Deuxième partie

Pour une politique consulaire de lutte contre l'exclusion sociale (suite)

 

CONCLUSION DE LA 2ème PARTIE

 

    La comparaison entre les coûts de l'action sociale en France et l'action consulaire à l'étranger montre qu'il est tout à fait possible de mener une lutte contre l'exclusion sociale des Français dans leur pays de résidence pour des coûts sans commune mesure avec ceux de leur rapatriement.

        1) Comparatif
        2) Réalisation

     

    1 - Etude comparée entre l'action sociale de trois départements d'1 million d'habitants et l'aide sociale à 1 million de Français vivant à l'étranger

     

    1. Les principes de l'aide sociale consulaire sont dérivés de l'aide sociale métropolitaine.

    Destinée aux personnes dont les ressources sont trop faibles pour faire face aux besoins engendrés par le handicap, l'âge, la maladie, les difficultés sociales ou économiques, l'aide sociale est attribuée lorsque les autres formes de protection sociale ou de solidarité familiale sont insuffisantes ou inexistantes.

    Que ce soit sous la forme de prestations en nature ou en espèces, cette aide permet à des familles en difficulté d'assurer l'éducation de leurs enfants ou à ces derniers d'échapper aux situations familiales pouvant les mettre en danger. Elle favorise le maintien à domicile des personnes handicapées pouvant bénéficier de l'assistance d'une tierce personne, des personnes âgées pouvant recourir à l'aide ménagère. Enfin, l'accès aux soins est ouvert aux malades les plus démunis.

    L'aide sociale légale (dite "obligatoire") comprend l'ensemble des prestations dont les conditions d'attribution sont fixées par la loi (Code de la Famille et de l'Aide Sociale : C.F.A.S.) et qui donnent lieu à un financement obligatoire dans un budget public (article 35 de la loi du 22 juillet 1983).

    Au 1er janvier 1984, date d'entrée en vigueur des lois de décentralisation (lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983), la quasi-totalité de l'aide sociale a été transférée au département qui est désormais la collectivité publique de droit commun en matière d'aide sociale. L'Etat garde une compétence d'exception pour certaines prestations bien définies.

    L'aide sociale consulaire est régie par des instructions consulaires, base légale insuffisante. Cette lacune devrait être comblée par la publication d'un décret d'application de l'article 1 de la loi sur le RMI complété par deux arrêtés.

    L'aide sociale consulaire, très restreinte, n'est comparable à l'aide sociale départementale que pour quelques allocations :

    · Le RMI et l'allocation à durée déterminée

    · L'allocation aux adultes handicapés (même dénomination pour l'étranger)

    · Le minimum vieillesse et l'allocation de solidarité consulaire.

    Pour effectuer la comparaison, trois départements d'un million d'habitants ont été sélectionnés car leur nombre d'habitants se rapprochait du nombre des Français immatriculés dans les postes consulaires à l'étranger. Leurs spécificités ont été prises en compte. En effet, l'Essonne est un département urbain, la Haute-Garonne un département à fort potentiel économique que nous appellerons semi-urbain et l'Isère que nous avons retenu comme étant semi-rural.

    · l'Essonne (1 084 824 habitants) Ile de France

    · la Haute-Garonne ( 925 962 habitants) mi-urbain/mi-rural

    · l'Isère (1 016 228 habitants) semi-rural

    Nous formulons le postulat que, a priori, pour un même nombre d'habitants, les besoins en aide sociale peuvent varier compte tenu de l'environnement socio-économique (et politique) et, grâce à ce panel varié, la comparaison avec la situation des Français de l'étranger, qui vivent eux aussi dans des pays à environnements socio-économiques différents, sera plus objective.

    Cette étude comparative est présentée sous la forme d'un tableau d'ensemble (voir pages suivantes) dans lequel les types d'aides sociales consulaires ont été rapprochées des principales aides sociales départementales.

      · Le RMI et l'allocation à durée déterminée (ADD)

    Ainsi, nous avons associé le RMI à l'allocation à durée déterminée car les conditions d'attribution sont les mêmes (niveau de revenus). En revanche, la comparaison s'arrête nécessairement là, car le RMI est une allocation versée à long terme et accompagnée d'autres aides sociales (santé, logement, etc.) et surtout d'un volet insertion par l'économique conséquent (emploi); alors que l'ADD est une allocation ponctuelle (à durée déterminée) et qu'elle ne s'accompagne d'aucun autre type d'aide.

