BUENOS-AIRES

 

    La population des immatriculés

    approche démographique

    L'image dominante de la communauté française (près de 12 000 immatriculés) est celle d'une population installée de longue date, vieillissante, dont la situation économique s'est dégradée et dont les enfants ne se revendiquent plus comme Français par l'immatriculation. Un phénomène d'ampleur limitée rajeunit la population, celui de l'arrivée de jeunes adultes nés en France et qui débutent leur vie professionnelle en Argentine vers 25 ans. Cette génération compte 1/4 de plus d'hommes que de femmes alors que, passé vers 65 ans, il y a deux fois plus de femmes que d'hommes du même âge.

    Mais la tendance au vieillissement ne peut être freinée, et encore moins renversée, par l'apport démographique des expatriés temporaires, dont la contribution aux immatriculations reste limitée : 10,4 % de la population totale, 8,3 % pour les femmes, 14,7 % pour les hommes. Cette contribution varie fortement selon les classes d'âge, négligeable après 65 ans, elle est généralement comprise entre 15 et 18 % pour les 40-50 ans avec un maximum à 25 % pour la classe des 41 ans, ce qui correspond à la présence de cadres expatriés. Pour les 25-39 ans, elle est contenue entre 11 et 14 %.

 

    Revenus

    L'absence de données consulaires sur les revenus des expatriés temporaires et leur quasi absence parmi les demandeurs de bourses scolaires laisse penser qu'ils bénéficient des très hauts revenus des cadres argentins (15 000 à 20 000 $ mensuels) ou au moins de revenus très confortables. En revanche, les familles boursières interviewées, résidentes permanentes, évoquent fréquemment des revenus familiaux inférieurs à 1 000 dollars.

    Catégories socioprofessionnelles

    La disparité des revenus empiriquement observables pourrait paraître en contradiction avec la répartition des catégories socioprofessionnelles. En effet l'examen de la répartition, dans les catégories socioprofessionnelles et les secteurs d'activité, des immatriculés ayant un emploi, révèle deux particularités fortement liées. D'une part un pourcentage élevé de cadres et professions intellectuelles (43 %), suivis par les employés (24 %). D'autre part une localisation des emplois majoritairement dans le secteur tertiaire (80 %). La communauté française fournit au marché argentin une main d’œuvre qualifiée de niveau intellectuel élevé.

    Il ne s'ensuit pas pour autant des revenus homogènes élevés. Passé 40 ans, un chômage quasi définitif touche des résidents permanents qualifiés et les secteurs non marchands (enseignement, recherche) sont très mal rémunérés (1 000 $ pour un chercheur docteur d'état par exemple).

 

    Taux d'activité

    Les statistiques consulaires font apparaître un taux d'activité élevé, y compris chez les femmes. Mais étant donné l'âge élevé de la population et le petit nombre d'enfants, mieux vaudrait établir le ratio des actifs dans la tranche d'âge 20-65 ans.

TOTAL
HOMMES
FEMMES
ACTIFS AYANT UN EMPLOI
4686
2866
1820
ACTIFS A LA RECHERCHE D´UN EMPLOI
135
69
66
RETRAITES
852
264
588
AUTRES INACTIFS
6186
2389
3797
TOTAL
11859
5588
6271

    Tableau 1 répartition des immatriculés suivant leur statut occupationnel.

    Entre 20 et 65 ans, environ une femme sur deux s'immatricule en ayant une activité professionnelle. Le taux d'activité dans la population immatriculée est de 40,6 %, il est de 30 % pour la population féminine. Le nombre relativement faible des chômeurs déclarés auprès des services consulaires est peu fiable et ne corrobore pas les témoignages recueillis par ailleurs.

