1. La protection de lenfance
La politique familiale française s'arrête aux frontières. Ni les
allocations familiales attribuées en France à toutes les familles
sans condition de revenus, ni les allocations spécifiques destinées
aux familles à revenus bas ou modestes ne bénéficient aux Français
établis à l'étranger.
Le bas niveau de vie d'un pourcentage réduit de familles françaises
établies à l'étranger et, parmi elles, la détresse des familles
monoparentales, justifieraient une transposition de l'aide aux
familles qui résident en France, modulée selon le coût de la vie,
dans le cadre des CCPAS.
Certains d'entre eux, Abidjan et Tunis - et dans ce dernier exemple,
avec un solide appui de la Société Française d'Entraide et de
Bienfaisance - mènent une politique d'aide à l'enfance qu'il faudrait
développer, financer et étendre à tous les postes où la population
française compte des enfants démunis.
La création dune allocation daide à lenfance, sous condition
de revenu, devrait être instituée afin de procurer aux enfants
le minimum vital : nourriture, vêtements, chaussures, matériel
scolaire. A Tunis, ces aides sont attribuées trois fois par an
pour un montant annuel de 250 à 500 FF par enfant. C'est très
peu.
A Tunis ou à Abidjan, une aide de 200 à 300 FF par mois et par
enfant serait nécessaire pour des familles dont les revenus ne
dépassent pas 1000 FF dans ces deux pays. Elle pourrait être modulée,
pour éviter les effets de seuil, pour les familles dont les revenus
sont inférieurs à 2 000 FF. Dans le reste de l'Afrique de l'Ouest,
il faudrait moduler cette aide à l'enfance en fonction du coût
de la vie et des niveaux des salaires.
Des secours occasionnels à l'enfance devraient être attribués, comme cela se fait à Abidjan et à Tunis,
pour des séances d'orthophonie, des inscriptions en colonies de
vacances locales, des achats de livres et fournitures scolaires.
Il faudrait que le CCPAS dispose, à cette fin, d'une ligne de
crédit spécifique.
Au lieu d'être versées aux parents, ces deux types d'aides pourraient
être allouées au paiement d'un internat dans un établissement
scolaire local, hors du réseau AEFE, pour des enfants que les
familles ne peuvent pas prendre en charge. Rappelons que la moitié
des enfants français à Tunis et à Abidjan ne fréquentent pas le
réseau de l'AEFE et que les plus pauvres sont mal scolarisés ou,
à Abidjan, pas scolarisés du tout.
Ces mesures sont indispensables à Madagascar, à Pondichéry, en
Afrique et dans certains pays d'Amérique Latine.
· Les enfants handicapés
Ils méritent une mention particulière. Ils sont les seuls à percevoir
une allocation, sans condition de ressources, dont le montant
varie de 500 à 950 FF/mois selon les pays. C'est trop ou pas assez.
C'est trop si le pays de résidence a une politique de prise en
charge du handicap (allocations, institutions). Ce n'est pas assez
si le pays en est totalement démuni.
C'est à chaque CCPAS de recenser les besoins et l'offre locale
afin que les crédits d'aide aux enfants handicapés soient répartis
d'une façon plus efficace.
Conclusion
Pour les enfants, il faut sortir de la politique du tout ou rien.
Tout en France, rien à l'étranger et, sur le plan scolaire, tout
pour les enfants scolarisés dans le réseau de l'AEFE, rien pour
les autres.
Il est possible, en restant réaliste, d'adapter la politique familiale
française pour en faire bénéficier les enfants français de l'étranger
issus de familles pauvres ou modestes.
2- La scolarité
L'accès aux écoles françaises est en principe garanti par le système
des bourses scolaires qui est censé corriger, pour les Français,
le caractère onéreux des établissements du réseau de l'AEFE. En
réalité, les contraintes géographiques (distance de l'école) et
sociologiques (milieux très défavorisés sur le plan culturel)
font que l'école française, généralement localisée dans un quartier
résidentiel où le ton est donné par la minorité des enfants de
milieux privilégiés (Français expatriés - bourgeoisie locale -
autres étrangers) n'est pas fréquentée par la majorité des enfants
de nationalité française. Il est donc nécessaire d'élargir l'accès
à cette école, d'y adapter la politique de vie scolaire et la
pédagogie aux enfants de milieux modestes ou très défavorisés,
mais aussi de mettre en place des solutions alternatives, l'objectif
étant qu'aucun enfant français de l'étranger n'atteigne l'âge
adulte sans une solide formation scolaire de base.
