Je me permets d'attirer votre attention sur la publication du décret n° 2007-1796 du 19 décembre 2007 qui met fin à l’exonération de la cotisation vieillesse pour les différents opérateurs employeurs de fonctionnaires détachés et dont l’application menace l’avenir du réseau des écoles françaises, des instituts et centres culturels français et des Alliances françaises à l’étranger.
Le Sgen-CFDT regrette que les ministres des Affaires étrangères et de l’Education nationale n’aient pas été associés à la signature de ce décret alors que plus de 6 000 agents détachés de l’Education nationale sont en poste à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), plus de 400 en poste à la Mission laïque française (MLF) ainsi que 75 % des personnels expatriés en poste dans les établissements culturels et les Alliances françaises.
Le Sgen-CFDT regrette également que le nouveau décret mette en péril l’ensemble des établissements de l’étranger. Au cours de ces dernières années, les frais de scolarité dans le réseau AEFE n’ont cessé d’augmenter alors que l’une des missions de l’Agence visait à maîtriser leur hausse. A cette dure réalité pour les familles françaises expatriées et pour les familles francophiles, vient aujourd’hui s’ajouter une mesure qui, si elle est appliquée, conduira à la fermeture de nombreux établissements avec, à court terme, la mise à mort d’un réseau unique en son genre. Nous en voulons pour exemple la situation du collège Marie de France à Montréal où l’application du décret générera un surcoût de 830 000 dollars canadiens sur un budget de 13,5 millions, soit +6 %, alors que l’article 13 de l’entente signée le 12 décembre 1988 entre les gouvernements de la France et du Québec interdit l’augmentation des frais de scolarité au-delà de la subvention versée par cette Province.
L’application du décret conduit enfin tout droit à la disparition de notre politique de diffusion du français que la France ne pourra plus prendre en charge.
Pour ces raisons et sachant que le Président de la République a réaffirmé auprès des Français de l’étranger toute l’importance qu’il accordait à la scolarité de leurs enfants, nous vous demandons instamment de prendre des mesures pour corriger l’effet catastrophique de ce décret.
Lettre ouverte au Premier ministre
à M. François Fillon
Premier ministre
54 rue de Varenne
75007 PARIS
Paris, le 18 février 2008
Monsieur le Premier ministre,
En ma qualité de rapporteur pour avis du budget de l’Action culturelle extérieure (programme 185), je demande avec insistance que des mesures soient prises pour sauvegarder le réseau des écoles françaises à l’étranger des effets dévastateurs du décret du décret n° 2007-1796 du 19 décembre 2007. En effet, le réseau des écoles français à l’étranger est mis en danger par l’alourdissement brutal et conséquent de sa masse salariale généré par l’abrogation de l’exonération de cotisation vieillesse consentie aux employeurs des personnels détachés à l’étranger qui résulte de ce décret.
Je rappelle que depuis 1972 et la loi 72-659 du 13 juillet 1972, l’Etat français contribue d’une façon globale à la diffusion de la langue, de la culture, de la science et des techniques françaises en exonérant les employeurs d’agents détachés de cotisations patronales vieillesse « pour participer à une mission de coopération auprès de certains Etats étrangers, pour exercer un enseignement à l’étranger ou pour remplir une mission publique à l’étranger ou auprès d’organismes internationaux ». Cette exonération avait été réaffirmée par le décret 84-971 article 3 qui est maintenant abrogé.
L’Agence, les opérateurs, les écoles sont placés face à une situation financière ingérable. L’AEFE doit faire face à une charge supplémentaire de 96 M€ pour les personnels expatriés et résidents dont elle est l’employeur direct. La Mission Laïque Française évalue à 5 M € le coût de la charge supplémentaire qui incombera directement aux 55 écoles de son réseau. Les écoles homologuées par le ministère de l’Education nationale devront verser une cotisation pour pension de 55 % du traitement indiciaire de leurs personnels détachés.
Je rentre du Congrès des écoles françaises d’Amérique du Nord, 47 établissements qui scolarisent 13 000 enfants en langue française, dont une grande moitié d’Américains, de Canadiens et d’étrangers tiers, et l’autre de Français. Cette mesure a été ressentie comme une menace immédiate pour la survie des établissements.
Ces écoles, entreprises privées à but non lucratif, doivent assurer la qualité de leur enseignement et leur équilibre financier dans un environnement très concurrentiel. Si, dés cette année scolaire, elles veulent continuer à faire bénéficier leurs élèves de l’enseignement de titulaires de l’Education nationale détachés, elles devront soit augmenter fortement les droits d’écolage demandés aux familles, soit renoncer à employer des enseignants français à la qualification certifiée. C’est le caractère français de ces écoles qui est donc en jeu : modèle éducatif, nature des relations enseignant/enfant, qualité académique, c'est-à-dire tout ce qui fait leur succès dans un environnement nord-américain.
Ce qui est vrai pour ces écoles d’Amérique du Nord l’est aussi pour celles du réseau de l’AEFE et de la Mission Laïque. Sans les 6000 agents français du réseau de l’AEFE, sans ceux de la Mission Laïque et des écoles homologuées, il n’y aura plus véritablement d’écoles françaises dans le monde.
C’est pourquoi je vous demande instamment de consulter le ministre des Affaires étrangères et européennes, ainsi que le ministre de l’Education nationale, principaux ministères concernés et pourtant non signataires de ce décret.
Par ailleurs, au moment où la commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger travaille à la rédaction d’un plan stratégique 2008-2013, où associations de parents d’élèves, syndicats d’enseignants, parlementaires, administration se mobilisent pour préparer l’avenir ; au moment où des Etats Généraux de l’enseignement français à l’étranger viennent d’être programmés pour la fin de l’année, je vous demande de prendre la mesure de la révolte et du désarroi de tous les intervenants.
Enfin, comment le même gouvernement peut-il, d’un côté, prendre la décision (discutable, dangereuse et déstabilisante pour le réseau scolaire) d’assurer la gratuité pour les seuls élèves de second cycle pour un coût total de 20 M€ en 2008 et de 60 M€ en 2010, et d’autre part d’imputer au réseau des écoles une charge qui peut être évaluée, au total, à près de 150 M € ?
Je vous demande donc de publier un nouveau décret pour rétablir l’exonération prévue dans la loi de 1972.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de ma haute considération.
Monique Cerisier ben Guiga
Sénatrice représentant les Français établis hors de France
Palais du Luxembourg - 75291 PARIS CEDEX 06
Tél: 01 42 34 32 73 - Fax : 01 42 34 40 03
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