TUNIS
En 10 ans, la communauté française de Tunis, quasi stabilisée
à 11 500 immatriculés, a changé de visage. Dans les années 80
elle se répartissait en trois tiers : les "anciens Français" issus
de la période coloniale, les expatriés temporaires (monde des
affaires, enseignants, assistants techniques) et les Françaises
conjoints de ressortissants tunisiens avec leurs enfants.
Aujourd'hui les "anciens Français", âgés, sont de l'ordre du millier,
les expatriés temporaires avec leurs familles constituent une
frange négligeable de la population immatriculée (même s'ils en
sont la partie la plus "visible") et la majorité des immatriculés
(67 %) est composée de binationaux. L'essentiel reste majoritairement
féminin mais il s'est considérablement rajeuni.

La première caractéristique des immatriculés est d'être une population
jeune, 40 % ont moins de 20 ans (45% pour les hommes). Il y a
plus de jeunes de moins de 18 ans que de femmes de 20 à 60 ans.
La population des immatriculés de plus de 25 ans accuse une forte
dissymétrie, comportant presque deux fois plus de femmes que d'hommes.
C'est la résultante des effets conjugués du fort taux de couples
mixtes et du différentiel de mortalité. Cette dissymétrie disparaît
en effet pour les immatriculés de moins de 20 ans.
Le phénomène de la bi-nationalité est appelé à s'accroître. 93
% des moins de 18 ans sont binationaux en 1999. 2 000 à 3 000
Franco-Tunisiens rejoindraient actuellement la Tunisie chaque
année. Les non-immatriculés, évalués à 10 000 à 25 000, sont binationaux.
La bi-nationalité est un phénomène culturellement et socialement
très diversifié : binationaux élevés en Tunisie par un père tunisien
et une mère française qui se sont connus en France pendant leurs
études supérieures, Françaises qui ont obtenu la nationalité tunisienne
de leur époux, conjoints tunisiens qui ont acquis la nationalité
française de leur conjoint français ou franco-tunisien, et de
plus en plus de Tunisiens et leurs enfants devenus français par
naturalisation lors de leur émigration en France à partir des
années 60.
A titre dexemple, voici la répartition des familles boursières
suivant la nationalité respective des deux parents et leurs pays
de naissance.
|
Mère
française
|
Mère
tunisienne
|
Mère
algérienne
|
ensemble
|
Père français |
125
|
31
|
3
|
159
|
Père tunisien |
112
|
4
|
4
|
120
|
Père algérien |
9
|
1
|
0
|
10
|
ensemble |
246
|
36
|
7
|
289
|
Tableau 1 : Répartition des familles boursières suivant la nationalité
des parents.
Ces considérations sur la nationalité des parents sont à rapprocher
de l'analyse de leur pays de naissance. En effet 85 % des pères
de famille sont nés en Tunisie, alors que 45 % des mères de famille
sont nées en France. C'est certainement pour cela que 44 % des
familles se sont constituées en Tunisie et que pour une part importante
des 56 % restantes, l'installation en Tunisie a correspondu à
un retour du père dans son pays natal. 1/4 des familles dont le
père est né en France se sont constituées en Tunisie, la quasi
totalité des 3/4 restantes se sont constituées en France et installées
en Tunisie après 1982.
|
Mère née en France
|
Mère née en Tunisie
|
Mère née en Algérie
|
ensemble
|
Père né en France |
7
|
19
|
2
|
28
|
Père né en Tunisie |
112
|
116
|
11
|
239
|
Père né en Algérie |
4
|
9
|
3
|
16
|
ensemble |
123
|
144
|
16
|
283
|

Les binationaux appartiennent dorénavant à toutes les classes
de la société alors que le phénomène était restreint à l'élite
sociale depuis les années 60. Milieux dirigeants et possédants,
intelligentsia et professions libérales, fonctionnaires, employés,
petits artisans et commerçants, ouvriers, ils sont présents dans
tous les milieux. Leur présence est marquante en province et diminue
la concentration de la communauté française à Tunis pour agrandir
celle de la côte, de Bizerte jusqu'à Gebès et Djerba.