2.1. La lutte contre lexclusion scolaire dans les écoles françaises
Elle passe d'abord par un meilleur financement public du réseau de
l'AEFE. Actuellement, en moyenne mondiale, les écoles sont financées
pour moitié par l'Etat, pour moitié par les familles. Le coût
de l'accueil des nouveaux élèves français et des investissements
pèsent, pour l'essentiel, sur les établissements qui augmentent
en conséquence leurs droits d'écolage.
Le budget d'une école étant pour 80 à 90 % constitué de charges
salariales, il est nécessaire que l'Etat prenne à sa charge une
part plus importante des salaires des enseignants, en proportion
des élèves français scolarisés, dans les mêmes conditions que
pour l'enseignement privé en France. C'est le seul moyen de stopper
l'inflation des droits d'écolage. Cela suppose une augmentation
progressive de la subvention de l'Etat à l'AEFE. Il est certain
qu'une meilleure répartition des crédits publics entre les catégories
de personnels contribuerait aussi à alléger la charge salariale
des établissements.
· Les bourses scolaires
L'objectif à atteindre est de sécuriser les familles dans la durée
afin qu'elles soient assurées, lorsqu'elles engagent leurs enfants
dans le cursus scolaire français, d'avoir l'aide nécessaire, le
cas échéant, pour le leur faire achever. Cela est réalisable à
plusieurs conditions :
* Plans de stabilisation pluriannuels des frais de scolarité.
Il faut instaurer par contrat, des plans de stabilisation pluri
annuels des frais de scolarité entre l' AEFE et les établissements (conventionnés et homologués). L'adéquation des crédits de bourses
scolaires avec les montants des frais de scolarité pourrait ainsi
être programmée. L'inflation, les variations de change, le nombre
des élèves bénéficiaires, ne sont pas prévisibles et laisseraient
nécessairement une marge d'incertitude importante, mais une base
de programmation pluri annuelle est indispensable.
* Stabilisation des critères d'attribution des bourses scolaires
Les critères d'attribution des bourses scolaires doivent cesser
de subir des modifications annuelles destinées à occulter la véritable demande et à la faire coïncider
avec l'enveloppe des crédits. Il en résulte que les familles ont
le sentiment d'être soumises à un arbitraire incompréhensible.
Or, culturellement, pour les Français, l'école est le lieu d'une
forte aspiration à l'égalité et à la justice. Cette contradiction
est très vivement ressentie. Elle est à l'origine d'un sentiment
très vivace d'être victime d'une exclusion de la nation.
Le mieux étant l'ennemi du bien, il faut cesser de remanier sans
cesse les barèmes, les coefficients, les revenus minima, les abattements
et les points de charge. Une remise à jour, tous les trois ans
par exemple, fondée sur l'observation des dérives, effectuée en
concertation avec les membres de la commission nationale après
consultation des commissions locales, suffirait à assurer un minimum
de cohérence au système et une justice qui restera, quoi qu'on
fasse, toujours approximative. Cette remise à jour périodique
des critères devrait être largement expliquée aux familles. Les
variations de bourse que cette mise à jour entraînerait, devraient
être examinées au cas par cas afin de ne pas provoquer des interruptions
de scolarité.
Pour les enfants des familles les plus défavorisées, la bourse
scolaire ne prémunit contre l'échec scolaire que si elle est assortie
d'aides complémentaires.
Il faut changer la dénomination des bourses de demi-pension, de transport et d'entretien, qualifiées " d'annexes "
qui induit l'idée qu'elles sont secondaires. Or ces bourse sont,
pour les plus démunis, la condition de la scolarisation. Je propose
le terme de bourses de soutien (ou d'accompagnement) qui correspond mieux à la réalité. Les familles les plus pauvres
habitent toujours loin des établissements, situés dans les quartiers
résidentiels. Le coût du transport et du repas de midi représente
une ponction importante sur des budgets si serrés qu'ils sont
calculés au jour le jour à Abidjan ou à Tananarive. Quant aux bourses d'entretien, elles correspondent à l'allocation de rentrée scolaire. Dans
le cas de familles très démunies, comme il y en a à Madagascar,
certains établissements gèrent la bourse d'entretien afin qu'elle
soit réellement affectée à la scolarité de l'enfant. Le procédé
peut paraître paternaliste, mais lorsque des parents doivent choisir
entre l'achat d'un cahier ou celui d'un kilo de riz, c'est le
riz qui l'emporte et l'enfant va à l'école sans cahier. La gestion
de la bourse d'entretien par l'école ou un comité émanant du CCPAS
doit être conseillée dans les situations les plus difficiles.