      · L'allocation adulte handicapé

    L'allocation adulte handicapé attribuée aux Français de l'étranger a été comparée à l'allocation compensatrice et à l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI). En revanche, il ne nous a pas été possible de faire une comparaison graphique des deux types d'allocations distribuées par le département avec l'AAH consulaire car nous n'avons pas pu disposer des résultats relatifs à l'ASI en Essonne, les statistiques étant élaborées pour l'ensemble de la région Ile de France.

      · L'allocation supplémentaire vieillesse et l'allocation de solidarité consulaire

    Concernant le soutien aux personnes âgées, l'allocation de solidarité consulaire a été comparée à l'allocation supplémentaire vieillesse (nombre de bénéficiaires et coûts). La prestation spécifique dépendance est également inscrite dans le tableau mais ne connaît pas d'équivalent pour les Français de l'étranger.

    Enfin, concernant les aides en matière de soins, il n'existe aucune aide consulaire spécifique aux problèmes de santé mais une enveloppe budgétaire destinée à répondre aux secours occasionnels qui est souvent utilisée pour rembourser les frais de santé d'urgence (40 % de l'enveloppe budgétaire globale des secours occasionnels est consacrée aux remboursements de soins). Il s'agit, comme l' ADD, d'une aide ponctuelle. Par ailleurs, l'aide médicale française ne s'arrête pas à la prise en charge des cotisations d'assurance-maladie personnelle puisque les bénéficiaires du RMI ou d'une allocation handicapé ou encore d'une allocation vieillesse bénéficient également de l'aide médicale gratuite. D'autre part, la participation des départements (Conseil général, CAF départementales, CPAM) se traduit aussi par la prise en charge des IVG.

 

Etude comparée de l’action sociale départementale
Haute Garonne ­ Isère ­ Essonne ­ Français à l’étranger

Action sociale  
Essonne
Haute-Garonne
Isère
France métropolitaine
DOM-TOM
France entière
Français à l'étranger
Nombre d'habitants   1.084.824 925.962 1.016.228 58.492.000 (1) 1.647.000 (2) 60.139.000 (2) 960.939  
RMI              
Allocation à durée déterminée
  nombre d'allocataires
12.768
23.229
12835
975.457
 
1.089.648
 
648
  montant des prestations versées par les CAF (en francs)
287.809 FF
500.784 FF
257.412 FF
20.322.710 FF
 
23, 9 MF* (tous régimes)
68.065 FF
  volet emploi: taux de couverture
12%
16%
22,90%
19,90%
    emploi
0
  allocation logement             logement
0
  prise en charge des soins
28.012*
18.648*
14.866*
      aide médicale
0
Handicapés              
Allocation adulte handicapé
AAH (adultes)                  
  nombre de bénéficiaires
5.210*
11.350*
9.547*
627.693*
 
649.198*
nombre de bénéficiaires
1155
  allocation compensatrice
4.618
4.038*
1.964
258.060*
 
258.150*
   
  allocation différentielle      
2.550*
 
2.550*
   
  allocation supplémentaire invalidité: nombre de bénéficiaires
10.550 pour l'ensemble de l'Ile de France
1.431
1.492
   
102.457
   
  a.s.i. coût (en millions de francs)
144 MF pour l'ensemble de l'Ile de France
22,1 MF
22,1 MF
   
1.591 MF
coûts
273.147 FF
                   
AES (enfants)  
ND
ND
ND
ND
ND
ND
Allocation enfants
273
                coûts
35.291 FF

Résultats au 31 12 98 (MES)
*Résultats au 31 12 97 (MES)
**Résultats au 31 12 96 (MES)
(1)Estimations INSEE 1997
(2)Estimations INSEE 1998

 

Etude comparée de l’action sociale départementale
Haute Garonne ­ Isère ­ Essonne ­ Français à l’étranger

Action sociale  
Essonne
Haute-Garonne
Isère
France métropolitaine
DOM-TOM
France entière
Français à l'étranger
Nombre d'habitants   1.084.824 925.962 1.016.228 58.492.000 (1) 1.647.000 (2) 60.139.000 (2) 960.939  
vieillesse                  
Fonds national de solidarité               Allocation de solidarité
  aide sociale / allocation simple      
730*
 
940*
   
  allocation supplémentaire vieillesse (nombre de bénéficiaires)
4.085*
14.790*
8.395*
   