    L'exclusion sociale

    Si on applique à l'ensemble des Français le pourcentage des personnes âgées indigentes secourues par le consulat par rapport à leur classe d'âge, la grande pauvreté frapperait de 6 à 7 % de la communauté française. Cet ordre de grandeur n'est valable que si on admet l'hypothèse que les actifs de moins de 65 ans connaissent des situations équivalentes à celles de leur aînés. En raison du taux de chômage élevé (12,4 %) et surtout de l'emploi informel (40 % des salariés, 60 % des indépendants) rémunéré de 20 à 40 % de moins que les emplois déclarés, eux mêmes faiblement rémunérés, en raison aussi de la dégradation des systèmes de santé et d'enseignement, on peut craindre que le pourcentage de Français d'âge actif en difficulté dans la population des résidents permanents soit plus élevé que chez leurs aînés.

    Les entretiens avec une vingtaine de familles boursières en grande difficulté (revenus très bas, chômage, faillite, femmes seules avec enfant) et avec des personnes âgées donnent de ces Français l'image d'un groupe victime d'une très forte dégradation des revenus et de la position sociale au cours des 30 dernières années. Les parents de 50 à 60 ans ont connu l'aisance dans leur jeunesse. Cadres, commerçants, ils étaient propriétaires de leur logement et avaient des biens (mobiliers, immobiliers, terres). Leur situation à commencé à se dégrader à l'époque de la dictature militaire. Puis l'hyperinflation a été un traumatisme auquel ils n'ont pas su adapter leur train de vie. Des accidents de la vie professionnelle ou privée leur ont été fatals à cette époque, ou dans les années qui ont suivi. Endettés, ils ont du vendre des biens hypothéqués et parfois jusqu'à leur logement. Il est souvent fait état de faillite de petites ou moyennes entreprises familiales qui ont englouti tout le patrimoine familial. Une longue maladie, une perte d'emploi définitive ont eu le même résultat. Aujourd'hui ces personnes vivent dans un logement plus petit et moins confortable qu'il y a 30 ans, dont ils ne sont pas propriétaires ou qu'ils se préparent à vendre car il est hypothéqué. Ils survivent grâce à l'entraide familiale : prêts d'argent, dons alimentaires, logement partagé avec les enfants qui ont commencé à gagner leur vie.

    Les 30 à 40 ans évoquent toujours des parents plus aisés qu'eux. Ils ont reçu une bonne instruction au lycée français et tiennent à donner la même chance à leurs enfants. Si la situation de leurs parents n'est pas trop dégradée, ils reçoivent une aide importante d'eux : mise à disposition d'un logement ou don d'une petite partie des capitaux nécessaires à son achat, garde des enfants, habillement de ceux-ci. Mais une moitié des familles rencontrées disent vivre à crédit et être lourdement endettées faute d'aide venue d'une famille appauvrie.

    Aucune des familles interviewées n'a les moyens d'adhérer à une "prépaga" (80 à 260 pesos par mois), assurance-maladie qui permet de recourir à un réseau de soins médicaux gratuits ou à tarif réduit pour les adhérents. Aucune de ces familles ne cotise à une assurance-vieillesse. La majorité des parents qui ont un emploi ne sont d'ailleurs pas déclarés.

    Les situations les plus inquiétantes sont celles des femmes : les femmes encore jeunes, 30 à 40 ans, seules avec leurs enfants, disposant de revenus de 800 à 1 000 pesos, soit moins que les dépenses de base officiellement admises pour une famille de 4 personnes

    (1 023 pesos soit 6 086 F), des femmes de 50 à 60 ans, seules, définitivement privées d'emploi en raison de leur âge et quelle que soit leur qualification, absolument sans ressources.

    Cette situation économique dégradée se manifeste par des vêtements usagés, une extrême maigreur parfois, qui témoigne de privations alimentaires et d'un mauvais état de santé, physique et psychique. Ces Français ont encore assez de dynamisme pour essayer de sauver leurs enfants mais leur présent et leur propre avenir est très noir : petits emplois instables, non déclarés, chômage durable, définitif, semble-t-il, passé la quarantaine, en dépit de leur bon niveau professionnel et de leur expérience.