C'est ainsi que procèdent les conseils généraux pour leur participation
au financement de la restauration scolaire.
· La vie scolaire
Les enfants des milieux modestes et défavorisés doivent se sentir
chez eux à l'école française. La création d'une caisse de l'école, d'un fond collégien et lycéen, s'impose dans chaque établissement afin de permettre à tous
les élèves d'accéder aux activités de classes onéreuses et à des
activités périscolaires payantes, même si leurs parents sont impécunieux.
Un pourcentage des droits d'écolage devrait être affecté à une
politique d'encadrement extra-scolaire et de soutien pour les enfants en difficulté : accueil et tutorat
dans la période qui précède les cours et celle qui les suit, pour
les enfants de familles dont les horaires de travail sont difficilement
conciliables avec l'emploi du temps scolaire. Les exigences de l'école en matière de manuels et de matériels
scolaires devraient tenir compte du pouvoir d'achat des familles. Les changements très fréquents de manuels pénalisent les familles
modestes en les privant du recours aux livres de seconde main.
C'est toute la vie des établissements qui doit être repensée en
fonction des capacités contributives et des besoins des élèves
de condition modeste, alors qu'aujourd'hui une politique de prestige
conforme aux attentes des plus favorisés est la plus répandue.
· Le foyer internat
Le foyer internat se révèle être, à Madagascar, la meilleure garantie
de réussite scolaire pour les enfants dont les familles vivent
dans des conditions infra normales. le modèle de Tuléar devrait
être réalisé dans les autres villes de l'Ile et pourrait être
adapté en Afrique de l'Ouest. 80 internes et 60 demi-pensionnaires
venus de brousse ou de régions éloignées (Fort Dauphin, Morondava),
mais aussi des familles les plus démunies de la ville, bénéficient,
dès l'âge de 4 ans, de l'hébergement, de la nourriture, de l'hygiène
et de l'encadrement pédagogique grâce auxquels ils réussissent
au Collège Français de la ville. Ils y apprennent et pratiquent
le Français qui n'est pas parlé dans leur famille. Les aménagements
et l'alimentation restent dans la norme malgache, mais à un bon
niveau. Pour un coût quotidien de 13,50 FF, les internes bénéficient
de quatre repas par jour dont un déjeuner et un dîner équilibrés
avec une ration de protéines, des légumes et des fruits en plus
du riz. Le prix de l'internat est de 5 850 FF par an, la demi
pension de 1 600 FF par an.
Ce type de foyer internat peut être mis en place avec des crédits
des CCPAS et de l' AEFE et géré, en liaison avec la communauté
éducative, enseignants et parents bénévoles, par une association
caritative de droit local sous le contrôle du consulat. La souffrance
affective des pensionnaires du centre J. Henrion de Majunga, qui
accueille des enfants français scolarisés au collège et totalement
abandonnés par leurs parents, prouvent que si ce type de réalisation
est peu coûteux, il suppose un fort investissement personnel des
bénévoles et un soutien actif du consulat car la détresse des
enfants est immense.
Conclusion.
Donner des bourses de scolarité à des enfants de familles très
démunies, et parfois désocialisées, sans offrir un accompagnement
social, qui doit aller jusqu'au foyer internat pour leur donner
quelques chances de réussite scolaire, c'est gaspiller l'argent
public. C'est faire aussi le malheur d'enfants que l'école française
aura extrait pendant 6 à 8 ans de leur milieu, sans réel profit
pour eux mais avec un risque d'inadaptation sociale élevé. Pour
les élèves les plus pauvres, l'aide à la scolarité doit être largement
comptée. Dans ce cas, la générosité est de bonne économie.
