III - DES SITUATIONS DIFFICILES
Deux types de situations fragilisent encore plus qu'en France
des personnes installées à l'étranger : le fait d'être une femme
seule avec enfants, le fait d'avoir perdu son emploi vers les
50 ans.
1. Femmes seules avec enfants à létranger
Même si elle a parfois des composantes de rupture avec la famille,
l'expatriation matrimoniale est beaucoup plus positive que celle
des jeunes qui fuient la France plutôt qu'ils ne partent à l'étranger.
Les chances de réussite comme les risques d'échec sont de même
nature et de même fréquence que pour tout mariage. La conscience
nette de la différence culturelle avec un conjoint étranger est
parfois un facteur de consolidation du couple alors que le couple
mononational s'illusionne jusqu'à l'échec dans la phase fusionnelle
initiale de la vie amoureuse. Il n'empêche qu'en cas de divorce
ou de veuvage, que le conjoint soit ressortissant du pays étranger
ou français, les risques sont élevés d'être placée en position
de faiblesse financière et juridique, de connaître une grande
précarité ou même la misère et ce, dans tous les pays étudiés.
La position de faiblesse préexiste souvent à la rupture du lien
conjugal, sur un plan personnel et psychologique d'abord. La femme
suit son mari, étranger ou français. Elle interrompt sa carrière.
Faute d'emploi pour elle à l'étranger, elle profite de son temps
libre pour élever les enfants. Si elle trouve un emploi, il est
fréquemment déqualifié, sous-payé, parfois non déclaré. La non
équivalence des diplômes peut servir d'alibi aux employeurs mais
c'est surtout la chance d'engager à bon marché une main d'oeuvre
très qualifiée et captive quils saisissent, les services de l'Etat
français à l'étranger n'étant pas les derniers à profiter de l'aubaine.
Cette position de faiblesse, qui résulte de la dépendance financière
totale ou partielle, est accentuée par des facteurs familiaux
et culturels dans le cas des mariages binationaux. La femme étrangère
"joue sur le terrain" de son mari et non sur le sien. "Le public
n'est pas avec elle". Elle ne discerne pas et elle comprend mal
les règles implicites de fonctionnement du couple, de la famille
et de la société où elle vit, d'où des comportements inadaptés
et porteurs de risques.
Les Françaises ont l'habitude de confondre leurs intérêts financiers
avec ceux de leur mari parce que la communauté de bien intégrale
ou réduite aux acquêts est le régime matrimonial le plus commun
en France. Elles n'anticipent donc pas du tout le risque de veuvage
ou de divorce. Si elles vivent dans des pays où le régime successoral
est très défavorable à la veuve, dans des pays où les liquidations
de communauté sont très difficiles, dans des pays où la norme
du régime matrimonial est la séparation des biens, la rupture
du lien conjugal mène droit à la misère.
En Italie, aux Etats-Unis, à Buenos Aires, combien de Françaises
ont investi leurs biens propres dans la société de leur mari,
sans prendre la moindre précaution, pour se retrouver sans un
sou vaillant et seules à 50 ans. En pays musulmans, combien de
Françaises ont consacré tout leur salaire et leur héritage familial
aux dépenses du foyer pendant que leur mari investissait en son
nom propre ! Combien de Françaises se retrouvent sans toit après
avoir financé l'achat d'un logement enregistré au nom du seul
mari ! Une femme musulmane, au Maghreb ou en Afrique, habituée
au régime de la séparation de biens, consciente des risques de
rupture par répudiation unilatérale, protège beaucoup mieux ses
intérêts.
Enfin, le nationalisme judiciaire d'une part, la position de force
financière du mari d'autre part, font qu'un divorce prononcé à
l'étranger est le plus souvent préjudiciable à l'épouse étrangère.