886.061*
bénéficiaires
3.320
  a.s.v. coût (en millions de francs)
62 MF*
224 MF*
127 MF*
   
13.413 MF*
coûts
586.349 F
  aide ménagère
1.143
1.857*
647
76.780*
 
81.020*
   
  accueil
1.390
2.183*
1.111
128.690*
 
131.900*
   
Prestation spécifique dépendance (estimations) nombre de bénéficiaires au 31 12 98
682
1.351
1.473
   
86.000
   
  nombre de bénéficiaires au 31 03 99
932
1546
           
  coût en millions de francs (au 31 12 98)
15 MF
25 MF
37 MF
   
1.500 à 1.700 MF
   
Santé Aide médicale              
secours occasionnels
  cotisation assurance personnelle
6.665
3.081*
4.626
267.810*
     
51.571 FF
Enfants confiés à l'ASE  
2.111**
1.390**
1.578**
   
114.910
   
Total dépenses                 101,442 MF

Résultats au 31 12 98 (MES)
*Résultats au 31 12 97 (MES)
**Résultats au 31 12 96 (MES)
(1)Estimations INSEE 1997
(2)Estimations INSEE 1998

    3. Analyse du tableau

    Une première lecture rapide du tableau synthétique permet de voir la part minime de l'aide sociale dans les consulats français à l'étranger comparée à l'action sociale en France.

    Même si ce tableau ne retranscrit pas in extenso les aides départementales, leur part est beaucoup plus forte que l'aide consulaire, en quantité et en coût.

    De plus, le traitement du besoin social en France se caractérise par sa durée, les bénéficiaires étant des allocataires qui disposent de ces aides en fonction de leur revenu, et cela aussi longtemps qu'ils en ont besoin. En revanche, les aides budgétaires sont délivrées ponctuellement, d'abord en fonction de l'enveloppe budgétaire mise à disposition. En effet, comme on l'a vu dans les pages précédentes, toutes les demandes ne sont pas satisfaites, et celles qui le sont correspondent aux cas de détresse ; même pour ceux-là, les réponses restent ponctuelles.

    On peut remarquer également que les trois départements sélectionnés présentent des caractéristiques différentes dans les nombres et les coûts des aides sociales attribuées.

    La Haute-Garonne se démarque nettement des autres départements. En effet, malgré une population totale moins importante que dans l'Isère ou dans l'Essonne, son nombre de bénéficiaires d'aide sociale est plus élevé. Le contraste avec les Français de l'étranger est d'autant plus saisissant.

    Les Français à l'étranger creusent l'écart de façon encore plus nette dans leur taux d'allocataires par rapport à l'ensemble des Français de l'étranger immatriculés

    - notamment dans le comparatif RMI/ADD qui témoigne d'une nécessaire réforme de cette aide (graphique P. 1 et 2) - et dans le coût que représente pour le ministère des Affaires étrangères, via les enveloppes budgétaires consulaires, le traitement des aides proposées.

    Ainsi, l'évaluation des bénéficiaires de l'allocation supplémentaire vieillesse (voir graphique p.4) fait apparaître une certaine proximité entre les nombres de bénéficiaires de l'allocation de solidarité (équivalent pour les Français de l'étranger) avec 3 320 personnes. Le coût pour le département de l'Essonne - simplement pour l'allocation, sans tenir compte des autres aides en découlant - est de 62 millions de Francs, il est de 0,586 millions de Francs pour le ministère des Affaires étrangères.

    En dehors de cette proximité quantitative du nombre de bénéficiaires de l’allocation vieillesse pour les départements et des allocations de solidarité pour les Français de l’étranger, le montant de l’aide sociale consulaire attribuée à l’étranger reste dix fois inférieure à celle distribuée en métropole, l'aide sociale consulaire est bien inférieure.

    4. Graphiques

 

    Evaluation du nombre d'allocataires du RMI et de l'allocation à durée déterminée.

    Le nombre d'allocataires du RMI est nettement plus important que le nombre de bénéficiaires de l'allocation à durée déterminée. Il y a 20 fois plus de bénéficiaires du RMI en Essonne et en Isère, et 40 fois plus de bénéficiaires en Haute-Garonne que d'allocataires A.D.D. dans les consulats français à l'étranger.