Aux difficultés linguistiques et cognitives des enfants qu'on
connaît en France, s'ajoute le décalage culturel. Le Français
n'est pas la langue de communication de la famille des enfants
français défavorisés à Madagascar ou en Afrique de l'Ouest. Mais,
surtout, leur milieu de vie n'a rien de commun avec les références
des programmes. Le problème de la pratique du Français se pose
aussi dans des pays plus favorisés parce que la majorité des jeunes
Français sont binationaux et que leur langue de communication
courante est celle de leur pays de résidence. La faiblesse en
Français est pour eux une cause importante d'échec scolaire à
laquelle il faut remédier.
Les meilleures remédiations sont mises en place à Madagascar,
dans les écoles de province confrontées aux enfants les plus démunis,
et pourraient être transposées dans les écoles qui accueillent
ce même public.
La scolarisation précoce, dès trois ans, avec une bourse scolaire,
stimule l'éveil sensoriel et intellectuel, accélère la socialisation
des enfants. A Diego-Suarez, une institutrice bilingue fait travailler
les enfants en malgache afin d'améliorer leurs compétences dans
leurs deux langues de communication et de les aider à surmonter
confusions et interférences.
Il s'agit de toutes les activités manuelles nécessitées par la
vie quotidienne : travail du bois, du fer, du tissu, électricité,
plomberie, petite mécanique, cuisine, hygiène personnelle et domestique,
jardinage et petit élevage, etc. Elles ont une fonction d'éveil
sensoriel et intellectuel qu'on néglige trop dans le système scolaire
français contemporain. Leur introduction à l'école, ou dans les
activités périscolaires, permet de suppléer à la déficience de
ces apprentissages en famille, déficience qui est une des sources
du handicap scolaire. Freinet, le grand pédagogue du début de
ce siècle, l'avait bien compris, ainsi que tous les pédagogues
des écoles professionnelles agricoles grâce auxquelles les ruraux
français ont accédé à la modernité au cours de ce siècle. Ces
activités valorisent l'habileté manuelle et permettent d'acquérir
des comportements et des démarches intellectuelles rationnelles
face aux problèmes concrets, indispensables aux jeunes qui n'accèdent
pas au secondaire, ou le quitteront dès la fin de la 5ème et qui
voudront entrer en apprentissage ou suivre une formation A.F.P.A.
C'est la base du programme "la main à la pâte" inspiré par Charpak.
Dans les pays plus riches, les enfants en difficulté gagneraient
à pratiquer davantage d'activités sportives et artistiques qui
peuvent les valoriser. Il faudrait que plus d'écoles les intègrent
dans leur projet pédagogique.
En conclusion, le développement de ces formations, dès l'école
primaire, serait un élément de la lutte contre l'échec scolaire
et préparerait les élèves à la formation professionnelle. Cela
n'empêcherait en rien les plus doués d'entre eux de poursuivre
les études secondaires jusqu'à leur terme, mais au moins la majorité
aurait-elle développé à l'école primaire, la seule école qu'elle
fréquente le plus souvent, les aptitudes nécessaires à une bonne
insertion professionnelle et sociale.
Les enseignants se plaignent à juste titre que leurs élèves soient
privés de l'environnement culturel dont bénéficie le plus défavorisé
élève de Z.E.P en France : labsence de télévision, de magasins,
danimations de quartier, élargit le fossé qui sépare les programmes
et méthodes réglementaires des centres d'intérêt et motivations
de leurs élèves. Il ne s'agit pas pour autant de plonger artificiellement
ces enfants dans l'univers citadin d'un élève français contemporain
! Mais il faudrait au moins que les B.C.D et C.D.I des établissements
les plus pauvres bénéficient d'une priorité pour leur installation
et leur équipement. Une B.C.D de 20 m2 à Tamatave, pauvrement
lotie de livres anciens, n'est pas digne d'une école française,
et surtout pas à la mesure des besoins des élèves pour lesquels
l'école est le seule ouverture culturelle. L'abonnement à l'Alliance
Française est actuellement un palliatif, mais cela ne remplace
pas les activités que des instituteurs d'aujourd'hui organisent
dans le cadre d'une B.C.D normale.
Enfin, plus encore qu'en France, l'école française est le creuset
de l'intégration nationale. Les activités éducatives qu'on y organise
pour que les enfants reçoivent non seulement une instruction,
mais une éducation civique, sont essentielles.