Les scénarios sont partout semblables, les variantes minimes et
les résultats identiques : des femmes aux ressources financières
diminuées qui doivent entretenir par leurs propres moyens, tant
les pensions alimentaires sont dérisoires et aléatoirement versées,
les enfants dont elles ont tenu à avoir la garde. Elles restent
ainsi piégées dans le pays de résidence, soit parce qu'elles veulent
maintenir le lien entre les enfants et leur père, soit parce qu'elles
n'ont pas le droit de changer de résidence avec les enfants, comme
cest le cas aux Etats-Unis et dans les pays arabes.
Partout les mères de famille isolées (terme sexué plus exact que la "famille monoparentale") sont
un des groupes les plus précarisés des communautés françaises.
Parmi les familles boursières, elles se situent toujours dans
le groupe des plus bas revenus. Dans toutes les villes étudiées,
ce sont elles qui consacrent le plus fort pourcentage de leurs
revenus au logement (43 % à New-York) dont elles sont locataires.
A l'exception de l'Europe du Nord, elles n'ont généralement ni
assurance-maladie ni assurance-vieillesse. A New-York, les sommes
fabuleuses dépensées dans un divorce, rendu encore plus conflictuel
qu'ailleurs par le système judiciaire et le mercantilisme des
avocats, les laissent ruinées, endettées, spoliées du produit
de leur travail.
Pour travailler, elles doivent faire garder leurs enfants, ce
qui représente une charge très lourde en Europe et en Amérique
du Nord. Cette charge n'est pas toujours comptabilisée dans le
calcul du barème des bourses scolaires alors que peu de pays offrent
des systèmes collectifs de garde. Pas une école française des
pays étudiés n'offre de possibilité de garde avant et après les
classes pour les enfants de parents isolés ou bi-actifs.
Le niveau de vie des enfants connaît une chute vertigineuse du
fait du divorce des parents. A New-York, des enfants qui avaient
fréquenté les meilleures écoles privées se retrouvent dans une
école publique dégradée. A Abidjan, les mères françaises et africaines
que les pères - autant Français qu'Africains - ont abandonnées
sans même divorcer (ils "disparaissent") connaissent la misère
absolue : logement infect, manque de nourriture, enfants privés
de tous soins de santé, parfois déscolarisés.
A Tunis, tel mari puissant obtient la fixation d'une pension alimentaire
dérisoire pour la femme et les trois jeunes enfants qu'il abandonne.
Il oublie de payer le loyer dont la charge lui incombe d'après
la loi et son statut social lui assure l'impunité.
Le divorce n'a jamais enrichi le conjoint en position de faiblesse
mais pour une femme résidente permanente à l'étranger, il génère
des années de misère. Les veuves ne sont pas dans une situation
plus favorable, d'autant que les récits entendus dans tous les
pays étudiés laissent à penser que les successions balzaciennes
sont un phénomène universel. Malheur à la veuve et à l'orphelin.
2. Les personnes de plus de 50 ans au chômage
Que ce soit à Rome, à Tunis, à Abidjan, à Buenos Aires ou à Tananarive
tout comme en France, le chômage à ces âges, dès 45 ans pour les
femmes, est souvent définitif, même si d'heureuses exceptions
confirment la règle. A Buenos Aires, à Rome, ce sont les femmes
qui sont les plus touchées, à Abidjan ou à Tananarive les deux
sexes sont également concernés.
· A Buenos Aires et à Rome,
les femmes de cet âge qui recherchent un emploi et se sont fait
connaître au consulat ont un bon niveau de formation intellectuelle
et souvent de l'expérience professionnelle. Mais leur activité
a été discontinue, telle cette dame divorcée ("plaquée" serait
un terme plus exact) à plus de 50 ans et qui avait suivi son mari
diplomate de poste en poste. Certaines ont travaillé dans l'entreprise
familiale. Faillite et divorce venus, elles n'ont aucune économie,
souvent des dettes. Leur expérience professionnelle est paradoxalement
un obstacle à l'embauche : à Buenos Aires, les employeurs seraient
contraints par ce qui reste du droit du travail argentin à tenir
compte de leur ancienneté pour fixer leur salaire. Ils préfèrent
des jeunes inexpérimentés à bon marché. Polyglottes ou au moins
parfaitement bilingues, diplômées de l'enseignement supérieur,
formées en bureautique, il ne leur reste plus guère que des cours
particuliers de français, des ménages et des gardes d'enfants
pour survivre.
