté du ministère de l’éducation nationale de renforcer son pilotage dans le domaine pédagogique et dans le maintien d’un lien entre les établissements d’enseignement français à l’étranger et la France. Actuellement en cours d’évaluation, ce dispositif doit être consolidé et simplifié dans la période à venir.

Ainsi, si le rôle du ministère, comme le relève par ailleurs la Cour, est actuellement « juridiquement circonscrit », le respect de ces limites ne doit en aucun cas être confondu avec un manque d’intérêt.

Le ministère est ouvert à l’idée d’un nouveau dispositif institutionnel et ne se déroberait pas à un éventuel élargissement de ses responsabilités qui paraîtrait souhaitable au législateur.