La communauté française, tout en gardant la dominante de cadres,
professions intellectuelles et professions intermédiaires (47%)
comporte maintenant des populations à revenus insuffisants, précaires
ou franchement exclus. L'analyse des familles bénéficiaires de
bourses scolaires (290 en 1998) prouve que le basculement s'est
effectué en 1983 : les chefs de famille installés à Tunis avant
cette date sont cadres à 59%, 46% seulement le sont pour ceux
qui se sont installés ultérieurement.
Le graphique ci-dessous montre que pour les familles qui se sont
fixées dans le pays alors qu'elles étaient déjà constituées, le
revenu qu'elles ont aujourd'hui n'est pas indépendant de leur
date d'arrivée. Alors que jusqu'en 1982 on observe une tendance
à l'augmentation des revenus en fonction de la date d'installation,
à partir de 1983 cette tendance se renverse.

Le calcul des principaux indicateurs qui découlent de l'information
disponible dans les dossiers (cf. tableau de synthèse) confirment
cette segmentation.
Les familles qui se sont installées en Tunisie avant 1983 disposent
des revenus les plus élevés. 60 % de leurs chefs sont des cadres
ou exercent une profession intellectuelle, de plus la moitié d'entre
elles sont propriétaires de leur logement. Les deux autres catégories
ont des revenus de même niveau, inférieur à la moyenne sur l'ensemble
de la population.
Par contre, les autres indicateurs divergent (les chefs de familles
qui se sont constituées en Tunisie ont des qualifications nettement
inférieures à celles de l'ensemble de l'échantillon, les professions
intermédiaires et les employés - et en particulier les employés
du secteur public - y sont représentés). Par ailleurs, une proportion
importante de ces familles sont logées gratuitement (deux fois
plus que dans les autres catégories). Les chefs des familles installées
en Tunisie après 1982 sont plus jeunes que la moyenne, plus souvent
nés en France et encore assez qualifiés, bien que présentant un
taux de chômage significatif. Plus de la moitié de ces familles
louent leur logement et payent les loyers les plus élevés.
Notons que la différence entre les revenus moyens de chacun de
ces trois groupes résulte plus d'un effet structurel (différence
de qualifications) que d'une différence de salaire à qualification
égale, comme le montre le tableau ci-dessous donnant les revenus
familiaux pour les trois groupes et les trois qualifications les
plus représentées.
|
familles constituées en Tunisie
|
familles installées avant 83
|
familles installées après 82
|
|
DT (*)
|
FF
|
DT
|
FF
|
DT
|
FF
|
chef de famille cadre |
1341,66
|
7044
|
1412,64
|
7416
|
1203,44
|
6318
|
chef de famille exerçant une profession intermédiaire |
879,62
|
4618
|
1104,07
|
5796
|
922,06
|
4841
|
chef de famille employé |
780,10
|
4096
|
791,10
|
4153
|
800,59
|
4203
|
Tableau 3: Revenus familiaux suivant la date d'installation en
Tunisie.
(*) DT = dinar tunisien
L'observation fondée uniquement sur des dossiers de bourse sous-estime
la mesure de la proportion des chefs de famille moins qualifiés
installés en Tunisie après 1982. En effet, l'exclusion systématique
de l'échantillon des jeunes adultes célibataires (en particulier
de jeunes femmes entre 25 et 30 ans dont la pyramide des âges
des immatriculés montre l'importance) et des parents d'enfants
en bas âge, biaise vers le haut cette estimation.
Létude des qualifications des parents délèves boursiers offre
une autre occasion de constater le biais introduit par les contraintes
liées aux règles dattribution des bourses. En effet, si la catégorie
des cadres et professions intellectuelles conserve, dans la population
des parents boursiers, un niveau équivalent à celui quelle présente
dans lensemble des immatriculés, il nen est pas de même des
hommes artisans, commerçants et chefs dentreprises dont la part
se voit réduite de moitié. Ce qui signifie que ces milieux qui
comportent plus de chefs de famille à revenus faible que les cadres
et les professions intellectuelles, qui nont pas les mêmes possibilités
de fixer leur domicile à proximité des établissements et qui ont
une plus faible ambition scolaire pour leurs enfants optent pour
lenseignement tunisien. Les femmes employées sont en revanche
nettement sur-représentées dans léchantillon des familles boursières.