Plus qu'en France, cet objectif de la loi quinquennale sur l'emploi
et la formation professionnelle de 1993 doit être atteint. Il
faut savoir, en effet, si nous voulons continuer - de génération
en génération - à maintenir sous perfusion des communautés françaises
démunies, ou si nous voulons les faire progresser. Etant donné
le délabrement de l'économie malgache, la faiblesse de certaines
économies africaines et le faible niveau de qualification de beaucoup
d'adultes français, le système d'assistanat n'a guère d'alternative.
Mais pour les jeunes, le progrès est possible, comme le démontre
le taux de placement des élèves issus de l'A.F.P.A à Madagascar.
Il suffit d'un faible avantage relatif de formation pour gagner
convenablement sa vie dans un pays très pauvre. Cet avantage,
nous pouvons le donner aux enfants des communautés françaises,
et à peu de frais.
Des initiatives très intéressantes ont été prises en ce sens à
Diégo-Suarez, dans le cadre du projet d'établissement. Au lieu de jeter à
la rue, en raison de leur retard scolaire, et en les privant de
bourse, des adolescents en fin de 5ème, une classe d'initiation
pré-professionnelle en alternance (C.I.P.A) a été organisée depuis
1993. Les élèves partagent leur temps entre deux semaines de stage
en entreprise et deux semaines d'enseignement au lycée. A raison
de huit stages dans l'année, les jeunes prennent contact avec
les métiers existants à Diégo-Suarez afin de déterminer le métier
pour lequel ils ont goût et aptitude, et de rechercher un contrat
d'apprentissage.
A la rentrée 1999, c'est une centaine d'élèves, souvent issus
des écoles de brousse et pour lesquels une remédiation précoce
n'a pu être mise en place, qui suivront un cycle d'enseignement
professionnel à partir de la 6ème.
6ème de consolidation : 25 élèves. Il s'agit d'élèves en grande difficulté dont on sait
par avance que l'immense majorité d'entre eux (22/25) relèvera
plus tard d'un enseignement pré-professionnel.
5ème de consolidation : 23 élèves. En 5ème, comme pour la 6ème, il est essentiel d'envisager
un enseignement de la technologie relativement important, à la
fois pour les familiariser avec cette discipline inconnue dans
les établissements malgaches de la ville, et pour les amener à
concevoir tout l'intérêt que représente pour eux une orientation
ultérieure en cycle de préformation professionnelle.
4ème AS (4ème d'aide et de soutien) : 25 élèves. Deux ou trois élèves au maximum pourront se voir
proposer un redoublement en 4ème de type collège. Les autres seront
affectés en 3ème IS.
3ème IS (3ème d'insertion) : 23 élèves prévus en 1999-2000. Cette classe fonctionnera selon
le même dispositif que celui prévu pour l'ancienne CIPA qu'elle
remplace : deux semaines d'enseignement général au lycée, deux
semaines d'initiation professionnelle sous forme de modules divers
(menuiserie, soudure, mécanique automobile, BTP, couture, cuisine,
informatique, électricité, électronique), deux semaines d'application
en entreprise.
A la fin de l'année, ces élèves devront s'orienter de la façon
suivante :
l'AFPA de Tananarive ou d'Antsirabé après réussite aux tests psychotechniques,
contrat d'apprentissage,
réorientation vers un BEP (essentiellement vers la Réunion qui
a abandonné le système des quotas appliqués aux élèves venant
de Madagascar),
réorientation, quand cela est possible, vers le système malgache
d'enseignement technique,
passage pour quelques-uns, en 2nde IS.
2nde IS (2nde d'insertion) : une dizaine d'élèves pourraient être affectés en 1999-2000
dans cette classe, qui est en fait une CPA dont la dénomination
a été modifiée afin de rendre la section plus attractive. L'effectif
pourrait être plus important (23/25) en 2000-2001.
Ces élèves proviennent :
de 3ème d'insertion,
de 3ème de collège (élèves âgés et ne pouvant être admis en 2nde),
élèves de 2nde âgés et manifestement incapables de suivre avec
profit un enseignement de 1ère et de terminale.
A la fin de la 2nde d'insertion, les orientations offertes sont
les mêmes que celles proposées en 3ème IS.
Le système d'enseignement pré-professionnel s'est développé dans
les autres écoles de province qui mobilisent les ressources locales,
collèges techniques privés, entreprises, pour organiser la formation
et l'insertion professionnelle des élèves. Une proportion notable
d'entre eux passent à un degré supérieur et réussissent les tests
du CFPA (Centre de Formation Professionnelle des Adultes) de Tananarive
et d'Antsirabé.