    Les personnes âgées de plus de 65 ans en difficulté sont les mieux connues du consulat qui leur verse une allocation mensuelle d’un montant maximum de 3400 F. 6,4% des personnes âgées de plus de 65 ans y ont droit. Sans cette allocation les 123 bénéficiaires vivraient dans la misère puisque la retraite minimale en Argentine est de 141 pesos (846 F) par mois, soit moins que le seuil de pauvreté.

  Revenu mensuel moyen des allocataires Nombre d’allocataires
Bénéficiant uniquement d’une pension argentine
205 pesos
1233 F
55
Bénéficiant uniquement d’une pension française
200 pesos
1205 F
13
Bénéficiant d’une pension argentine et d’une pension française
300 pesos
1810 F
14
Ne bénéficiant d’aucune pension
0 pesos
0 F
41

    Tableau 2: revenu mensuel avant allocation suivant le type de pension versée.

    En moyenne, un foyer d'allocataires dispose, avant versement de l'allocation, d'un revenu mensuel de 1 327 FF (220 pesos), incluant, s'il y a lieu, les revenus du conjoint. Toutefois ce revenu moyen varie sensiblement si l'on prend en compte les situations familiales, de 1022 FF (170 pesos) pour les hommes mariés à 1431 FF (238 pesos) pour les femmes seules. Notons qu'un quart des allocataires ne perçoit aucune pension, et de ce fait n'a aucun revenu hors allocation. Par ailleurs, les moins de 75 ans (48 personnes), avec un revenu mensuel moyen avant versement de l'allocation de 1000 FF (166 pesos) sont désavantagés par rapport à leurs aînés (75 personnes) qui perçoivent 1600 FF (266 pesos) en moyenne.

    Avec 550 pesos par mois les personnes âgées vivent chichement mais le plus grave est le caractère inaccessible des soins médicaux pour la majorité d'entre eux. Une bonne "prépaga" coûte environ 260 pesos pour une personne de leur âge. Seule l'aide médicale donnée au cas par cas par le consulat leur permet de se soigner.

    La population des personnes âgées augmentera-t-elle dans les 20 ans à venir ? Et parmi eux celle des indigents ?

    Pour répondre à cette question on a opéré une projection de la population à l'horizon 2020 avec les deux hypothèses suivantes :

    · la mortalité de la population française résidente en Argentine est semblable à la mortalité de la population Argentine;

    · il n'y a pas, à partir de 1999, de nouvelles immatriculations ou radiations.

    Ces deux hypothèses étaient incontournables, puisque n'existe aucune information fiable sur la mortalité réelle de la population des immatriculés, et bien sûr aucune technique pour prévoir le solde des immatriculations n'est envisageable. Cependant, étant donné d'une part le "potentiel des immatriculables", dont les retards de déclaration de naissance fournit un aperçu, et d'autre part le caractère exceptionnel du retour en France des personnes âgées, il est fort probable que la projection sous estime le nombre de personnes de plus de 60/65 ans à l'horizon 2020.

 

    La superposition des deux fractions de pyramide des plus de 65 ans en 1999 et en 2020 montre qu'il y a peu de changements à attendre dans l'évolution de la structure de cette sous population, mis à part la disparition du déficit des 80-85 ans. Le nombre absolu de personnes âgées resterait stable. Mais cela signifie aussi que, sans modification du solde des immatriculations, l'importance relative des personnes âgées augmenterait.

    L'évolution des immatriculations et celle de la situation socio-économique en Argentine amène à formuler la double hypothèse, non quantifiable, mais très probable, d'un niveau faible de nouvelles installations de Français dans ce pays et d'une dégradation sensible des conditions de vie des personnes âgées dans ce pays par effondrement du système de retraite et/ou absence de cotisations.

