Les conditions économiques qui prévalent dans les pays pauvres,
l'âge, l'état de santé d'une partie du public en difficulté, parfois
son faible niveau de formation font que ce serait se payer de
mots que de prétendre mener une action d'insertion professionnelle
et sociale en faveur de tous les indigents. La seule action possible
est de remédier dans la mesure du possible à la détresse matérielle
et morale des plus démunis.
1 - PERSONNES SANS RESSOURCES DE PLUS DE 50 ANS
Quand l'activité économique atone génère un sous-emploi chronique
dans une population très jeune, situation classique dans les pays
d'Afrique et d'Amérique Latine, une personne de plus de 50 ans
qui perd son emploi a encore moins de chances d'en retrouver qu'en
Europe où son avenir professionnel serait déjà compromis. A ce
handicap de l'âge s'ajoute souvent un état de santé physique et
psychique dégradé et, assez fréquemment, l'alcoolisme chez les
hommes de plus de 50 ans. Beaucoup de diabètes, dhypertension
n'ont jamais été soignés faute de moyens. Les crises de paludisme
ont laissé leurs séquelles. La station debout est pénible, la
vue baisse sans qu'on puisse acheter une paire de lunettes. Le
vieillissement est précoce. De toutes façons, en Afrique, l'âge
légal de la cessation d'activité est de 55 ans. Mais la pension
de retraite est insignifiante ou inexistante.
Dans ces cas-là, la COTOREP évaluera le handicap à 50%, 70%. Les
80% fatidiques qui déclenchent l'attribution de l'allocation adulte
handicapé ne sont pas atteints. Or, avec un handicap à 50%, qui
vous astreint à marcher avec deux cannes, aucun employeur ne vous
embauche. Aussi les instructions consulaires prévoient-elles et
autorisent-elles l'octroi d'allocations à durée déterminée renouvelables.
Mais, faute de crédits, elles sont fréquemment supprimées, ou
refusées.
Mieux vaudrait donc accorder le vocabulaire et les règlements
avec les situations réelles. Pour ces incapacités de travail -
ou ces "inemployabilités" - mieux vaudrait remplacer l'allocation
à durée déterminée, inadaptée par définition à des situations
chroniques, par un "Revenu Local de Substitution" (RLS). Cette allocation serait différentielle, comme l'allocation
de solidarité. Son montant maximal serait défini par le CCPAS
en référence au taux de l'allocation de solidarité, comme l'actuelle
ADD, et chaque allocation serait adaptée à la situation particulière
des demandeurs. Elle n'empêcherait pas d'inciter et d'aider le
bénéficiaire à se procurer des ressources par des petits travaux,
des emplois intermittents, mais elle assurerait un minimum vital
aux personnes les plus démunies, surtout en Afrique et en Amérique
Latine, mais aussi en Europe du Sud.
Pour ceux qui sont frappés par une réelle incapacité de se réinsérer
sur le marché du travail, le maintien dans une vie sociale suppose
une forte intervention associative. Ces personnes ont souvent
des compétences pour des travaux artisanaux, pour s'occuper d'écoliers
et assurer un soutien scolaire. Même si ces activités sont de
faible profit, elles peuvent être organisées dans le cadre d'un
club d'entraide et rendre aux plus marginalisés la conscience
de leur utilité sociale.
2 - Personnes âgées
Les personnes âgées et les handicapés sont actuellement les principaux
bénéficiaires de l'aide sociale consulaire. Cela ne signifie pas
qu'ils vivent dans l'opulence ! Mais grâce à l'aide consulaire,
ils ont recouvré leur dignité.
Des adaptations sont nécessaires.
L'allocation est différentielle mais elle n'est pas modulée en
fonction des charges fixes de l'allocataire. Cela induit une forte
inégalité relative au logement : l'allocataire propriétaire, ou
bénéficiaire d'un très bas loyer - grâce à des lois du type de
celle de 48 en France - a réellement de quoi vivre et, à Tunis,
il peut s'affilier à la CFE. Mais celui qui doit louer au prix
du marché actuel doit sacrifier au moins un tiers de son allocation,
à Abidjan ou à Tunis, pour le poste logement.
Plutôt que de continuer à augmenter globalement le taux des allocations,
mieux vaudrait réserver une partie des augmentations de crédit,
en fonction de la demande du CCPAS, à un complément destiné au
logement pour ce groupe d'allocataires.
· L'accès à la santé
C'est le problème majeur. Il ne sera résolu que le jour où la
CFE créera une 4ème catégorie dont le montant de cotisation sera
accessible pour les allocataires au revenu égal ou supérieur à
environ 3 000 FF. Une cotisation assise sur 1/3 du plafond de
la sécurité sociale serait aujourd'hui de 325 FF/mois. Une ponction
de 11 % sur le revenu d'une personne âgée, qui lui garantirait
de pouvoir se soigner, serait supportable.
Pour les pays où l'allocation est inférieure à 3 000 FF, un complément
d'allocation destiné à financer l'affiliation à la CFE devrait
être accordé.
Il faudrait compléter ce dispositif par un fonds de roulement, accordé au CCPAS, pour faire l'avance des frais aux allocataires dans l'attente d'un remboursement et, dans le
cas où le fonds d'action sociale de la CFE n'y pourvoirait pas,
pour contribuer à la part des frais restée à la charge du malade,
sous le contrôle du CCPAS.