Ce qui sexplique probablement par le fait que les maris des femmes
employées ont des positions de cadres et de professions intellectuelles.
Il est possible de surcroît que beaucoup de femmes employées soient
de nationalité française et pèsent dans le choix familial en faveur
de lécole française, même si cest disproportionné au revenu
familial.
|
hommes
immatriculés
|
femmes
immatriculées
|
pères
|
mères
|
agriculteurs |
1,27%
|
0,20%
|
1,26%
|
0,00%
|
commerçants, artisans et chefs d'entreprise |
25,27%
|
6,59%
|
10,46%
|
1,41%
|
cadres et professions intellectuelles |
47,92%
|
35,89%
|
44,77%
|
33,80%
|
professions intermédiaires |
5,06%
|
18,58%
|
20,50%
|
18,31%
|
employés |
11,92%
|
27,14%
|
14,64%
|
45,77%
|
ouvriers |
1,22%
|
0,25%
|
1,67%
|
0,00%
|
chômeurs |
1,10%
|
1,92%
|
1,67%
|
0,70%
|
retraités |
6,24%
|
9,44%
|
5,02%
|
0,00%
|
Un autre groupe de familles boursières se distingue en raison
de son bas niveau de revenu; les familles monoparentales (60 %
du revenu moyen de l'ensemble des familles, 20 % de chefs de famille
inactifs, à peine 18 % de chefs de famille cadres). Dans ce groupe,
les familles qui se sont constituées en Tunisie sont les plus
défavorisées, elles ont les chefs de famille les plus jeunes,
à peine 13 % d'entre eux sont cadres et
9 % seulement sont nés en France. On voit émerger ici les jeunes
femmes binationales divorcées, comme beaucoup de leurs homologues
tunisiennes de la même génération, et qui n'ont pas bénéficié
d'une formation scolaire et professionnelle égale à celle des
garçons.
Enfin, les chefs des familles qui se sont constituées en Tunisie
ont des qualifications nettement inférieures à celles de l'ensemble
de l'échantillon, les professions intermédiaires, les employés
(en particulier les fonctionnaires) y sont représentés (48 %)
et les artisans et commerçants apparaissent (11 %) alors qu'il
n'y en a aucun dans les familles installées avant 1983.
Etude du revenu et des dépenses des familles boursières de Tunis
On a opéré une simulation de léquilibre budgétaire des familles,
sans prendre en compte les bourses, de manière à évaluer le poids
que représenterait la scolarité pour les différente catégories
de familles.
Les dépenses annuelles des familles sont calculées de la manière
suivante :
§ Pour le consommations hors éducation et logement, le montant
des dépenses a été déduit de lenquête " Budget des Ménages 1995 "
de lINS Tunisien, ces montants sont modulé en fonction de la
taille du ménage et de la CSP du chef de ménage. Ils sont connus
pour 95, ils ont été extrapolés pour 1997, année pour laquelle
sont connus les revenus des familles boursières.
§ Pour les dépenses liées au logement, les données disponibles
dans les dossiers de bourses ont été pris en compte.
§ Pour les dépenses liées à léducation, on sest placé dans une
situation ou la familles prend en charge intégralement les dépenses
de ses enfants scolarisés dans le système AEFE, donc en raisonnant
" comme sils navaient pas de bourses "
§ Les dépenses liées aux impôts sur le revenu ne sont pas prises
en compte, faute déléments pour les calculer.
On obtient donc un solde annuel qui représente " lépargne avant
impôt " des ménages sils assumaient les frais scolarités des
élèves qui fréquentent les établissements français. Des soldes
moyens par familles ont été calculés pour différentes catégorise.