    En outre, le RMI garantit non seulement un revenu minimum par le versement de l'allocation différentielle, mais permet aussi l'accès aux droits sociaux : aide médicale, allocation de logement, et propose aussi l'insertion. Les différents contrats d'insertion relevant du volet de l'emploi : les CIE, CES, CEC, SIFE, stage AFPA, NS, NE, ACCRE (on peut voir les taux de couverture de ce volet emploi dans les 3 départements en se reportant au tableau). En revanche, l'A.D.D. est une aide ponctuelle qui n'ouvre aucun accès aux droits sociaux. Le nombre de bénéficiaires a diminué de moitié entre 1986 et 1999, faute de crédits.

 

    Evaluation du nombre de bénéficiaires de l'allocation adulte handicapée (AAH) en nombres et en pourcentages.

    On remarque avant tout la faible couverture du taux de bénéficiaires à l'étranger comparativement aux trois départements métropolitains. Le taux de bénéficiaires est environ 10 fois supérieur en Isère et surtout dans la Haute-Garonne à celui concernant les Français à l'étranger. Ce taux est ramené à 5 pour l'Essonne.

    De la même façon que le RMI, l'AHH départementale ouvre automatiquement des droits sociaux : aide médicale et allocation logement, alors que l'AHH à l'étranger en est dépourvue.

 

    Evaluation des bénéficiaires de l'allocation supplémentaire vieillesse (ou allocation de solidarité) - nombre et coût.

    Le paysage est tout à fait différent d'un département à l'autre. La Haute-Garonne se démarque toujours par son nombre important de bénéficiaires et de ce fait par le coût engagé par le département. L'Isère a moins de bénéficiaires, mais proportionnellement participe financièrement de façon non négligeable. L'Essonne a beaucoup moins d'allocataires et se rapproche en cela du nombre de bénéficiaires de l'allocation solidarité à l'étranger ( 4 085 contre 3 320). Le contraste est alors d'autant plus saisissant dans l'utilisation des crédits affectés à ces allocations puisqu'il est de 62 millions de Francs en Essonne, contre 586 mille Francs à l'étranger, soit plus de 10 fois moins !

    Par ailleurs, les bénéficiaires de l'allocation supplémentaire vieillesse ont également accès à l'aide médicale, à l'allocation logement, à l'aide ménagère, à l'exonération de la redevance audiovisuelle, autant de prestations restant à la charge pleine et entière des Français à l'étranger.

 

    Evaluation de l'allocation supplémentaire vieillesse et de la prestation spécifique dépendance (ou allocation de solidarité) - nombre et coût.

    Ce graphique est à rapprocher du précèdent, sauf qu'ici nous avons associé l'allocation supplémentaire vieillesse à la prestation spécifique dépendance. L'écart se creuse forcément avec l'aide consulaire puisque ce dispositif n'existe pas pour les Français à l'étranger.

    Conclusion

    L'objet de cette étude était de montrer qu'à population égale, l'aide sociale consulaire était largement en deçà de l'action sociale départementale. Le constat est indiscutable.

    Il apparaît donc normal et nécessaire de revoir l'aide sociale consulaire car, actuellement, le champ d'action et l'enveloppe consacrée sont insuffisants et ne remplissent pas la garantie de l'accès aux droits fondamentaux pour l'ensemble de la nation tel que le prévoit l'article 1 de la loi relative à la lutte contre les exclusions.

    En revanche, il est tout aussi évident qu'une transposition exacte des dispositifs mis en place dans les départements n'est pas possible. L'objet de ce rapport est donc de proposer des solutions permettant de garantir ces droits tout en tenant compte de la particularité de l'exclusion sociale des Français à l'étranger. De telles propositions ne peuvent cependant pas être applicables si l'enveloppe budgétaire consacrée à l'action sociale était maintenue en l'état.

    2 - Réalisation de la lutte contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger

    La réalisation d'un programme actif de lutte contre l'exclusion sociale à l'étranger est réalisable si deux conditions sont remplies progressivement et simultanément : la restitution aux consulats des personnels spécialisés en affaires sociale d'une part, et la montée en charge des crédits d'action sociale entre 2000 et 2005 d'autre part. Il ne sert en effet à rien d'augmenter les crédits sociaux si le personnel apte à en assurer l'utilisation optimale n'est pas affecté aux consulats. Mais réciproquement, nommer des agents dépourvus de moyens est une aberration.

    2.1. Renforcement des personnels spécialisés en affaires sociales

    Sur une période de 5 ans il est possible, d'une part, de nommer 15 assistants sociaux professionnels en renfort des 9 actuellement en poste et de pourvoir ainsi tous les consulats de plus de 8000 immatriculés des Pays en voie de développement, à raison de 3 par an.