    Le revenu mensuel moyen avant allocation baisse fortement entre la génération née en 1922 et celle née en 1934 ( de 2 500 à 250). Il est à craindre que cette évolution se poursuive. On peut donc anticiper une croissance du nombre des personnes âgées indigentes immatriculées dans les 20 prochaines années.

 

    Etude des familles bénéficiaires de bourses scolaires

    La sous population des immatriculés constituée par les 156 familles ayant demandé une bourse d'étude pour l'année scolaire 1999/2000 est la seule pour laquelle on dispose de données permettant d'apprécier, d'une façon détaillée, leurs conditions de vie, grâce à la mobilisation et au traitement informatique des informations contenues dans les dossiers élaborés par les services sociaux du consulat.

    Cet échantillon est biaisé par deux types de contraintes :

    En premier lieu les exigences liées à la fréquentation d'un établissement français par un de leurs enfants pèsent fortement sur la localisation de la résidence de ces familles, ainsi que sur les dépenses qu'elles consacrent à la scolarisation de cet enfant. Par ailleurs, dans un pays où l'enseignement public est médiocre, un tel choix dénote non seulement un attachement à la nationalité française, mais aussi une valorisation de l'éducation qui est souvent le fait de parents ayant eux-mêmes un bon niveau d'éducation.

    En second lieu les règles même d'attribution des bourses introduisent un certain "profil d'échantillon", plafonnement des revenus, nombre minimum d'enfants à charge, etc.

    Il n'est donc pas surprenant de constater, dans l'analyse des conditions de vie de ces familles, qu'elles ont en moyenne plus d'enfants que les familles argentines de même niveau social, ou que l'éventail de leurs revenus est plus refermé.

    Toutefois la représentativité de l'échantillon qui apparaît dans la répartition socioprofessionnelle montre que la population des parents d'enfants boursiers est conforme, pour cette caractéristique, à la population totale des immatriculés. En effet les cadres et professions intellectuelles dominent avec plus de 47%, suivis par les employés (23%) et les artisans commerçants et chefs d'entreprise (16%).

    En dernier lieu, dans le cadre de l'examen des principales caractéristiques des familles boursières, on s'est intéressé à la localisation de la résidence de ces familles. Seuls deux établissements scolaires, tous deux situés dans des quartiers résidentiels de l'agglomération de Buenos Aires, reçoivent des élèves boursiers du gouvernement français. Etant donné la taille de cette agglomération, on peut anticiper que la décision d'inscrire un enfant dans l'un de ces deux établissements fait peser une contrainte forte sur les stratégies résidentielles de la famille. Le traitement des adresses des familles confirme cette hypothèse :

    48 % des familles vivent dans les zones postales : 1405, 1414, 1425, 1426, 1428, 1429, 1430 et 1431, quartiers résidentiels proches du Lycée Jean Mermoz, lui-même localisé dans le 1428.

    40 % des familles vivent dans les zones postales : 1601, 1611, 1615, 1626, 1627, 1636, 1638, 1640, 1642-1646 et 1665, quartiers résidentiels proches du Lycée Martinez, lui-même localisé dans le 1640.

    les 12 % restantes vivent dans des quartiers centraux, en particulier à proximité de la gare de Retiro et dans le quartier de la Recoleta.

    Il est donc clair que les choix résidentiels des familles sont, dans la grande majorité, plus déterminés par la décision de scolariser leurs enfants dans un établissement français, que par des considérations d'ordre économique. La part de leurs revenus consacrés au logement est donc excessivement élevé.

    Par ailleurs, en examinant la localisation de la résidence des enfants d'âge scolaire immatriculés, on peut estimer à 2 300 environ le nombre de jeunes Français et binationaux qui pourraient fréquenter sans contrainte géographique majeure l'un des deux établissements. Or leur nombre d'inscrits français ou binationaux est de 867. Il est donc clair que, une fois levée la contrainte résidentielle, la scolarisation d'un enfant dans le système français est une décision "qui va de soi".