CSP du soutien principal du ménage
|
Revenu mensuel
|
Dépenses mensuelles
|
Solde
|
exploitants agricole |
2 392 F
|
1 976 F
|
416 F
|
patrons des petits métiers |
3 970 F
|
4 044 F
|
-74 F
|
artisans et indépendants |
3 524 F
|
2 638 F
|
886 F
|
cadres et professions libérales supérieurs |
7 585 F
|
6 313 F
|
1 272 F
|
cadres et professions libérales moyens |
5 254 F
|
4 502 F
|
751 F
|
autres employés |
3 809 F
|
3 617 F
|
192 F
|
ouvriers non agricoles |
1 890 F
|
2 184 F
|
-294 F
|
retraités |
4 580 F
|
3 346 F
|
1 234 F
|
ensemble |
5 531 F
|
4 741 F
|
790 F
|
date d'arrivée en Tunisie
|
Revenu
|
Dépense
|
Solde
|
après 1982 |
5 502 F
|
5 076 F
|
426 F
|
avant 1983 |
6 779 F
|
5 023 F
|
1 757 F
|
natifs |
5 131 F
|
4 363 F
|
768 F
|
La paupérisation d'une partie de la communauté française est donc
une réalité. La sous-représentation des jeunes parents dans l'échantillon
des familles boursières ainsi que les choix culturels, ou contraints
par l'habitat éloigné, des milieux les moins favorisés dans l'échantillon
constitué par les familles boursières permet de prendre la mesure
de la paupérisation, mais la masque en partie. En effet, le choix
de l'école française dépend de contraintes économiques, géographiques
et de choix culturels qui tirent l'échantillon vers le haut. Ouvriers,
artisans, commerçants, Français de province s'écartent ou sont
écartés de l'école française.
La pyramide des âges des parents d'élèves boursiers montre que
seules les familles dont le père est âgé d'au plus 55 ans et d'au
moins 35 ans sont pleinement représentées. La non-représentation
des jeunes parents amène certainement à sous-estimer les difficultés
des familles installées récemment en Tunisie, en se fiant à la
seule population boursière. Toutes les données montrent en effet
que plus les familles sont jeunes et tardivement installées en
Tunisie, plus leur revenu baisse. C'est évidemment lié aux bas
revenus des débuts de carrière, mais la plus faible qualification
intellectuelle et professionnelle doit y avoir sa part.

Activité : répartition socioprofessionnelle
Le taux d'activité des immatriculés est de 36 %. Ce niveau particulièrement
bas s'explique par la proportion élevée des moins de 18 ans. Les
femmes occupées représentent plus de la moitié des immatriculés
de plus de 24 ans et moins de 66 ans.
|
HOMMES
|
FEMMES
|
ENSEMBLE
|
AGRICULTEURS |
31
|
4
|
35
|
ARTISANS COMMERCANTS CHEFS D'ENTREPRISES |
619
|
134
|
753
|
CADRES PROFESSIONS INTELLECTUELLES |
1174
|
730
|
1904
|
PROFESSIONS INTERMEDIAIRES |
124
|
378
|
502
|
EMPLOYES |
292
|
552
|
844
|
OUVRIERS |
30
|
5
|
35
|
ACTIFS A LA RECHERCHE D'UN EMPLOI |
27
|
39
|
66
|
RETRAITES |
153
|
192
|
345
|
ENSEMBLE |
2450
|
2034
|
4484
|

Le niveau de qualification de la population occupée est bon, puisque
47 % sont des cadres ou exercent une profession intellectuelle
(52 % pour les hommes et 41 % pour les femmes). Plus du 1/4 des
hommes actifs sont artisans, commerçants ou chefs d'entreprise,
alors que plus de la moitié des femmes actives sont employées
ou exercent une profession intermédiaire.
En dépit du développement économique de la Tunisie depuis les
années 60, la précarité et l'exclusion sociale se sont donc développées
dans la communauté française suite aux modifications sociologiques
décrites ci-dessus. Le phénomène est appelé à s'aggraver.
Aujourd'hui si 40 % des Français sont recensés dans la catégorie
des cadres et professions intellectuelles, un tiers des actifs
(professions intermédiaires, employés, artisans et commerçants)
ont un revenu inférieur à 3 000 FF par mois.
" Une diffusion de la population française existe dans les diverses
couches sociales. Percevant généralement un salaire modeste au
regard des salaires versés en France pour des emplois de même
ordre, la majorité des actifs français semble plus sensible à
l'évolution de la situation économique et sociale du pays d'accueil.
