2. Concevoir et organiser une politique locale de lutte contre
l'exclusion
Dans les pays où l'exclusion sociale frappe une partie notable
de la communauté française, chaque CCPAS pourrait élaborer un
projet d'action tri-annuel - ajustable chaque année - fondé sur
une étude des situations particulières de pauvreté et d'exclusion
sociale dans la circonscription consulaire. Ce projet répertorierait
les actions souhaitables et les actions possibles en direction
des publics en difficulté. Il fixerait des priorités et un échéancier.
Sur le plan budgétaire, les instructions consulaires pourraient
préciser, comme c'est le cas actuellement pour les allocations
à durée déterminée, les montants maxima des allocations de secours
d'une part, et des actions de prévention ou de remédiation d'autre
part, que le CCPAS pourrait répartir sans autorisation préalable
du ministère. Le contrôle de l'affectation de ces crédits serait
réalisé comme aujourd'hui par un rapport annuel d'évaluation de
l'activité du CCPAS comportant un volet comptable enrichi d'un
volet descriptif. Un rapport d'évaluation tri-annuel permettrait
d'évaluer l'action sur la période de trois ans écoulée et de préparer
le programme d'action tri-annuel suivant.
Une telle montée en puissance des CCPAS n'est possible qu'aux
conditions suivantes :
- une composition plus représentative et plus "professionnelle".
- une augmentation de la part de crédits non affectés du CCPAS.
- une modernisation des "sociétés de bienfaisance".
· La composition du CCPAS
Actuellement, le CCPAS est nommé par le consul. Sa composition
actuelle doit être maintenue, mais il devrait être possible de
donner l'initiative aux deux associations reconnues d'utilité
publique, ADFE et UFE, de désigner à parité des personnalités
répondant à des critères sociaux et techniques déterminés par
les instructions consulaires : personnes déjà impliquées dans
l'action sociale au sein des diverses associations françaises,
des sociétés de bienfaisance, travailleurs sociaux qualifiés,
professionnels de la santé. Pour les postes consulaires dont la
population est répartie entre plusieurs villes, le critère géographique
devrait aussi être retenu pour la nomination de quelques uns des
membres du CCPAS. LADFE et lUFE assumeraient ainsi pleinement,
aux yeux de la communauté, la responsabilité de la bonne marche
du CCPAS aux côtés de ladministration. Ces désignations pourraient
se faire par consensus entre les deux présidents des associations,
après consultation de leurs bureaux respectifs, et ils reviendrait
au consul, président du CCPAS, d'arbitrer en cas de désaccord.
Les délégués au CSFE resteraient membres de droit. En fonction
de l'ordre du jour, fixé par le bureau exécutif, un représentant
de la CLB et du CCEFP pourraient être invités, avec voix consultative.
Il faut sortir du système rigide actuel, avec 88 % des crédits
affectés aux seules allocations permanentes, au profit d'un système
qui permette d'activer le plus de dépenses daide sociale possibles.
Cela implique que les augmentations de crédits d'aide sociale
soient prioritairement affectées, à l'avenir, aux allocations
à durée déterminée et aux secours occasionnels. Nous proposerons
la suppression des A.D.D et leur remplacement par des allocations
plus modulées, plus ciblées, et des formules telles que le prêt
pour micro-investissements, dont le CCPAS aurait l'initiative
et la responsabilité.
Actuellement, une proportion notable des sociétés de bienfaisance
est sclérosée, que ce soit dans la composition de leurs instances,
rarement renouvelées et rajeunies, ou dans leurs modalités d'action.
Là où elles ont su s'ouvrir, sans exclusive, à la diversité de
la communauté française, là où elles sont devenues des associations
d'entraide, travaillant en bonne complémentarité avec le CCPAS,
le comité consulaire pour l'emploi et la commission des bourses
scolaires, un réel progrès a été enregistré. Cela ne peut pas
se décréter. Mais le ministère des Affaires étrangères pourrait
fixer à ses ambassadeurs, assistés par les consuls, l'objectif
d'aider ces structures à évoluer. C'est une tâche dans laquelle
un diplomate peut prouver qu'il a les talents de sa fonction.
