Préférable dans bien des cas à un rapatriement en France, la réinsertion
sociale des adultes dans leur pays de résidence est peu coûteuse
mais suppose l'action d'assistants sociaux dotés de crédits progressivement
augmentés. Dans le système actuel, c'est l'allocation à durée
déterminée (ADD) qui est censée donner à une personne en détresse,
brutalement privée de revenus, les moyens de subsister le temps
de retrouver une activité rémunératrice. Elle concerne le plus
souvent des femmes de 30 à 50 ans, seules avec enfants à charge.
1. La réduction des A.D.D.
En pratique, deux facteurs se sont conjugués pour réduire le nombre
des ADD à moins de 700 ( 50 % de réduction entre 1996 et 1999)
et à faire appliquer la notion de durée déterminée à la lettre.
· Le facteur budgétaire : la stagnation et la réduction des crédits d'aide sociale du
ministère des Affaires étrangères entre 1996 et 1998 a contraint
à la réduction des crédits affectés à cette allocation et aux
secours occasionnels.
· Le facteur idéologique : le bénéfice d'une ADD, et surtout sa prolongation au-delà d'un
an, installerait le bénéficiaire dans l'assistanat. L'instruction
est donnée de limiter les ADD à 6 mois, 8 mois, même si l'allocataire
n'a pas retrouvé de moyens de subsistance dans l'intervalle. En
général, il s'agit de femmes chargées de famille et toutes celles
interviewées pour ce rapport étaient retombées dans la misère
après la suppression de l'ADD en 1997 ou 1998, à Abidjan, Tunis
et Tananarive.
2. Transposition et adaptation du principe du RMI à létranger
Les effets pervers et démobilisateurs d'une aide sociale non assortie
d'un plan de réinsertion sont en effet bien connus. Ils ont conduit
à créer le RMI avec un volet insertion, impliquant des devoirs
de l'allocataire, mais aussi des obligations de l'institution
qui l'assiste.
A l'étranger, les principes fondateurs du RMI - allocation de
subsistance assortie d'un plan d'insertion - peuvent être transposés
et adaptés aux conditions particulières locales, à la condition
impérative que les consulats soient à nouveau dotés d'assistants
sociaux. Si l' ADD actuelle est si peu efficace en matière d'insertion,
c'est qu'elle n'est assortie d'aucun accompagnement social. Mais
rejeter brutalement des familles dans la misère absolue pour éviter
qu'ils ne deviennent des assistés comme le ministère des Affaires
étrangères a été contraint de le faire depuis 1997, c'est inacceptable.
3. Création de lALIS (Allocation locale dinsertion sociale)
Nous proposerons donc de supprimer les allocations à durée déterminée
(ADD) et de les remplacer par une Allocation locale d'insertion sociale (ALIS)
Cette allocation comprendrait un volet "revenu de substitution"
et un volet "insertion".
Le montant du revenu de substitution, différentiel, serait fixé
par le CCPAS en référence aux niveaux des bas salaires locaux
et au coût de la vie. Il devrait être modulé en fonction des charges
familiales.
* Exemples de montants pour un adulte.
Abidjan - 1 000 FF environ
Tunis - 1 000 FF "
Tananarive - 200 FF "
Un supplément par enfant à charge devrait s'y ajouter. A Tunis
et à Abidjan, il pourrait être de l'ordre de 200 à 300 FF, à Tananarive,
de 50 à 75 FF.
Les montants de ce revenu de substitution pour les pays d'Afrique
de l'Ouest seraient de l'ordre de ceux d'Abidjan ou de Tunis.
Dans les grandes villes d'Amérique Latine où la vie est très chère,
le montant devrait être de l'ordre du RMI en France.
Organiser une réinsertion sociale et professionnelle suppose tout
autant de rechercher un emploi que d'aider à retrouver un logement,
de prévoir la garde des enfants en relation avec l'école, de conseiller
pour la rédaction des CV et lettres de candidature, etc.
Tous les appuis doivent être mobilisés, les trois domaines d'action
du service social et le réseau de relations des associations.
Pour les personnes qui ont un bon niveau scolaire et professionnel
de base, souvent des femmes avec une formation aux métiers du
tertiaire devenue obsolète, surtout après interruption de l'activité
professionnelle, le bénéfice de l'ALIS pourra être mis à profit
pour se recycler et pour retrouver confiance en soi.
Dans le cas où l'environnement économique local ne donne aucune
chance de réinsertion, le bénéfice de l'ALIS laissera les délais
nécessaires à la préparation qui conditionne la réussite d'un
rapatriement.