     

    Etude comparée des budgets des familles françaises argentines résidant dans le Grand Buenos Aires et de celles des familles françaises ayant sollicité une bourse d'étude

    L'analyse statistique des structures des ressources et des dépenses des familles boursières ne pouvait en aucun cas faire référence à des normes liées aux conditions de vie des ménages résidant en France. Un cadre de référence pour une comparaison pertinente est fourni par les résultats de l'enquête nationale sur les dépenses des ménages de l' INDEC (institut argentin de statistiques) collectée sur la période 1996/1997. En effet cette opération présente un certain nombre de caractéristiques qui assure une bonne cohérence avec les données collectées dans les services sociaux du consulat :

    une proximité des périodes d'observation satisfaisante dans un pays où l'inflation est faible;

    des champs géographiques comparables, l'enquête de l' INDEC est exploitable au niveau du grand Buenos Aires, les familles dont les enfants fréquentent les deux établissements scolaires français ont des résidences circonscrites dans ce périmètre;

    une grande communauté de concepts, tant du point de vue des composantes de la dépense des ménages que de celle de leur caractérisation.

    Cependant les deux sources sont de nature différente. Il serait abusif de considérer que les deux sources sont de fiabilité équivalente, aussi bien sur la qualité des données que sur la précision statistique des estimations que l'on peut en déduire. L'enquête de

    l' INDEC est un outil statistique performant, alors que les données recueillies par le consulat n'ont jamais qu'une vocation administrative, contrôlées cependant par une enquête sociale approfondie. Il convient donc de manier les chiffres avec prudence et de ne pas démultiplier les exigences en matière de détail de postes de dépense ou de segmentation des populations.

    C'est pour cela que trois rubriques de dépenses seulement ont été retenues dans cette étude, tant en raison de leur disponibilité que de leur intérêt pour les objectifs généraux de la mission :

    1. les dépenses des familles relatives à l'alimentation;

    2. la totalité des dépenses liées au logement (loyer, charges, eau, énergie, remboursement des prêts liés à l'achat de la résidence principale);

    3. les dépenses entraînées par la scolarisation des enfants.

    Ces trois rubriques sont toujours mesurées en considérant la part qu'elles représentent dans le revenu des familles. Les seules estimations de "niveau absolu" prises en compte concernent les revenus.

    Un élément fondamental à prendre en considération avant toute analyse est la différence qui peut exister entre l'ensemble des familles boursières et un échantillon représentatif de la population du Grand Buenos Aires. En effet, le paragraphe précédent a donné un aperçu du profil de ces familles, actifs qualifiés, habitant des quartiers résidentiels, soucieux de l'éducation de leurs enfants. Par contre l'échantillon de l'enquête de l'INDEC prend en compte des situations extrêmes, familles des "villas miserias" sans aucun statut social. On estime à 15% la part des ménages de la région de Buenos Aires vivant dans des conditions de "non satisfaction des nécessités primaires" (dans : Perfil de os hogares y de la poblacion con necesidades basicas insatisfechas. INDEC 1996).

     

    Des segmentations des populations de référence ont été mises en œuvre afin d'atténuer cette différence et rapporter les indicateurs déduits des données consulaires à des normes de dépenses et de ressources pertinentes. La meilleure segmentation est d'ordre géographique, consistant à comparer les familles boursières avec leurs voisins de quartier. Malheureusement l'échantillon tel qu'il a été défini par l'INDEC ne permet pas d'exploitation de niveau géographique inférieur à la province. On a donc été amené à utiliser d'autres critères de segmentation.

     

    Segmentation suivant les catégories socioprofessionnelles

    Par soucis de réalisme nous avons regroupé les familles en trois catégories correspondant à des niveaux de qualifications et de savoir-faire des chefs de famille comparables. En réalité il existe une quatrième catégorie, dans la population générale argentine, constituée des familles dont le chef n'a aucune qualification, mais pour ce qui est des familles boursières, elle n'est pas représentée. Par contre, dans l'enquête de l' INDEC, 20 % des chefs de ménage actifs sont dépourvus de qualification, c'est leur élimination, dans le calcul des ratios, qui rendent ces derniers comparables à ceux qui se déduisent des données consulaires.