· En Afrique,
l'extrême jeunesse de la population rejette aussi très tôt les
quadragénaires et quinquagénaires dans l'inactivité d'une vieillesse
anticipée et d'une retraite sans pension. A la belle époque de
la Côte d'Ivoire, dans les années 60-70, des cadres intermédiaires
et des techniciens français avaient d'excellentes situations " dexpatriés "
et des salaires d'1,5 M.F CFA à 2 M.F CFA (30 000 à 40 000 FF
avant dévaluation), logement, voiture, assurance-maladie... Licenciés
pendant la crise de 89-95, ils ont voulu rester en Côte d'Ivoire
et ont connu la décadence. De jeunes Ivoiriens bien formés ont
occupé leur emploi. Ils ont donc accepté des salaires locaux de
l'ordre de 300 000 à 500 000 F CFA (dépréciés de moitié par rapport
au franc, soit 3 000 à 5000FF) sans avantages en nature et surtout
sans assurance-maladie. Puis ils ont été licenciés. A quelques
années des 55 ans, l'âge légal de la cessation d'activité en Côte
d'Ivoire (et dans la plupart des pays d'Afrique francophone),
ils sont sans ressources, malades et ne pensent ni ne veulent
rentrer en France où ils se sentiraient étrangers.
Appartiennent aussi à ce groupe des investisseurs indépendants en Pays en voie de développement qui se sont ruinés.
Les petits investisseurs, surtout s'ils n'avaient pas une connaissance
suffisante du pays ni l'expérience des affaires, y perdent assez
souvent tout leur capital.
A Madagascar, la proportion de ceux qui se ruinent est évaluée
à 8 sur 10. Cette proportion est certainement moins élevée en
Afrique de l'Ouest mais le scénario est toujours le même. Un Français
de 40 à 50 ans liquide son commerce en France, ou salarié licencié,
il décide d'investir le capital constitué par son indemnité. Il
s'associe à un investisseur du pays étranger qui met en avant
sa connaissance du marché et surtout ses hautes relations dans
les sphères administratives et politiques. Le Français ne prend
pas les précautions élémentaires, telles que des informations
bancaires sur le partenaire, la consultation d'un avocat pour
la rédaction des contrats, des statuts, dans l'illusion qu'en
Afrique ou à Madagascar les choses se font sans formalisme. Après
deux ou trois ans d'activités, quand l'affaire commence à être
rentable, les ennuis commencent. L'associé français qui, parfois,
n'est pas d'une honnêteté scrupuleuse, a commis quelques irrégularités
ou son partenaire les lui a fait commettre sciemment. La douane,
le fisc effectuent des contrôles... Sajoutent des problèmes avec
le personnel de l'entreprise. Les conflits surgissent alors entre
les associés, sont portés devant les tribunaux où le partenaire
local a ses relations et ses moyens d'influence. Le Français,
progressivement privé de ressources, cesse de cotiser à son assurance-maladie,
aux ASSEDIC, à sa caisse de retraite. L'aventure se termine quand
il est à bout de ressources et, sil a été trop imprudent, par
une incarcération.
A cet âge la ruine est définitive; le retour en France est quasi
impossible. L'exclusion sociale s'installe : santé dégradée, logement
insalubre, expédients pour la survie quotidienne.
Les quelques centaines de Français d'Algérie qui se sont installés
en Argentine en 1962 terminent leur vie un peu dans la même situation,
mais pour des raisons différentes. L'accord franco-argentin sous
l'égide duquel ils ont émigré n'offrait pas les conditions de
la réussite : exploitations trop petites pour l'Argentine (600
h) sur des terres peu fertiles. Après un travail acharné, des
tentatives culturales diverses ont abouti très souvent la faillite,
l'endettement, le domaine hypothéqué. Ces agriculteurs n'avaient
pas suffisamment de capitaux pour faire face aux aléas. L'hyperinflation
suivie de l'ouverture du marché agricole argentin aux produits
d'importation leur a été fatale. Beaucoup d'entre eux vivent aujourd'hui
pauvrement dans des villes telles que Cordoba San Juan ou dans
les banlieues de Buenos Aires.