    Simultanément, il faudrait mettre en place une formation spécialisée en affaires sociales, pour des agents du ministère et pour des personnels recrutés localement à l'IFAC, afin que tout consulat de Pays en voie de développement puisse être doté d'un agent compétent pour le service social, les bourses scolaires et les bourses de l'emploi.

    Enfin, dans les pays de l'Union Européenne, le recrutement local pourvoirait, comme c'est déjà le cas à Londres, à la création de postes "d'agents sociaux" pour le conseil et l'orientation des Français.

    Cela représente la création en 5 ans d'environ 30 postes de nature et de coût différents et la formation spécialisée de 15 agents du ministère :

      - 15 assistants sociaux professionnels contractuels
      - 15 agents sociaux recrutés localement en Europe
      - 15 agents du ministère formés aux affaires sociales.

    2.2. La montée en charge des crédits d'action sociale consulaire

    On peut évaluer le coût annuel de la politique de lutte contre l'exclusion sociale décrite dans ce rapport à 160 MF.

      - 150 MF pour l'action sociale consulaire
      - 10 MF pour la formation professionnelle.

    Actuellement le montant des crédits d'action sociale du ministère des Affaires étrangères est de 110 MF, ceux de la formation professionnelle de 5 MF. Pour réaliser les propositions exposées dans ce rapport, il faudrait donc, en 5 ans, augmenter au total de 50 % les crédits d'action sociale et doubler ceux de la formation professionnelle.

    A l'échéance 2005, l'action sociale consulaire se répartirait ainsi :

    - Allocations permanentes 91 MF

    - ALIS - RLS 25 MF

    - Aide à l'enfance 1 MF

    - Subventions aux CMS et aide médicale 25 MF

    - Autres dépenses 9 MF

    (création de foyers internat, aide aux détenus Français et aux Français de passage, subvention aux associations et maisons de retraite).

    Les dépenses actives de lutte contre l'exclusion représenteraient 40% du total pour 12% aujourd'hui. Les dépenses passives de remédiation, 60% seulement pour 88% aujourd'hui.

 

    2.3. Justification des crédits d'action sociale consulaire

    Ces sommes évaluées ci-dessus équivalent à moins de 50% des crédits consacrés au seul RMI dans le département de l’Essonne ou à la réinsertion sociale de 400 familles de 4 personnes rapatriées par le CEFR et prises en charge ensuite pendant 2 ans par les services sociaux départementaux.

    (cf. encadré : coût de la réinsertion d'une famille rapatriée de 4 personnes, p.122)

    Pourquoi suffit-il de si peu de crédits pour mener une politique active de lutte contre l'exclusion sociale à l'étranger ?

    D'abord parce que le nombre de Français qui relève d'une action d'insertion ou d'une aide sociale ne dépasse pas les 40 000 et d'autre part parce que la majorité d'entre eux vit dans des pays en voie de développement ou des pays émergents où le coût de la vie est beaucoup plus bas qu'en France.

    Les montants et le nombre des aides à attribuer, le coût des actions à mener, celui d'investissements tels que les foyers internats pour les écoliers et lycéens, et même les maisons de retraite sont beaucoup moins élevés qu'en France.

      · Rappel des coûts de l'aide sociale en France

      RMI : 2600 FF par mois + CMU

      Une mère sans emploi avec deux enfants :

      - API 5 : 5500 FF/mois

      - Allocations familiales : 687 FF/mois

      - Allocations de rentrée scolaire : 1 700 FF/an

      - Assurance-personnelle : 12 000 FF/an

      Soit un coût pour la collectivité de 9 000 à 10 000 FF/mois, sans compter la scolarisation des enfants ( 34 000 FF/an/enfant).

      Une personne âgée sans ressource

      - Minimum vieillesse : 3 800 FF

      - Allocation logement (montant variable)

      - Assurance-personnelle : 12 000 FF/an

      - Allocation dépendance (montant variable)

      Soit un coût total pour la collectivité de 6 000 à 7 000 FF/mois, 72 000 à 84 000 FF/an.

      · Coûts unitaires des actions proposées

    Les coûts unitaires des actions que nous proposons, modulés en fonction des pays, seront toujours beaucoup moins élevés qu'en France.