Une association d'entraide périodiquement renouvelée et rajeunie,
donc dynamique, pluraliste sur les plans sociologiques et politiques,
pourrait développer des actions innovantes dans une logique d'insertion,
sur le modèle des "associations-relais" du consulat de Pondichéry
: organisation d'activités périscolaires en milieu francophone
telles que des centres de loisir, des colonies de vacances, des
foyers-internats pour les élèves du réseau AEFE, etc.
3- Organiser les services sociaux consulaires
"La mission des assistants sociaux est d'aider les personnes,
les familles et les groupes connaissant des difficultés sociales,
à faciliter leur insertion et à rechercher les causes qui compromettent l'équilibre psychologique,
économique et social de ces personnes" (décret du 1-8-91 relatif
aux assistants sociaux des administrations de l'Etat).
Si le travail social en France est déjà confronté à de nombreuses
contradictions, entre les individus et les institutions, entre
l'action sociale et l'assistance, entre les besoins exprimés et
les réponses possibles, il prend à l'étranger un caractère encore
plus complexe. Les assistants sociaux français y sont confrontés
à deux législations, la loi française et la loi locale, et à des
populations diverses : Français venus de France, Français natifs
du pays, double nationaux, conjoint(e)s de ressortissant(e)s du
pays d'accueil. Autant de groupes dont la culture, les attentes
sociales et les besoins sont très différents.
Une bonne connaissance de la législation française est nécessaire
aux assistants sociaux pour diffuser une information fiable aux
immatriculés. Leur formation de base leur confère la capacité
de s'initier à la législation locale et aux conventions bilatérales
ou multilatérales qui régissent pour partie la vie des Français
à l'étranger.
Or, pour faire face à une tâche plus lourde et plus ardue qu'en
France, le ministère des Affaires étrangères, à lexception de
9 postes consulaires, ne dispose pas d'assistants sociaux de métier.
La création de postes d'assistants sociaux est donc impérativement
le préalable à toute politique de lutte contre l'exclusion dans
les communautés françaises à l'étranger.
Imagine-t-on, en France, une ville de 12 000 habitants avec une
seule assistante sociale ? C'est le cas de la communauté française
de Tunisie. Une ville de 17 000 habitants avec une seule assistante
sociale ? C'est le cas de la communauté française de Madagascar.
Une ville de 3000 à 5000 habitants sans aucune assistante sociale
? C'est le cas des communautés françaises du Bénin, du Cameroun,
du Mali, du Togo, de Colombie, du Pérou, de Pologne etc., communautés
où la population des résidents permanents connaissent de réelles
difficultés.
En fait, on distingue deux types de communautés françaises qui
ont besoin de services sociaux et dagents aux caractéristiques
spécifiques, certains cas étant mixtes : les pays pauvres avec
des communautés françaises paupérisées et les pays développés
où les néo-émigrants français affluent.
3.1. Pays pauvres - Communautés françaises paupérisées.
Une communauté française paupérisée a absolument besoin dun(e)
assistant(e) social(e) professionnel(le) et bien formé(e) aux
particularités du travail à l'étranger. Qu'il s'agisse d'un assistant
social détaché au ministère des Affaires étrangères ou d'un assistant
social de formation française recruté localement, à la limite,
peu importe. L'essentiel est qu'il y en ait un, parfois deux pour
les communautés les plus nombreuses, et qu'ils puissent se consacrer
à leur fonction en étant déchargés des tâches administratives
de gestion des allocations.
Pour répondre réellement aux besoins, il faudrait idéalement que
tous les postes de plus de 3 000 immatriculés résidents permanents,
dont une proportion notable a de faibles revenus, soient dotés
d'un assistant social de métier et de 2 assistants au-dessus de
10000 à 11 000 immatriculés : un assistant social au Bénin, au
Burkina Faso, à Djibouti, au Gabon, au Mali, au Togo, au Chili,
au Mexique, au Venezuela, en Thaïlande, en Pologne, en Turquie,
en Egypte, à Jérusalem; deux assistants sociaux en Tunisie, au
Cameroun, en Argentine, au Brésil, en Israël, au Liban, à Pondichéry;
trois assistants sociaux au Maroc et à Madagascar. Soit un total de 37 postes.