3) Personnes âgées
A l'exception de la communauté de Buenos Aires, vieillissante,
où les plus de 60 ans représentent 20 % des immatriculés, les
personnes âgées ne comptent que pour 13 % à Tananarive, 11 % à
Tunis et 9,6 % à Abidjan. La jeunesse des communautés françaises
et la faible longévité conjuguent leurs effets pour réduire les
pourcentages à des chiffres très bas, beaucoup plus faibles qu'en
France où les plus de 60 ans représentent 20 % de la population.
Le nombre de personnes âgées décroît vite avec le vieillissement
: les plus de 65 ans ne sont plus que 8,6 % des immatriculés à
Tananarive, de 8 % à Tunis et de 5,4 % à Abidjan.
|
Allocataires
|
Personnes âgées + 65 ans
|
%
|
total des immatriculés
|
%
|
Tananarive
|
206
|
956
|
21,50%
|
11 015
|
1,87%
|
Tunis
|
136
|
1010
|
¨13,40%
|
12 477
|
1,09%
|
Abidjan
|
96
|
1026
|
9,30%
|
18 922
|
0,51%
|
Buenos-Aires
|
123
|
1922
|
6,30%
|
13 275
|
0,93%
|
Les bénéficiaires de l'allocation de solidarité
L'essentiel de l'aide sociale consulaire se concentre donc sur
une infime partie de la communauté française : 206 allocataires
sur 956 personnes âgées soit 21,5 % à Tananarive (11 015 immatriculés),
136 allocataires sur 1 010 soit 13,4 % à Tunis (12 477 immatriculés),
96 allocataires sur 1026 soit 9,3 % à Abidjan (18 922 immatriculés),
123 allocataires sur 1922 soit 6,3 % à Buenos-Aires.
A contrario, cest le signe qu'à l'exception de Madagascar, le
nombre de Français âgés dont les ressources sont inférieures au
minimum vital défini par les CCPAS n'est pas très élevé. Ces pourcentages
reflètent bien l'appartenance des Français à l'étranger aux classes
moyennes et attestent que la majorité d'entre eux ont eu des revenus
suffisants, pendant leur vie active, pour se constituer une retraite
ou des rentes.
L'allocation de solidarité pour les personnes âgées a constitué
un grand progrès. Le niveau de vie qu'elle permet d'atteindre
est variable selon les pays et les cas particuliers mais, dans
l'ensemble, les allocataires ont conscience d'échapper, grâce
au consulat, à une vieillesse misérable. En effet, des pourcentages
importants d'entre eux n'ont aucun revenu hors allocation.
Buenos-Aires : 31 %
Tunis : 20 %
Abidjan : 60 %
Tananarive : 22 %




· Rome
C'est dans les pays développés, au coût de la vie élevée, que
l'allocation de solidarité, qui ne peut être supérieure au minimum
vieillesse français, laisse les allocataires dans la situation
la plus difficile. Les vieilles dames interviewées à Rome ont
un budget très serré avec leurs 3 200 FF par mois (soit 944 000
lires). Ainsi cette dame de 80 ans, ancienne couturière, qui n'a
presque pas pu cotiser pour une pension, mais qui, propriétaire
de son logement, débourse 422 000 lires de charges fixes mensuelles
:
Elle économise sur tout, chauffe l'eau de la toilette quotidienne
sur le gaz pour n'allumer le chauffe-eau (grand consommateur d'énergie)
qu'une fois par semaine, reçoit des communications téléphoniques
mais évite d'en donner. Il ne lui reste que 357 600 lires (1192
FF) pour sa nourriture et ses autres frais. Elle consomme de la
viande une fois ou deux par semaine et n'achète aucun vêtement,
coquette tout de même avec les vêtements hérités de sa mère et
ceux de l'époque où elle travaillait. Mais il suffit de peu pour
déséquilibrer le budget : les 80 000 lires (266 FF) pour la réparation
de sa télévision lui ont été offerts par la société des Dames
de St Louis (association de Bienfaisance). Cette dame garde toute
sa dignité et ne se plaint pas, mais les médiocres ou mauvaises
gestionnaires de Rome vivent dans des logements devenus insalubres,
sont mal vêtues et se nourrissent mal.