 

cadres et professions intellectuelles
commerçants artisans et professions intermédiaires
ouvriers et employés
revenu mensuel moyen
pesos
francs
pesos
francs
pesos
francs
familles françaises
2313
13879
2261
13569
1005
6033
familles du Grand Buenos Aires
3047
18280
1817
10905
1124
6741
Part du revenu consacré à l’alimentation
familles françaises
23,92%
27,67%
48,37%
familles du Grand Buenos Aires
18,52%
24,00%
30,34%
Part du revenu consacré au logement
familles françaises
13,03%
24,71%
37,11%
familles du Grand Buenos Aires
9,42%
10,87%
11,54%
Part du revenu consacré à la scolarité
familles françaises
8,45%
7,29%
13,17%
familles du Grand Buenos Aires
5,88%
4,01%
4,44%

    Tableau 3 : Comparaison entre les dépenses des familles boursières et celle des familles du "Grand Buenos Aires" suivant le niveau de qualification du chef de familles.

    Pour les deux catégories extrêmes, le revenu moyen des familles françaises est inférieur au revenu moyen des familles argentines appartenant à la même catégorie. Pour ce qui est des cadres et professions intellectuelles, outre l'effet du plafonnement des revenus, induit par les règles d'attribution de bourses, il convient de souligner la présence, dans cette catégorie, de familles françaises à revenu faible.

    D'une manière générale on trouve des familles françaises dont le chef est très qualifié dans toutes les classes de revenu. Ainsi :

    Parmi les 13 familles boursières ayant le revenu le plus bas (inférieur à 500 pesos), on compte 6 chefs de famille ayant une qualification universitaire, 4 pratiquant une profession intermédiaire et seulement 3 employés.

    Parmi les 61 familles boursières ayant le revenu le plus bas (inférieur à 1 500 pesos), on compte 31 chefs de familles ayant une qualification universitaire et seulement 14 chefs de famille employés ou ouvriers.

    En matière de budget des ménages, la différence la plus marquée entre les deux groupes de familles concerne les dépenses de logement. Les Français consacrent une part plus importante de leur revenu au logement que leurs homologues argentins et cet écart se creuse au fur et à mesure que l'on descend dans les catégories socioprofessionnelles. L'explication de cette différence réside en grande partie dans la différence du statut d'occupation des logements. Le tableau ci-dessous montre que la part des locataires est plus forte dans la population des familles boursières et qu'en outre ils payent des loyers plus élevés en moyenne que les familles argentines, et ceci bien sûr en raison de la localisation de leur logement dans les quartiers résidentiels.

 

demandeurs de bourse
familles du Grand Buenos Aires
répartition
dépense mensuelle moyenne
répartition
dépense mensuelle moyenne
locataires
27,10%
728 pesos
4368F
12,77%
424 pesos
2543F
propriétaires
72,90%
97 pesos
584F
70,01%
93 pesos
556F
là titre gratuit    
17,22%
49 pesos
296F

    Tableau 4: Comparaison du statut d'occupation et du niveau moyen de dépense de logement des familles.

 

    Ce second tableau donne le pourcentage de familles boursières locataires par catégorie socioprofessionnelle, ce pourcentage croit en fonction inverse de la position sociale.

 
Pourcentage de locataire
cadres et professions intellectuelles
15,5%
commerçants artisans et professions intermédiaires
25,3%
ouvriers et employés
41,6%

    Tableau 5: Pourcentage de familles boursières locataires par catégories socioprofessionnelles.

    L'autre différence concerne la part des dépenses liées à l'éducation des enfants qui est nettement supérieure pour les familles françaises. Outre le fait que l'échantillon de l'enquête de l'INDEC contient des familles qui n'ont pas d'enfants d'âge scolaire, on peut penser que les chefs de familles argentines défavorisées ont recours à l'école publique (de mauvaise qualité), ou même renoncent à la scolarisation de leurs enfants.