Ce type de passerelle entre le collège et l'apprentissage ou la
formation professionnelle est un modèle adaptable pour les enfants
qui connaissent un grand retard scolaire dans les écoles françaises
d'Afrique de l'Ouest (627 élèves ont de 1 à 4 ans de retard à
Abidjan sur 3 702 élèves). Des financements AEFE (Agence pour
l'enseignement français à l'étranger) et AFPFE (Association pour
la Formation professionnelle des Français à l'étranger) et le
mécénat local d'entreprises sont nécessaires pour assurer les
investissements.
A Diego-Suarez la mise en place des classes CIPA, CPA, devenues
"classes de consolidation et d'insertion" a nécessité un investissement
de 60 000 FF par an pendant 5 ans, soit un total de 300 000 FF. Transitoirement, les droits de scolarité pour ces classes ont
été doublés en 1996 et 1997, ce qui était une façon, pour l' AEFE,
de participer au financement via les bourses scolaires. Ces coûts
vont baisser de 40 % à la rentrée scolaire 1999. La mission emploi-formation
du ministère des Affaires étrangères a concouru pour un montant
de 127 000 FF.
Il faudrait prévoir, en Afrique de l'Ouest, des coûts un peu plus
élevés, car la vie y est plus chère qu'à Madagascar. Par ailleurs,
il n'est pas sain que de telles initiatives dépendent pour l'essentiel
d'un financement sur fonds propres de l'établissement et que le
biais du doublement des droits de scolarité déséquilibre des crédits
de bourses scolaires dont la finalité n'est pas de financer des
investissements. Un financement programmé sur les 3 à 5 ans qui
sont nécessaires à la mise en place de ce type de formation devrait
être équitablement réparti entre l'établissement, l' AEFE et la
Direction des Français à l'Etranger (mission emploi-formation).
3- Les solutions alternatives à lécole française
"Hors de l' AEFE, point de salut", telle semble être la maxime
implicite de la politique de scolarisation française à l'étranger.
C'est une erreur coûteuse pour la France et dramatique pour les
jeunes. En effet, soit l'école française est accessible dès le
jeune âge, et l'enfant bénéficiera d'une bourse scolaire et des
bourses de soutien, soit, dans le cas contraire et majoritaire,
l'enfant français, même très démuni, ne bénéficiera d'aucune aide
à la scolarisation. Or, un grand nombre d'enfants n'accède pas
à l'école française dans des pays où il n'existe guère de solution
alternative satisfaisante. Paradoxalement, c'est dans le pays
le plus pauvre, Madagascar, que l'offre scolaire française, abondante
est répartie sur l'ensemble du territoire, que les enfants accèdent
le mieux à l'école française. Mais, en Côte d'Ivoire, c'est plus
de la moitié des jeunes français (55 %) qui sont scolarisés dans
les écoles locales, alors que seules quelques écoles privées donnent
encore un enseignement de qualité. En Tunisie, c'est 38 % des
élèves français qui fréquentent l'école tunisienne où le système
public maintient quelques filières de qualité.
Pour que tous les enfants aient une formation scolaire de base,
plusieurs solutions se présentent :
3.1. L'homologation par le ministère de l'Education nationale
d'écoles locales francophones
Partout en Afrique et à Madagascar, l'effondrement du système
scolaire public a mis au premier plan des écoles privées qui pré-existaient.
Cet effondrement a aussi provoqué des créations d'écoles, en réponse
à la demande des familles. Parmi elles, il y a de bons établissements..
A Tananarive, Abidjan, Dakar, certaines de ces écoles sont homologuées
par le MENRT, ce qui garantit la qualité de la formation dispensée.
50 % des enseignants ont des diplômes français et les programmes
du MENRT sont respectés. Le coût de scolarité y est inférieur
à celui des écoles du réseau AEFE, plus accessible aux familles
et moins onéreux pour le budget des bourses scolaires.
Il faut aller dans deux directions :
- recenser les écoles susceptibles d'être homologuées et les aider, par un programme
de partenariat, à atteindre les critères de l'homologation. Il
faudrait privilégier les écoles situées dans des quartiers éloignés
des écoles AEFE et en province, afin de rapprocher l'offre scolaire
de la demande des familles.