· Buenos-Aires
A Buenos-Aires, avec 3 400 FF (566 pesos), c'est un peu plus difficile
car la vie est encore plus chère qu'à Rome. A Tunis et à Abidjan,
la situation est meilleure avec respectivement 2 750 FF et 2 950
FF, mais le budget reste serré avec des économies portant sur
l'alimentation et les vêtements. Le faible coût du logement, 171,32
FF en moyenne pour les allocataires de Tunis, donne de la marge
pour les autres dépenses, mais le coût de l'énergie a renchéri
ces derniers temps.
· Tananarive.
A Tananarive, le niveau de vie des allocataires est plus difficile
à évaluer et très variable selon les situations de famille. Avec
720 FF par mois, les allocataires propriétaires de leur logement
ou bénéficiant d'un bas loyer vivent convenablement (au standard
malgache) s'ils n'ont pas trop de charges familiales. Mais nombre
d'entre eux ont des enfants, des petits enfants à leur charge.
Quand dix personnes vivent de l'allocation de solidarité du père
ou du grand-père, le niveau de vie familial est misérable. Par
ailleurs, le consulat applique assez strictement la notion d'obligation
alimentaire. Tout enfant vivant à Paris ou à la Réunion est censé
donner 100 FF par mois à ses ascendants. Mais l'enquête effectuée
récemment prouve que 6 % des enfants des allocataires seulement
leur versent une aide.

L'allocation est donc fréquemment réduite à 200 et 300 FF alors
que la personne âgée ne bénéficie d'aucune aide. On peut s'interroger
sur la légalité de cette pratique qui n'est pas mise en oeuvre
en France, l'Etat se réservant le droit sur l'héritage de la personne
âgée bénéficiaire d'aides.
Les effets pervers d'une aide sociale concentrée sur les seules
personnes âgées et handicapées éclatent à Madagascar. L'aide donnée
à la personne âgée maintient le reste de la famille dans l'assistanat.
Des actions ciblées d'insertion sur chacun des membres de la famille
(scolarité, formation professionnelle, don ou prêt pour création
de micro-entreprise) coûteraient-elles plus cher que la dépense
passive de l'allocation ?
Le vrai problème c'est qu'en France, l'assurance-maladie personnelle,
payée par le conseil général, s'ajoute au minimum-vieillesse alors
que la majorité des allocataires âgés n'ont pas, à létranger,
d'assurance-maladie.
La situation est relativement favorable à Tunis avec 48 % d'assurés
dont 40 % à la CFE. Cela tient à plusieurs facteurs : 42 % des
allocataires de Tunis bénéficient d'une pension française d'un
montant moyen de 1 603 FF. Ils peuvent donc adhérer à la CFE au
régime retraité, qui reste accessible, même dans le nouveau régime
(217 FF par mois, qui représentent tout de même une ponction de
7,8 % sur leur revenu). Par ailleurs, au début des années 90,
puis en 1997-1998, à l'occasion de la période de suspension de
la rétroactivité, les allocataires ont été incités à adhérer à
la CFE. Mais, au tarif de la 3ème catégorie (488 FF par mois),
soit une ponction de 17,45 %, et c'est excessif.
A Buenos-Aires où le coût des soins médicaux est très élevé, l'accès
à la santé est le problème majeur des personnes âgées. Certaines
font l'effort énorme d'une affiliation à une mutuelle privée au
détriment de tous les autres postes de dépense, alimentation comprise.