Or, le ministère des Affaires étrangères ne dispose actuellement
que de 9 postes et subit depuis 1993 de sévères réductions d'effectifs
qui ont particulièrement dégarni les consulats. Quand on sait
que de nombreux postes n'ont plus suffisamment de personnels qualifiés
pour le service de l'état civil ou celui des immatriculations,
il peut paraître évidemment irréaliste d'affirmer que 37 postes
d'assistants sociaux sont nécessaires pour ces pays. Il n'en reste
pas moins que l'objectif de donner aux consulats la capacité de
remplir convenablement une mission de lutte contre l'exclusion
sociale est un objectif qu'il faut se fixer, sous peine de se
condamner à l'impuissance. Il n'y a aucune raison de se résigner
à ce que les Français établis à l'étranger restent les parents
pauvres du service public.
- Dans les petits postes (3 000 à 5 000 immatriculés) le même assistant social de métier est apte à gérer les trois
pôles de la lutte contre l'exclusion sociale.
C'est le meilleur cas de figure car l'assistant social est en
mesure de prendre en considération la personne en difficulté dans
son contexte familial et social, et les différents aspects qui
concourent à son exclusion : mauvais état de santé, insuffisance
de ressources, difficulté à scolariser les enfants, etc.
Là, le lien indissociable entre formation, emploi, action sociale
est assuré, surtout si une bonne collaboration est établie avec
l'école, l'association d'entraide, le bureau de l'OMI s'il y en
a un.
- Dans les grands consulats, de 10 000 à 20 000 immatriculés, on se heurte à la difficulté
d'organiser la cohérence d'un service social où les tâches sont
réparties entre trois responsables et leurs adjoints. La coordination,
condition d'efficacité, n'est pas réalisée par des échanges rapides
à l'occasion de rencontres dans les couloirs. L'envoi des personnes
en difficulté d'un bureau spécialisé à un autre est un premier
pas, mais il n'est pas suffisant. Il est nécessaire que les trois
services - action sociale, bureau pour l'emploi et bourses scolaires
- fassent un point, bimensuel par exemple, sur les cas qu'ils
traitent, afin de confronter leurs perceptions respectives de
la personne et de sa situation, leur connaissance de la famille,
des antécédents, ce qui permettrait de mettre au point une stratégie
commune d'action sociale, en collaboration avec les acteurs extérieurs
(école, centre de formation professionnelle, AFPA, CEFR, association
d'entraide, etc.).
Il serait bon que cette coordination soit placée sous la responsabilité
d'un des adjoints directs du consul, ce qui valoriserait le service
social et sa fonction.
3.2. Union européenne - pays industrialisés
Le plus grand nombre de Français est fixé ou émigré dans lUnion
Européenne et en Amérique du Nord. Dans ces pays, la fonction
essentielle serait d'informer les Français sur les notions de
base relatives au droit social, au droit du travail, à l'organisation
des services sociaux du pays où ils s'installent. Il ne s'agit
pas de se substituer aux structures locales. Il s'agit simplement
d'initier et d'orienter les Français. Un bon exemple, celui du
consulat de consulat de France à Londres qui publie des fiches
très pédagogiques sur le système de santé, les retraites, etc.
Dans ces pays, il faut donc recruter un agent doté d'une bonne
formation juridique de base, bon connaisseur du pays d'accueil
et qui en maîtrise la langue. Il s'agit plus d'un(e) "conseiller(e)
social(e)" que d'un(e) assistant(e) social(e). Comme le titre
de "conseiller social" est déjà porté par un agent du poste diplomatique,
le terme " d'agent social " marquerait le fait que la fonction
est assez différente de celle remplie par l'assistant social dans
les pays pauvres. Il serait d'ailleurs souhaitable que le conseiller
social de l'ambassade ait un lien avec le consulat et soit l'expert
auquel le service social peut avoir recours. Le cloisonnement
des services est particulièrement contreproductif dans ce domaine.
Ce type d'agent social serait nécessaire dans les consulats de
l'Union Européenne, au Canada, aux Etats-Unis côte Est et côte
Ouest, en Suisse (un à Genève ou à Zurich), soit une vingtaine
d'agents.
L'aide à la réussite de l'expatriation serait moins coûteuse que
la réparation des échecs, même si, pour obtenir ce résultat, la
création d'emplois dans les postes consulaires est nécessaire.