      - Allocation locale d'insertion sociale (ALIS) de 200 à 1500 FF/mois

      - Revenu local de substitution (RLS) de 200 à 1500 FF/mois

      (rappel : RMI 2600 FF)

      - Aide à l'enfance de 50 à 300 FF/mois

      (rappel France: allocations familiales 687 FF)

      - Allocations aux personnes âgées de 720 à 3400 FF/mois

      (rappel France: minimum vieillesse 3800 FF)

      - Pension d'un élève en foyer internat

      à Madagascar 585 FF/mois pour 10 mois

      - Prise en charge des soins et des

      médicaments au CMS de Tananarive 417 FF/personne/an

      - Coût de la formation d'un stagiaire AFPA

      à Tananarive pour 10 mois 12000 FF

      (rappel France : 80 000 FF)

      - Rémunération d'un stagiaire AFPA

      à Tananarive 80 FF/mois

      (rappel France 3000 FF)

 

    Conclusion

    La lutte contre l'exclusion sociale des Français à l'étranger dans leur pays de résidence aurait une rentabilité sociale considérable. La moitié des Français à l'étranger sont bi-nationaux. Beaucoup sont nés dans leur pays de résidence où ils souhaitent rester. Ceux qui sont installés de longue date auraient beaucoup de peine à se réadapter à la France. Leur rapatriement et leur insertion dans la société française sont très coûteux. Mieux vaut donc, en dotant les consulats des personnels et des crédits nécessaires, prendre les mesures adaptées sur place pour aider et insérer les personnes en difficulté, éviter que l'image de la France ne soit ternie aux yeux de l'opinion locale par sa négligence envers ses exclus, et assurer le dynamisme maximal à des communautés françaises dont la France a besoin pour garder sa place dans le concert des Nations.

 

Conclusion générale

    Arrivée au terme de ma mission, j’en conclus que deux principes doivent guider l’action des pouvoirs publics envers les communautés françaises établies à l’étranger. Il faudrait :

      · se donner les moyens de connaître les communautés françaises installées à l’étranger. Créer à cette fin un observatoire permanent des Français à l’étranger;
      · transposer les priorités de l’action gouvernementale pour les Français de l’hexagone aux Français de l’étranger.

    Améliorer la connaissance de l’expatriation française est un préalable. L’intérêt des informations issues du recensement décennal, publiées au moment où nous écrivons, fait ressortir cruellement, par contraste, le caractère lacunaire et souvent erroné des données relatives aux Français de l’étranger. Avec des moyens artisanaux et en travaillant sur des données qui n’avaient pas été collectées à des fins d’étude, il nous a été possible de constituer un répertoire de données démographiques et socio-économiques sur des communautés françaises types. Il suffirait d’une convention entre le ministère des Affaires étrangères et l’INSEE pour mobiliser les données recueillies dans les consulats afin de disposer d’un observatoire permanent des communautés françaises à l’étranger.

    D’autre part, si nous voulons donner pleinement vie à la notion d’unité du peuple français, il faut que les priorités définies pour l’action gouvernementale inspirent aussi l’action en direction des Français de l’étranger. Toutes les propositions que nous avons faites pour la lutte contre l’exclusion sociale dans nos communautés sont guidées par le principe de cohérence : en matière d’accès à la santé, de protection de l’enfance, de scolarisation des enfants, de formation professionnelle, d’insertion et de réinsertion des adultes, de secours aux personnes âgées, les solutions efficaces pour les Français à l’étranger peuvent être différentes de celles retenues en France, mais l’objectif et les principes de l’action doivent être les mêmes.

    L’Etat a constitué la France en rassemblant des populations aussi variées que leurs provinces natales pour en faire une nation, devenue, grâce à 1789, une nation de citoyens égaux. Aujourd’hui encore, la France a cette particularité que l’existence de la nation, l’unité du peuple et l’action de l’Etat restent étroitement imbriquées. La loi contre les exclusions renforce cette unité des citoyens - liés les uns aux autres par l’égalité de leurs droits - en posant le principe que les droits légaux doivent devenir effectifs pour tous. Etre exclu, de fait, de l’exercice d’un droit, c’est être exclu de la Nation. Les Français établis à l’étranger, déjà marginalisés par l’éloignement géographique et les particularités qui en découlent, ne peuvent rester membres à part entière de la communauté nationale que si l’action de l’Etat envers eux répond concrètement à leur adhésion à la Nation et à l’effort qu’ils accomplissent pour rester français.

 

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