Pour une dame de 70 ans, cela représente 260 pesos par mois sur
un revenu de 677 pesos, soit 38,40 % !
A Tananarive et à Abidjan, les allocataires dépendent totalement
de l'aide médicale consulaire pour se soigner.
Les personnes âgées françaises à l'étranger échappent donc, grâce
à l'aide consulaire, à la misère qu'elles connaissaient avant
les années 80. Elles vivent pauvrement, souvent dans un grand
isolement, et leur grand problème reste celui des soins médicaux,
qui est crucial à leur âge.
Le problème se pose dans les pays où l'espérance de vie se maintient
encore à un niveau élevé dans la classe moyenne (Buenos-Aires)
ou s'élève nettement (Tunis). A Abidjan et à Tananarive, le bas
niveau de santé accélère l'apparition de la dépendance.
Le consulat de Tunis, dans son rapport de 1998, expose ainsi la
situation :
"Un nouveau phénomène se fait jour concernant les personnes âgées
: l'allongement de l'espérance de vie conduit au développement
d'un quatrième âge, souvent synonyme de vie contrainte par le
handicap; le fait que les personnes installées depuis l'indépendance
soient souvent coupées de tout lien familial impliquera sans doute
à leur sujet une prise en charge de plus en plus importante. De
ce point de vue, tant la question des aides médicales que celle
de l'hébergement proposés à cette population va bientôt se poser.
En 1997, 3 % de la population française, soit 360 individus, avait
plus de 75 ans".
A Tunis, l'hébergement au Foyer Familial Delarue-Langlois, financé
par l'allocation, offre une solution. A Madagascar, les maisons
de retraite d'Antsirabé, Diego-Suarez, Tamatave, ont le mérite
d'exister. Celle de Tamatave est très bien tenue par l'association
de bienfaisance. La situation est mauvaise à Buenos-Aires où les
conditions d'accueil de 23 vieux Français au "Foyer des Vieillards
de l'Association française philanthropique et de bienfaisance"
sont franchement déplorables. Les personnes âgées y sont parfois
traitées sans ménagement, fondent en pleurs quand elles cherchent
à s'exprimer. Les chambres sont exiguës et pauvrement meublées,
les personnes incontinentes qui n'ont pas les moyens de s'acheter
des protections baignent dans leur urine, la nourriture est essentiellement
composée de féculents. L'hygiène laisse plus qu'à désirer.
Tout comme en France, la dépendance sera le défi qu'auront à relever
les CCPAS dans un proche avenir et cela aura un coût élevé, d'autant
plus difficile à évaluer qu'il est difficile de faire des projections
démographiques sur cette population.
Faute de tables de longévité pour trois des quatre pays étudiés,
il n'a été possible de faire de projection démographique que pour
Buenos-Aires.

La superposition des deux fractions de pyramide des plus de 65
ans en 1999 et en 2020 montre quil y a peu de changements à attendre
dans lévolution de la structure de cette sous population, mis
à part la disparition du déficit des 80-85 ans. Ceci signifie
en fait que sans modification forte du solde des immatriculations,
limportance relative des personnes âgées augmente. Si lon formule
maintenant la double hypothèse, non quantifiable, mais très probable,
dun niveau faible dinstallations nouvelles de Français en Argentine
et dune dégradation sensible des conditions de vie des personnes
âgées dans ce pays, on peut anticiper une croissance du nombre
de personnes âgées immatriculées sur la période (le surplus venant
des immatriculations nouvelles).
Le revenu avant allocation tend à baisser pour les allocataires
de Tananarive et d'Abidjan.




Il est probable que le nombre de personnes âgées augmentera très
lentement, car la longévité reste très faible. Mais à constater
le nombre important d'adultes qui ne peuvent cotiser pour aucune
assurance-vieillesse, y compris dans la classe moyenne, le nombre
d'allocataires commencera certainement à croître très fortement
d'ici une dizaine d'années.

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