Mais dans les Pays en voie de développement, l'accès ou le retour
à une activité salariée n'est pas nécessairement le seul et le
meilleur moyen de se procurer un revenu, surtout pour des hommes
et femmes à faible niveau de qualification. La création d'une
micro-entreprise est souvent préférable. Dans ce cas, l'ALIS pourrait
être versée simultanément sous deux formes différentes :
allocation mensuelle de substitution de quelques mois dans le
cadre du plan d'insertion
don d'un capital équivalent à quelques mois d'ALIS pour l'investissement
nécessaire à la création de la micro-entreprise.
Dans les Pays en voie de développement, on gagne, petitement,
mais on gagne sa vie, grâce à des micro-activités artisanales
(secteur textile et alimentaire) et commerciales. L'achat d'une
machine à coudre, d'une cuisinière à gaz avec un four, la mise
de fonds pour les premiers mois de location d'un étal au marché,
pour l'achat du premier lot de friperie dont on fera commerce,
tous ces investissements qui ne dépassent pas les 1000 à 2000
FF en Afrique de l'Ouest permettraient à certains allocataires
de remettre le pied à l'étrier. Mais la réussite suppose un suivi
social. Les expériences de ce type ont souvent échoué faute davoir
apporté une formation de gestion au bénéficiaire et de lavoir
aidé à contrôler ses finances pendant les premiers mois.
L'ALIS substitue donc une logique active d'insertion à la logique
passive d'assistance de l'allocation à durée déterminée. Sa réussite
dépend d'une plus grande souplesse dans l'utilisation des crédits
d'aide sociale mais surtout de la présence de travailleurs sociaux
de métier et de la mobilisation de l'administration et des associations.
4- Laide à lemploi
Dans les communautés françaises de l'étranger comme en France,
le chômage est l'un des principaux facteurs d'exclusion sociale.
A l'initiative du CSFE, le ministère des Affaires étrangères s'est
ouvert aux questions d'emploi et de formation des Français à l'étranger
depuis une quinzaine d'années. C'est un axe d'action essentiel
de la politique de lutte contre l'exclusion sociale.
Les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle
(CCEFP), créés par arrêté du 5 février 1986, réunissent, autour
du chef de poste, les principaux acteurs de la communauté française
concernés par l'emploi des résidents français : conseiller commercial,
conseiller social, délégués du CSFE, président de la chambre de
commerce française, proviseur du Lycée français, etc.
Il s'agit de structures consultatives qui confient la gestion
pratique des opérations à une "bourse d'emploi" qui est créée
en tant que de besoin sous la responsabilité d'un conseiller emploi-formation,
généralement un agent recruté localement pour sa connaissance
du milieu et de la langue. Cette bourse d'emploi fonctionne comme
un mini-service public de l'emploi, réunissant les fonctions d'emploi
de l'ANPE et de formation de l' AFPA. Cette bourse d'emploi est
située dans le cadre du consulat - c'est la meilleure formule
- mais sa gestion peut également être confiée à un organisme extérieur
: association de solidarité ou chambre de commerce française à
l'étranger.
Ce réseau comprend une centaine de comités, dont une soixantaine
ont généré une bourse d'emploi, avec un taux de couverture de
85 % des populations françaises à l'étranger.
· Résultats
Ces structures ont permis en 1998, en traitant environ 9000 offres
et 11000 demandes d'emploi, le placement de 3550 chômeurs dont
50 % locaux. Cette action vient en appui de l'action conduite
par l' ANPE (2187 placements) et de l' OMI (1696 placements, ce
dernier organisme faisant d'ailleurs actuellement et pour partie
double emploi avec le réseau des comités).
Pour aider au traitement des cas les plus difficiles, la bourse
d'emploi devrait orienter sa recherche vers des emplois moins
qualifiés que ceux que les employeurs demandent spontanément au
consulat de France, en particulier en Europe.
Ces 3 550 placements représentent pour le MAE un coût spécifique de 1 200 FF par placement, le budget des comités étant, en 1998, à l'intérieur du budget
de la Mission emploi-formation (MEF), de 4,1 MF.
Ce coût dérisoire, au regard des coûts des opérateurs publics
en France, milite pour un accroissement de 2 MF du budget de cette
mission pour la loi de finances 2000, à la fois pour l'accroissement
des capacités locales de traitement des demandeurs d'emploi et
pour la coordination des réseaux informatiques avec le réseau
public de placement international qui vient d'être créé entre
l'ANPE et l'OMI, et dont font partie les comités pour l'emploi.