Dans les pays pauvres et sous-médicalisés, la conjugaison des
centres médico-sociaux consulaires et de l'affiliation à la CFE
des personnes âgées et handicapées coûterait certainement plus
cher que l'aide médicale actuelle, mais elle garantirait un niveau
de soins très supérieur et restaurerait pleinement la dignité
des allocataires, dans l'esprit de la CMU qui vient d'être instituée
en France.
Le cas de l'Amérique Latine mérite une approche particulière.
Il faudrait comparer précisément le coût et la rentabilité d'une
adhésion à une mutuelle locale à ceux de la CFE. En Argentine,
la première solution est la plus adaptée, mais pour les autres
pays, les CCPAS doivent effectuer une étude au cas par cas.
· Prévisions
Dans les quatre pays où la situation des personnes âgées et des
handicapés a été étudiée, il apparaît que le nombre des personnes âgées sans ressources personnelles suffisantes
va augmenter.
Comme on l'a vu, il n'est pas possible de chiffrer précisément
dans quelles proportions et à quel rythme cette progression va
se produire, mais elle est certaine. Il faut donc à la fois la
programmer dans des prévisions budgétaires annuelles, mais aussi
en relativiser le coût.
Actuellement, les trois départements français d'un million d'habitants
- homologues des Français immatriculés dans les consulats - dépensent
respectivement pour l'allocation supplémentaire vieillesse 62
MF (Essonne), 127 MF(Isère) et 224 MF (Haute Garonne), sans compter
l'allocation dépendance et la future CMU. L'allocation solidarité
des Français âgés de l'étranger a coûté 0,586 MF en 1998 .
· Même si les besoins augmentent pour les Français à l'étranger,
ce ne sera jamais dans des proportions comparables à la France,
pour trois raisons :
- la répartition socioprofessionnelle des Français à l'étranger
place la majorité d'entre eux dans des classes moyennes qui peuvent
préparer leur vieillesse. C'est une minorité, beaucoup moins nombreuse
qu'en France, qui atteint la vieillesse sans ressources.
- le problème est presque entièrement circonscrit aux pays pauvres
où ne vivent que 200 000 Français. Pour l'Union Européenne, les
systèmes sociaux des pays d'accueil traitent totalement ou partiellement
(Europe du Sud) le problème.
- les sommes nécessaires pour assurer des conditions de vie dignes
à une personne âgée sont inférieures, dans la majorité des pays
pauvres, à celles qui le sont en France.
Il faut donc prévoir une augmentation progressive et lente des
crédits d'aides aux personnes âgées, sans majorer son importance.
3 % sur dix ans serait une hypothèse vraisemblable.
· La dépendance
Comme en France, l'allongement de la durée de la vie va faire
augmenter le nombre de personnes âgées dépendantes. Ce sera aux
CCPAS de définir, en fonction du contexte local, les meilleurs
formules de prise en charge.
Là où elle existe déjà, il faut la moderniser et y installer des
chambres médicalisées. Des crédits publics sont généralement nécessaires.
Leur octroi doit être conditionné à une meilleur liaison entre
le CCPAS et l'association gestionnaire, comme à une réelle transparence
financière. Il n'est pas acceptable que l'octroi des fonds publics
serve à enrichir le patrimoine immobilier d'une société privée
qui n'est pas liée par contrat à l'Etat. Ce fut le cas à Tunis
avec le Foyer Delarue Longlois, ou à Buenos-Aires avec "l'Hôpital
(dit) Français".A Tunis, contrairement à Buenos Aires, les pensionnaires
en ont bénéficié. Mais dans tous les cas, une relation juridique
et financière entre les deux parties, Etat et association, devrait
être le préalable à toute subvention.
Cela n'est guère envisageable que pour les communautés très nombreuses
et, pour en assurer l'équilibre financier, il faut prévoir la
participation et l'accueil d'étrangers-tiers, à commencer par
les ressortissants de l'Union Européenne. Une solide étude de
marché prospective est un préliminaire indispensable à des investissements
qui devraient être effectués dans les conditions suivantes :
1) mobilisation des ressources locales pour faire jouer la solidarité
interne à la communauté française
2) subvention publique proportionnelle aux capitaux mobilisés
localement
3) projet cadré de manière à ce que le coût de journée n'excède
pas l'allocation de solidarité (amortissement des investissements
hors subvention et coût de fonctionnement), au moins en chambre
non médicalisée et pour les personnes indépendantes.
· Le maintien à domicile
Les formules coûteuses mises en oeuvre par les collectivités locales
en France ne paraissent pas transposables à l'étranger pour des
personnes à l'habitat très dispersé dans des villes étendues.
La seule formule praticable, dans les pays où subsiste une forte
tradition de solidarité familiale et de respect des anciens, serait
l'hébergement dans des familles d'accueil rétribuées à cet effet,
ce qui procurerait des ressources à des familles en difficulté
connues du consulat. Mais cela nécessite un contrôle étroit dont
le service social du consulat ne peut pas être chargé, et qu'il
faudrait déléguer à l'association d'entraide, si elle est dynamique.