D'une part, certains Français ressentent une lente mais tangible
érosion de leur pouvoir d'achat. Une difficulté croissante à "joindre
les deux bouts" s'explique souvent par le fait que l'évolution
des salaires locaux ne suit pas forcément celle du coût de la
vie, l'inflation tunisienne étant estimée en 1997 ainsi que pour
1998 à près de 4 %. A titre d'exemple, un loyer absorbe parfois
près de 50 % du montant du salaire. Un cas de figure relativement
répandu verra un ménage aux revenus mensuels de 3 000 à 3 500
F dépenser plus de 1 200 F de loyer.
Signalons dans ce contexte de paupérisation, le coût élevé de
la cotisation à la CE (423 F par trimestre) au regard du budget
des ménages défavorisés. La Tunisie ne disposant pas d'un système
sanitaire public performant, une couverture médicale de bonne
qualité ne peut être obtenue que par la sollicitation de dispensateurs
de soins du secteur privé dont les frais ne sont pas pris en charge
par la Sécurité Sociale tunisienne. Etant donné le maintien en
l'état de cette situation, l'affiliation à la CFE qui permet un
remboursement de 60 à 80 % des frais de soins devient un enjeu
véritable.
De manière générale, la sollicitation d'aides financières, afin
de répondre à des dépenses imprévues ou trop élevées, est susceptible
d'évoluer à la hausse d'autant plus que les allocations-logement
ou les allocations familiales sont respectivement inexistantes
ou de faible montant en Tunisie.
D'autre part, une pénurie de l'emploi touche l'économie tunisienne
: on évalue à près de 17 % le taux de chômage tunisien. Il convient
de remarquer que cette proportion augmente pour la catégorie des
jeunes qui subirait un taux de chômage d'environ 30 %. L'avenir
des jeunes franco-tunisiens ou des femmes françaises épouses de
Tunisien semble d'ores et déjà compromis, en particulier pour
les personnes les moins qualifiées et/ou maniant la langue arabe
malaisément.
La Tunisie ne dispose pas d'un réel système d'assurance-chômage;
or les conséquences habituellement liées au chômage sont problématiques.
L'absence ou la rupture de revenus implique une couverture sociale
aléatoire, l'impossibilité de faire face à des dépenses pourtant
incompressibles (alimentation, loyer...) quand ne s'y mêlent pas
des problèmes familiaux. Ce cas de figure est d'ailleurs répandu
pour une centaine de couples mixtes, la misère matérielle rendant
d'autant plus dure l'adaptation psychologique et culturelle de
la conjointe française.
Des prévisions à court-moyen terme incitent à plus de pessimisme
encore. Il est communément évalué que la mise en oeuvre de l'accord
d'association entre la Tunisie et l'union Européenne devrait donner
lieu à 150 000 chômeurs supplémentaires, ou du moins 100 000 chômeurs
en plus et 50 000 autres personnes obligées de suivre une reconversion.
La baisse du nombre de fonctionnaires détachés et de coopérants
civils ou militaires
(1 350 en 1992, 1 130 en 1997 sans compter les familles) s'effectue
simultanément à un accroissement du nombre de ménages dont le
niveau de vie se rapproche de celui des familles tunisiennes.
Une partie des résidents français risque de connaître l'alternance
de périodes d'emploi et de chômage. La précarité résulte donc
de la dégradation du niveau de vie de certains ménages français
aux revenus déjà modestes. Cela n'est pas compensé, pour les cas
les plus extrêmes, par l'aide sociale tunisienne. Les évolutions
possibles en matière économiques et sociale concernant la Tunisie
incitent à prévoir une augmentation du nombre de Français dans
le besoin matériel. "
1998- rapport du consulat général de France à Tunis sur la paupérisation
de la communauté française.
En dépit du développement économique de la Tunisie depuis les
années 60, la précarité et lexclusion sociale se sont donc développées
dans la communauté française, suite aux modifications sociologiques
décrites ci-dessus. Le phénomène est appelé à saggraver.
Aujourdhui si 40% des Français sont recensés dans la catégorie
des cadres et professions intellectuelles, un tiers des actifs
(professions intermédiaires, employés, artisans et commerçants)
ont un revenu inférieur à 3000 FF par mois.