    Ces deux différences, en matière de structure des dépenses, se retrouvent constamment dans les diverses approches que l'on peut développer pour comparer les conditions de vie des deux groupes sociaux.

 

    segmentation basée sur la distribution des revenus par tête

    La distribution des revenus par tête (c'est à dire du revenu de la famille rapporté au nombre de ses membres) constitue une segmentation "naturelle" des deux populations comparées. Il faut toutefois prendre la précaution d'éliminer les différences structurelles les plus fortes, et en premier lieu de ne pas prendre en compte les familles argentines qui vivent dans des conditions très éloignées des familles des demandeurs de bourses. Sur la base d'une proportion de 15 % de familles vivant en dessous du seuil de pauvreté dans la région de Buenos Aires, le premier quintile (les 20 % ayant le revenu par tête le plus bas) a été retiré de l'étude.

    Les deux populations à comparer (les familles boursières et les 80 % des familles argentines ayant le revenu par tête le plus élevé) ont été segmentées quartiles (quatre groupes de tailles égales) suivant la position de leur revenu par tête. Il subsiste toutefois une différence structurelle forte entre les deux populations qui se traduit par l'écart du nombre moyen de membre par famille qui est important sur les trois derniers quartiles (cf. tableau ci-dessous). On peut donc en déduire d'une part que le 1/4 des familles ayant le revenu par tête le plus bas dans les deux populations est fortement comparable, et d'autre part que pour comparer les ressources des familles, dans tous les cas, il est préférable d'utiliser le revenu par tête.

 

1ier
2ième
3ième
4ième
nombres de membres de la familles
familles françaises
3,97
4,23
3,92
3,36
familles du Grand Buenos Aires
3,72
3,34
2,81
2,42
revenu mensuel moyen par tête
pesos
francs
pesos
francs
pesos
francs
pesos
francs
familles françaises
163
980
386
2317
613
3676
1154
6927
familles du Grand Buenos Aires
196
1175
302
1815
471
2826
1025
6154
Part du revenu consacré à l’alimentation
familles françaises
69,09%
35,53%
26,68%
15,43%
familles du Grand Buenos Aires
37,70%
31,51%
27,66%
19,10%
Part du revenu consacré au logement
familles françaises
54,57%
14,73%
16,78%
11,97%
familles du Grand Buenos Aires
11,02%
10,20%
11,41%
11,00%
Part du revenu consacré à la scolarité
familles françaises
4,03%
10,55%
17,73%
7,12%
familles du Grand Buenos Aires
2,88%
3,39%
3,77%
3,71%

    Tableau 6: Comparaison entre les dépenses de quatre groupes de familles boursières et de familles du "Grand Buenos Aires" définis par les quartiles de revenu par tête des familles.

    Les principaux enseignements de cette comparaison sont les suivants :

    Pour les 25 % "les plus pauvres", groupe pour lequel, comme il a été prouvé précédemment, la comparaison est la plus pertinente, le revenu par tête (et le revenu des familles aussi) des familles boursières est inférieur à celui des familles argentines. Bien qu'ayant un nombre moyen d'enfants comparable, les Français consacrent plus d'un point de revenu supplémentaire aux dépenses de scolarisation. Il faut surtout noter qu'ils dépensent 43 points de plus aux dépenses de logement, la contrainte résidentielle liée à la scolarisation de leurs enfants est maximum. Il est clair par ailleurs que les familles françaises appartenant à ce groupe, afin de maintenir cette structure de consommation, bénéficient de solidarités ou sont endettés.

    Les situations des 25 % "les plus riches" français et argentins sont très proches, il faut considérer que les familles boursières de cette catégorie ont en moyenne 1 enfant de plus que leurs homologues argentins.

 

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