- une fois les écoles homologuées, les jumeler avec un établissement AEFE de référence, à charge pour lui de concourir à la formation continue des enseignants
de l'école homologuée et de lui apporter un appui pour son équipement
pédagogique (CDI - Laboratoires).
Une telle politique offrirait des possibilités de scolarisation
convenables à plus d'enfants français et contribuerait au relèvement
du niveau d'enseignement offert aux autres élèves. Ce serait une
aide efficace au développement dans des pays où le bas niveau
général de formation est la première entrave au progrès. Cela
supposerait de mieux coordonner l'action de la coopération française
et celle de l'AEFE au niveau local.
3.2. L'aide à la scolarisation dans des établissements non homologués
Certains établissements qui ne remplissent pas les conditions
de l'homologation en matière de pourcentage d'enseignants à diplômes
français pourraient malgré tout être sélectionnés par le service
culturel de l'ambassade et le consulat pour accueillir certaines
catégories d'enfants :
- enfants à l'habitat trop éloigné d'une école AEFE ou homologuée,
- enfants en trop grand retard scolaire pour le cursus français,
- enfants très démunis ou abandonnés qui doivent bénéficier d'un
internat,
- enfants redevables d'un enseignement professionnel.
Il s'agit là d'enfants déjà très lourdement frappés par l'exclusion
sociale et auxquels des solutions adaptées, très peu coûteuses
d'ailleurs, doivent être proposées afin qu'ils arrivent à l'âge
adulte socialisés et alphabétisés, aptes à se préparer à une formation
professionnelle de type AFPA.
Ces aides à la scolarisation devraient être décidées par le CCPAS
et financées par le CCPAS et/ou par l'AEFE.
4- La formation professionnelle
La formation professionnelle dans des structures installées par
le ministère des Affaires étrangères à l'étranger avec le soutien
financier et technique du ministère de l'Emploi et de la Solidarité
est le moyen privilégié de la lutte contre l'exclusion pour les
communautés françaises des Pays en voie de développement. Adaptation au public, à l'environnement économique local, à une
éventuelle poursuite de formation en France, taux de réussite
élevé, excellent taux de placement des stagiaires sur le marché
de l'emploi local, promotion sociale des stagiaires et de leur
famille, coût dérisoire par rapport aux mêmes formations en France,
tels sont les atouts de ces structures mises en place en 1987
à Pondichéry et à Madagascar. C'est le modèle de Madagascar qui
est le plus achevé et qui peut être adapté dans les pays d'Afrique
de l'Ouest, à commencer par Abidjan et Dakar.
4.1. Le modèle du CFPA (Centre de Formation Professionnelle des
Adultes) de Tananarive et d'Antsirabé.
· Une formation préparatoire pour mettre à niveau des publics hétérogènes par :
- la remédiation cognitive
- une remise à niveau linguistique ou scolaire du niveau de l'ancien
certificat d'étude primaire
- une familiarisation à des métiers divers de l'industrie
· Des formations qualifiantes sur le modèle de l'AFPA en France, mais avec un cursus adapté aux capacités des stagiaires
et au milieu industriel local pour aboutir aux diplômes certifiés
par l'AFPA.
· Des formations en réponse à la demande des industriels locaux, calquées sur le modèle AFPA, mais adaptées au milieu.
Ce sont des formations en alternance grâce au partenariat avec
les entreprises portant selon les années sur l'électricité, la
plomberie, les opérations de saisie informatique, la conduite
d'installations et de machines automatiques.
Une autre variante est la formation sous traitée à un centre de
formation local (ex : le centre intégré à la concession Mercedes)
pour la mécanique auto, l'électricité et l'électronique sur véhicule.
Pour 100 stagiaires/an à Tananarive et Antsirabé
Le coût total pour les formations qualifiantes conduites par l'
AFPFE (Association pour la Formation Professionnelle des Français
à l'Etranger subventionnée par le MAE et le MES) peut n'atteindre
que 4F/heure/stagiaire.
Le coût d'une formation industrielle de 10 mois au centre CFPA
est de 12000 FF par stagiaire. La même formation en France revient
à 80 000 FF.
Le coût d'une formation en alternance pour 10 mois à Tananarive
est de 9000 FF par stagiaire.