" Une diffusion de la population française existe dans les diverses
couches sociales. Percevant généralement un salaire modeste au
regard des salaires versés en France pour des emplois de même
ordre, la majorité des actifs français semble devenir plus sensible
à lévolution de la situation économique et sociale du pays daccueil.
Dune part, certains français ressentent une lente mais tangible
érosion de leur pouvoir dachat. Une difficulté croissante à " joindre
les deux bouts " sexplique souvent par le fait que lévolution
des salaires locaux ne suit pas forcément celle du coût de la
vie, linflation tunisienne étant estimée en 1997 ainsi que pour
1998 à près de 4%. A titre dexemple, un loyer absorbe parfois
près de 50% du montant du salaire. Un cas de figure relativement
répandu verra un ménage aux revenus mensuels de 3000 à 3500 F
dépenser 1200 F de loyer.
Signalons dans ce contexte de paupérisation, le coût élevé de
la cotisation à la CFE (423F par trimestre) au regard du budget
des ménages défavorisés. La Tunisie ne disposant pas dun système
sanitaire performant, une couverture médicale de bonne qualité
ne peut être obtenue que par la sollicitation de dispensateurs
de soins du secteur privé dont les frais ne sont pas pris en charge
par la Sécurité Sociale tunisienne. Etant donné le maintien en
létat de cette situation, laffiliation à la CFE qui permet un
remboursement de 60 à 80% des frais de soins devient un enjeu
véritable.
De manière générale, la sollicitation daides financières, afin
de répondre à des dépenses imprévues ou trop élevées, est susceptible
dévoluer à la hausse dautant plus que les allocations-logement
ou les allocations familiales sont relativement inexistantes ou
de faible montant en Tunisie.
Dautre part une pénurie de lemploi touche léconomie tunisienne :
on évalue à près de 17% le taux de chômage tunisien. Il convient
de remarquer que cette proportion augmente pour la catégorie des
jeunes qui subirait un taux de chômage denviron 30%. Lavenir
des jeunes franco-tunisiens ou des femmes françaises épouses de
Tunisien semble dores et déjà compromis, en particulier pour
les personnes les moins qualifiées et (ou) maniant la langue arabe
malaisément. La Tunisie ne dispose pas dun réel système dassurance-chômage ;
or les conséquences habituellement liées au chômage sont problématiques.
Labsence de rupture de revenus implique une couverture sociale
aléatoire, limpossibilité de faire face à des dépenses pourtant
incompressibles (alimentation, loyer
) quand ne sy mêlent pas
des problèmes familiaux. Ce cas de figure est dailleurs répandu
pour une centaine de couples mixtes, la misère matérielle rendant
dautant plus dure ladaptation psychologique et culturelle de
la conjointe française.
La baisse du nombre de fonctionnaires détachés et coopérants civils
et militaires (1350 en 1992, 1130 en 1997 sans compter les familles)
seffectue simultanément à un accroissement du nombre des ménages
dont le niveau de vie se rapproche de celui des familles tunisiennes.
Une partie des résidents français risque de connaître lalternance
de périodes demploi et de chômage. La précarité résulte donc
de la dégradation du niveau de vie de certains ménages français
aux revenus déjà modestes. "
1998- rapport du consulat général de France à Tunis sur la paupérisation
de la communauté française.
La composition sociologique de la communauté française est donc
aujourdhui très diversifiée. Si la majorité des Français continuent
à appartenir aux milieux favorisés et à la classe moyenne quils
soient mononationaux ou binationaux ils sont présents dorénavant
dans les classes populaires et les milieux défavorisés. On peut
estimer que 15% environ dentre eux, soit 2000 personnes, appartiennent
à lun ou lautre des groupes en difficulté recensés dans le rapport
et quelles relèvent dune action daide ou dinsertion sociale.
Si le développement économique de la Tunisie se poursuit au rythme
des 25 dernières années, le nombre de ces Français, qui seront
majoritairement binationaux dici la, pourrait ne pas trop saccroître.
Tout dépend des effets macro-économiques de laccord de partenariat
signé en 1995 entre la Tunisie et lUnion Européenne.

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