La rémunération mensuelle d'un stagiaire en France est en moyenne
de 3 000 FF. Elle est de 80 FF à Madagascar. LEtat engage donc
pour 5 mois de stage une dépense de 40 000 FF à Madagascar et
de 1,5 MF en France pour 100 stagiaires.
10 à 11 sur 12 des stagiaires de formations qualifiantes obtiennent
les diplômes certifiés AFPA. Selon les formations, le taux de
placement varie de 70 à 100 %.
La plupart des stagiaires bénéficie d'une réelle progression de
leur salaire en 2 ou 3 ans, ce qui assure leur promotion sociale :
Ex : salaire de début : 200 à 300 FF par mois
salaire après 1 à 3 ans : 600 à 700 FF, et jusqu'à 2 500 FF
Les niveaux de salaires atteints en quelques années sont bons
pour Madagascar et permettent une vie décente.
Certains stagiaires, après quelques années d'expérience, demandent
à bénéficier d'une formation AFPA de niveau supérieur en France.
Soit ils s'intègrent en France, soit ils reviennent à Madagascar
où ils obtiennent des postes de cadres.
4.2. Extension du centre de Tananarive
La demande de formation excède des 2/3 l'offre actuelle du CFPA.
L'extension réduirait encore les coûts marginaux déjà faibles.
La productivité sociale du dispositif et sa contribution au développement
de Madagascar dans le secteur industriel plaident pour une extension
rapide du centre de formation.
4.3. Adaptation du modèle CFPA de Madagascar aux Pays en voie
de développement
1ère étape : créer à Dakar et à Abidjan deux centres de formation
préparatoire à l'AFPA France, avec une vocation régionale (accès
pour les Français de la zone sahélienne et du golfe de Guinée).
Des foyers d'accueil doivent être prévus pour les stagiaires venus
des pays de la sous-région.
2ème étape : sur la base de ces deux centres, monter progressivement
des formations qualifiantes calquées sur celles de l'AFPA, débouchant
autant que possible sur un diplôme certifié AFPA France et correspondant
à la demande du milieu économique local.
4.4. Implications budgétaires
L'investissement de l'Etat dans la formation professionnelle doit
connaître une progression sensible d'ici 2003. Les financements
devront continuer à se répartir équitablement entre le ministère
des Affaires étrangères et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité
via l'AFPFE.
La commande publique du ministère de l'Emploi et de la Solidarité
à l'AFPFE devrait atteindre en 4 ans environ 4 MF et les autres
dotations 1 MF pour monter au total à 5 MF.
Le MAE devra continuer à détacher des formateurs, pour partie
en succession de la Coopération. Il faudrait atteindre 5 formateurs
en 4 ans pour réaliser l'extension de Tananarive et les centres
de Dakar et Abidjan.
Les investissements nécessaires et les coûts de fonctionnement
nécessitent un peu plus que le doublement dans les deux ans à
venir de la subvention du MAE pour atteindre
4,5 MF à 5 MF. Mais les capacités d'auto-financement du centre
de Tananarive, résultant des travaux des conseils en entreprises
effectués par les enseignants d'une part, et la montée en charge
rapide des effectifs dans les futurs centres d'autre part, assurent
ensuite un coût stable de la formation par stagiaire et du fonctionnement
des trois centres.
Conclusion
Si les jeunes les plus défavorisés socialement des communautés
françaises de Madagascar et de l'Afrique de l'Ouest ne bénéficient
pas en grand nombre de l'insertion professionnelle locale à laquelle
ils aspirent, ils migreront vers l'île de la Réunion ou la France
métropolitaine.
Or, dans de nombreux pays, ce n'est pas ce qu'ils souhaitent.
Selon les données recueillies par le bureau de l'emploi du consulat
d'Abidjan, plus de 76 % des franco-ivoiriens préféreraient trouver
un emploi en Côte d'Ivoire. Investir 9 à 10 MF par an dans la
formation professionnelle de quelques centaines de jeunes à l'étranger,
c'est économiser à terme des dizaines de millions de Francs de
traitement de l'exclusion sociale où sombrerait l'immense majorité
de ces jeunes transplantés sans formation en France. Investir
9 à 10 MF, c'est permettre leur promotion personnelle et familiale
dans leur pays de résidence, améliorer le niveau socioculturel
et économique de la communauté française et participer efficacement
au développement de ces pays d'Afrique de l'Ouest et de Madagascar.